Cadre juridique

Introduction à la langue d'instruction

L’article 23 de la Charte canadienne s’est avéré l’un des plus importants de tous les droits ajoutés en 1982.  En effet, il confère à certaines catégories de personnes, à certaines conditions, un droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité.  Il a conduit à des restructurations majeures du réseau scolaire en langue officielle minoritaire au Canada.  Chaque province et territoire a dû modifier sa législation pour faire une place à des institutions d’enseignement de la minorité et des structures de gestion de celles-ci.

La présente section traite du droit constitutionnel et des lois provinciales.  L’éducation étant une compétence des provinces, il n’y a pas de législation fédérale applicable.

Loi constitutionnelle

Fruit d’intenses débats politiques ayant débuté avec le rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, l’article 23 est celui qui a généré la jurisprudence la plus abondante pour la théorie des droits linguistiques.

Essentiellement, le débat politique précédant l’adoption de l’article 23 a porté autour de deux questions : le droit au libre choix par les parents de la langue d’instruction de leur enfant, ou la restriction de ce choix aux seuls membres d’une minorité linguistique à définir.  Le débat venait du fait qu’au Québec, seule province à majorité francophone, une majorité d’immigrants ainsi qu’une bonne proportion de francophones choisissaient l’instruction en anglais pour leurs enfants et que le gouvernement québécois entendait mettre fin à cette pratique, tandis qu’en dehors du Québec, les minorités acadiennes et francophones, qui avaient été privées de leur droit à des écoles et à la gestion de celles-ci au début du 20e siècle, et voyaient leurs enfants confinés à des programmes bilingues dans des écoles où l’anglais était la langue d’usage, réclamaient le retour d’écoles linguistiquement homogènes où l’instruction aurait lieu dans la langue de la minorité.

L’article 23 est donc le fruit d’une décennie et demie de débats nationaux et locaux autour de la langue d’enseignement.  Dans Mahé, il a été décrit comme la clé de voûte de l’engagement du Canada envers le bilinguisme et le biculturalisme.  Son objet, toujours selon cet arrêt, est le maintien et l’épanouissement des communautés de langue officielle dans les provinces et territoires où elles sont minoritaires, par le biais de l’éducation.  Ces communautés linguistiques doivent être des partenaires égaux avec la majorité.  L’article 23 est aussi « réparateur », il cherche à modifier le statut quo scolaire.

La présente section aborde les questions suivantes : la définition des ayants-droit; le droit à l’instruction et aux établissements; le droit à la gestion; les conditions de nombre et de coût.

Ayant-droits

L’expression « ayant-droit », qui n’est pas un terme juridique mais qui est passé dans le langage courant, désigne ici les personnes qui, au sens de l’article 23, ont un droit constitutionnel de faire instruire leurs enfants au niveau primaire et secondaire dans leur langue officielle.

Les trois catégories d’ayants-droit ont été modelées sur les catégories édictées par l’article 73 de la Charte de la langue française en 1977, ainsi que l’a reconnu la Cour suprême dans Quebec Association of Protestant School Boards.

Deux séries de conditions s’appliquent aux ayants-droit : les conditions communes et les conditions linguistiques

Conditions communes

Être un parent.  Selon la doctrine, un seul parent est un ayant-droit, les deux parents n’ont pas à rencontrer les conditions.  Dans Association des parents ayant-droit de Yellowknife, la Cour d’appel a estimé que ni les grands-parents ni les titulaires de l’autorité parentale ne sont des ayants-droit au sens de l’article 23.  Dans Perron c Perron, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé qu’en cas de divorce entre un parent ayant-droit, à qui la Cour accorde des droits de visite, et un parent non ayant-droit à qui la Cour accorde la garde de l’enfant, le parent ayant-droit conserve son droit constitutionnel; s’il y a mésentente entre les deux concernant le choix de la langue d’instruction, le tribunal doit tenir compte de l’intérêt de l’enfant, mais aussi des droits constitutionnels du parent ayant-droit, qui est un facteur à considérer dans l’évaluation du meilleur intérêt de l’enfant.

Être un citoyen canadien.  Les droits de l’article 23 ne s’étendent pas aux immigrants.  La loi peut cependant élargir les critères.  La citoyenneté doit avoir été obtenue au moment où le parent demande l’admission à l’école de son enfant.

Résider dans une province où la langue d’instruction demandée est celle de la minorité linguistique, pour l’application du paragraphe 23(1).  En pratique, il s’agit de l’anglais au Québec, du français hors du Québec, et de ces deux langues au Nunavut où la langue majoritaire est l’Inuit.  La détermination du statut de langue minoritaire dépend de la province et non de la région, même si dans certaines provinces (le Nouveau-Brunswick, l’Ontario) l’anglais peut être une langue régionale minoritaire.  La notion de résidence n’étant pas définie et relevant des provinces, c’est le droit provincial qui va s’appliquer.  Certains problèmes particuliers se poseront pour les militaires et le personnel d’ambassade et de consulat postés à l’étranger, pour les autochtones résidant sur des réserves et pour des personnes très mobiles.

Avoir un enfant qui a reçu ou reçoit son instruction en français ou en anglais au Canada.  Le paragraphe 23(2) ne précise aucune province de résidence.

Demander l’instruction en français ou en anglais.  L’article 23 ne protège pas les autres langues d’instruction.  Malgré des variations régionales parfois assez importantes surtout en français, l’article 23 ne définit pas la langue française ou la langue anglaise.  Aucune décision judiciaire n’a exploré cet enjeu.  On peut présumer que la détermination de l’usage des variations langagières régionales dépendra des politiques provinciales.

Conditions linguistiques

Trois séries de conditions linguistiques doivent être rencontrées pour devenir un ayant-droit.  Les conditions sont facultatives et non cumulatives.

Selon l’alinéa 23(1)a), le parent doit avoir comme « première langue apprise et encore comprise »  la langue de la minorité francophone ou anglophone de sa province de résidence.  Cette notion n’est pas définie dans la Charte. Les données de Statistique Canada sur la langue maternelle, recueillies lors des recensements, servent de référence. Selon l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982, cette condition ne s’applique pas au Québec et ne s’appliquera que si l’Assemblée nationale ou le gouvernement du Québec donne son accord.

Selon l’alinéa 23(1)b), le parent doit avoir reçu son instruction primaire en français ou en anglais au Canada.  Dans Quebec Association of Protestant School Boards, la Cour suprême du Canada a estimé que cette clause, dite « Clause-Canada », doit avoir préséance sur l’ancienne définition contenue dans la Charte de la langue française du Québec qui limitait l’accès à l’école anglaise de cette province aux enfants dont un parent avait étudié en anglais au Québec (clause-Québec).

Selon le paragraphe 23(2), si l’enfant « a reçu ou reçoit son instruction au niveau primaire ou secondaire » en français ou en anglais au Canada, tous les enfants de ce parent ayant-droit peuvent étudier dans cette langue au niveau primaire ou secondaire.  Dans Solski, la Cour suprême du Canada a estimé qu’une condition que « la majeure partie » de cette instruction de l’enfant ait eu lieu en anglais, imposée dans la Charte de la langue française du Québec, n’était pas inconstitutionnelle.  Toutefois, la méthode pour évaluer ce que représente cette « majeure partie » ne pouvait pas utiliser un critère purement mathématique de nombre d’heures passées à recevoir l’instruction dans une ou l’autre langue, mais devait plutôt évaluer chaque cas au mérite et vérifier le parcours scolaire authentique de l’enfant ainsi que le lien subjectif du parent avec la communauté anglophone.  Dans N’Guyen, la Cour suprême a décidé que la forme de l’instruction reçue en anglais au Canada (hors Québec ou au Québec, dans une école publique ou privée), importait peu et toute instruction reçue en anglais au Canada devait être considérée dans l’application du paragraphe 23(2).  Une loi québécoise qui excluait de cette évaluation le temps passé par l’enfant dans une école privée non subventionnée par l’État a donc été annulée.  Toutefois la Cour ajoute qu’un parent ne pourrait pas utiliser des subterfuges pour contourner l’exigence de « la majeure partie » imposée par la Charte de la langue française, par exemple en inscrivant son enfant dans une école privée pour une journée pour ensuite demander son admission dans une école publique.  Selon la Cour, le paragraphe 23(2) ne signalait pas le retour du libre choix de la langue d’enseignement.

Il convient de faire remarquer qu’en aucun temps la langue maternelle ou la langue parlée par l’enfant ne sont en cause.  Seule compte la langue du parent, ou la langue dans laquelle l’enfant est scolarisé.  En conséquence, des enfants ont le droit de fréquenter une école de la minorité même s’ils ne parlent pas la langue d’instruction, ce qui requiert des ressources en adaptation linguistique.

La vérification du critère linguistique s’effectue généralement par déclaration volontaire du parent.

Non ayant-droits

Si un parent ne tombe pas dans une de ces catégories communes ou linguistiques, il n’est pas un ayant-droit. Dans un tel cas, selon la Cour suprême du Canada dans Commission scolaire francophone du Yukon, la loi provinciale ou territoriale peut déléguer au conseil scolaire de la minorité le droit d’admettre les enfants de ces personnes, mais n’y est pas obligée. Le législateur provincial peut aussi lui-même régir le statut de ces personnes : Commission scolaire francophone des Territoires-du-Nord-Ouest (Cour d’appel des TNO); Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique (2016) (Cour suprême de Colombie-Britannique; en appel).

Instruction, établissements, qualité égale

Instruction

La forme de l’instruction n’est pas précisée dans l’article 23.  Certes, la forme couramment utilisée d’écoles où les élèves sont regroupés par niveau est certainement incluse.  Mais des questions peuvent subsister concernant les nouvelles formes d’instruction : le recours aux outils technologiques et les cours en ligne; l’enseignement spécialisé; l’enseignement professionnel et technique; les programmes spécialisés sport-études, musique-études, arts-études; les programmes internationaux; l’alphabétisation des adultes, la littératie; l’enseignement aux sourds-muets; les programmes de récupération des décrocheurs, et bien d’autres.  La doctrine est favorable à l’inclusion de ces programmes dans la notion d’instruction à l’article 23.

Puisque l’article 23 donne accès aux écoles de la minorité francophone à des enfants qui ne parlent pas français à leur entrée, des programmes de refrancisation sont inclus dans l’article 23.

L’instruction couvre les niveaux primaire et secondaire, qui sont les niveaux utilisés partout au Canada (dans les provinces et territoires à majorité anglophone, on parle du primaire, intermédiaire et secondaire, mais pour les fins de l’article 23 l’intermédiaire et le secondaire sont considérés comme le même niveau).  On les distingue du préscolaire (crèche, garderie et prématernelle) ou du post-secondaire (collèges ou universités).  Malgré des efforts de la doctrine pour intégrer dans la protection de l’article 23 le préscolaire et le post-secondaire, seuls les niveaux primaire et secondaire sont couverts.  D’après une série d’arrêts des tribunaux de l’ouest du Canada, l’article 23 ne comprend pas un droit au préscolaire ni aux garderies en milieu scolaire : Commission scolaire francophone des Territoires-du-Nord-Ouest; Association des parents francophones de Yellowknife (Cour d’appel des TNO);  (Cour suprême du Canada); Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016 (Cour suprême de Colombie-Britannique)Aucune décision judiciaire n’a explicitement visé le post-secondaire, mais l’interprétation générale de l’article 23 ne va pas dans cette direction.

Institutions

Quand les nombres le justifient, l’instruction doit se dérouler dans des écoles dites « homogènes » au plan linguistique, soit des écoles où tout l’enseignement est dispensé dans la langue de la minorité, sauf bien entendu l’enseignement de la langue seconde : Renvoi relatif à la Loi sur l’Instruction publique (Manitoba) (Cour suprême du Canada).

Les établissements doivent aussi être situés dans la communauté, les gouvernements ne doivent pas obliger les parents à choisir entre une école de la minorité très éloignée de leur lieu de résidence et une école de la majorité située dans leur propre ville : Arsenault-Cameron c Ile-du-Prince-Édouard (Cour suprême du Canada).

Un tribunal a jugé que le transport scolaire fait partie de la notion d’ « instruction » ou d’ « établissement » : Conseil des écoles publiques de l’est ontarien (Cour supérieure de l’Ontario); un autre a inclus le transport scolaire dans les droits garantis et offert des dommages-intérêts pour le sous-financement provincial du transport scolaire des francophones : Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique, 2016 (Cour suprême de Colombie-Britannique). 

La qualité des établissements doit être comparable entre la minorité et la majorité linguistique : Association des parents de l’école Rose-des-vents (Cour suprême du Canada); Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016 (Cour suprême de Colombie-Britannique)

Quand les nombres ne sont pas suffisants pour obtenir un établissement d’enseignement de la minorité, le partage des locaux demeure une possibilité : Zenon Park (Cour du banc de la reine de Saskatchewan); le transport scolaire aussi : Chubbs (Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador).

 

Qualité

]La qualité des établissements doit être comparable entre la minorité et la majorité linguistique : Association des parents de l’école Rose-des-vents (Cour suprême du Canada); Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016 (Cour suprême de Colombie-Britannique). 

Quand les nombres ne sont pas suffisants pour obtenir un établissement d’enseignement de la minorité, le partage des locaux demeure une possibilité : Zenon Park (Cour du banc de la reine de Saskatchewan); le transport scolaire aussi : Chubbs (Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador).

Droits de gestion

Au Canada, l’éducation relève d’un ministère du gouvernement provincial, mais aussi d’une instance décentralisée appelée « commission scolaire » ou « Conseil scolaire ». Traditionnellement, les conseils scolaires s’occupent de l’administration courante des écoles sur un territoire donné. Ils ont d’abord été organisés sur une base de confession religieuse, entre conseils catholiques ou protestants, pour des raisons historiques.  L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 a protégé ces droits acquis avant la confédération. L’article 23 de la Charte est venu rajouter une couche de complexité.

Histoire du droit de gestion

Historiquement, parce que les francophones étaient très majoritairement catholiques, ils contrôlaient par la seule force de leur nombre des conseils scolaires catholiques dans plusieurs régions des provinces.  L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 protégeait d’ailleurs les droits historiques des minorités catholiques ou protestantes en matière de gestion scolaire.  Cependant, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, dans l’arrêt Mackell, en 1917, a décidé que l’article 93 ne garantissait que des droits relatifs à la confessionnalité et que les provinces demeuraient libres d’imposer une langue d’instruction. Les fusions de conseils scolaires et les tendances démographiques ont fait en sorte que les francophones hors-Québec ont perdu le contrôle de la gestion de leurs écoles. Les provinces et territoires à majorité anglophone ont imposé l’anglais comme langue d’instruction. 

Au Québec, le gouvernement n’était pas intervenu, laissant les systèmes scolaire protestant et catholique continuer d’enseigner en français ou en anglais à son choix; dans les faits, le système protestant québécois fonctionnait uniquement en anglais et une petite minorité catholique anglophone disposait aussi d’écoles et d’une forme de gestion. Hors-Québec, des programmes bilingues et d’immersion sont apparus dans les années 1970, mais les provinces ne reconnaissaient pas aux francophones de droit de gestion.ni de droit à l’instruction complète, au primaire et au secondaire, dans leur langue. Au Québec, en 1977, le gouvernement a cherché à resserrer l’accès à l’instruction en anglais, mais c’est en 1997 qu’il a finalement remplacé les commissions scolaires catholiques ou protestantes par des commissions scolaires francophones on anglophones.

Quand l’article 23 de la Charte a été adopté en 1982, les minorités francophones hors-Québec ont revendiqué le retour de conseils scolaires francophones dans les provinces anglaises.  Celles-ci ont pris la position que l’article 23 ne garantissait pas de telles structures, mais seulement de l’instruction et des écoles. Dans Mahe, la Cour suprême a estimé que, compte tenu du texte et de l’objet de l’article 23, une forme de gestion et contrôle de l’instruction dans la langue de la minorité devait être mise en place. Quand les nombres ne seraient pas suffisants pour créer des conseils scolaires de la minorité, d’autres structures devaient être prévues, pourvu que certains pouvoirs appartiennent exclusivement aux représentants de la minorité.

La forme et les pouvoirs des organismes de gestion

La Cour suprême, dans Mahe, a estimé qu’il fallait laisser aux provinces la plus grande discrétion possible dans le choix des moyens utilisés pour donner suite au droit de gestion. Par conséquent, la forme de ces organismes peut varier d’une province à l’autre et même au fil du temps dans une province.  On verra que certaines provinces optent pour un seul conseil scolaire de la minorité, d’autres pour des structures plus locales.  En Ontario, il y a des conseils francophones publics et catholiques et des conseils anglophones publics et catholiques. 

L’élection des conseillers scolaires peut aussi prendre diverses formes ; l’important est qu’ils représentent vraiment les ayants-droit.  Bien que la jurisprudence ne le tranche pas, il semble qu’il n’est pas nécessaire de détenir la qualité d’ayant-droit pour être élu et siéger aux conseils scolaires de la minorité, mais il serait possible de l’exiger aussi.  Même si la jurisprudence ne le tranche pas, il est implicite que la langue de fonctionnement des conseils scolaires est la langue de ces derniers. 

Les pouvoirs que doit exercer le conseil scolaire de la minorité ne sont pas non plus figés.  Dans Mahe, la Cour suprême énumère cinq éléments qui, selon elle, doivent relever du contrôle exclusif des représentants de la minorité : le recrutement et l’embauche des enseignants et du personnel, incluant implicitement le personnel de soutien et les aides professionnelles ; le recrutement et l’embauche du personnel de direction et de gestion; les programmes; la dépense des fonds destinés à l’instruction dans la langue de la minorité; et les ententes aux fins de livrer les programmes.  Les pouvoirs de taxer ne font pas partie de cette liste. 

Dans Arsenault-Cameron, la Cour suprême a rajouté le choix et l’emplacement des écoles, si les règles provinciales sont respectées. 

Dans Commission scolaire francophone du Yukon, la Cour suprême n’a pas voulu rajouter le contrôle des admissions des non ayants-droit.  Dans Commission scolaire francophone des Territoires-du-Nord-Ouest, la Cour d’appel n’a pas voulu ajouter la gestion exclusive des espaces et locaux pour y intégrer des garderies ou des services communautaires.

Conditions d'application

L’alinéa 23(3)a) stipule que le droit à l’instruction, primaire ou secondaire dans la langue de la minorité, financée sur les fonds publics, a lieu « partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit » cette instruction.

L’alinéa 23(3)b) rajoute que ce droit à l’instruction « comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements de la minorité linguistique financés sur les fonds publics ».

Le paragraphe 23(3) impose donc une condition à la réalisation du droit à l’instruction dans la langue de la minorité, condition qui est étudiée en deux phases : un nombre qui justifie les coûts.

Nombre suffisant

Selon Mahe, ce nombre n’est pas fixe et ne doit pas l’être, ce qui rend inconstitutionnelle toute règle qui limite l’instruction en fonction d’un nombre préétabli (par exemple, dix élèves par classe, ou 100 élèves pour une école primaire).  La Cour favorise l’approche dite de l’« échelle variable », qui nécessite de vérifier le nombre en relation avec les circonstances externes (en ville ou en région rurale, disponibilité ou non de transport, distance, niveau d’étude) et des services demandés (une salle de classe,  un laboratoire,  un gymnase, une nouvelle école).

Preuve de nombre

Même si normalement il appartient à la personne qui revendique son droit de faire la preuve que le critère numérique est respecté, les tribunaux imposent aux provinces le devoir de promouvoir l’instruction dans la langue de la minorité et d’aider les parents à déterminer le nombre : Arsenault-Cameron.

Nombre pertinent

Le nombre est celui des enfants d’ayants-droit.  Or le seul critère facilement vérifiable d’ayant-droit est celui de l’alinéa 23(1)a), c’est-à-dire le citoyen canadien dont la première langue apprise et encore comprise est celui de la minorité linguistique.  Statistiques Canada calcule à la fois le nombre de personnes de langue maternelle française ou anglaise et le nombre d’enfants, d’âge scolaire ou non, de ces personnes.  Au moyen de ces données et de cartes, un expert démographe peut assez facilement déceler le nombre potentiel d’enfants de parents de langue maternelle française ou anglaise qui auraient le droit selon l’alinéa 23(1)a) de revendiquer l’instruction dans la langue de la minorité.  Mais ce critère doit être tempéré. 

En effet il existe deux autres catégories d’ayants-droit dont on ne peut pas mesurer le nombre avant qu’ils ne fassent demande : ceux qui ont reçu leur instruction primaire au Canada dans la langue de la minorité, et ceux dont un enfant a reçu ou reçoit l’instruction dans la langue de la minorité.  Mais en général, cette demande est bien inférieure au nombre potentiel puisque les parents de la minorité préfèrent souvent choisir des écoles près de leur résidence ou qui offrent les meilleurs programmes selon eux, que de se lancer dans une bataille linguistique pour l’obtention d’une nouvelle école ou encore soumettre leur enfant à d’interminables trajets d’autobus aux fins de recevoir une instruction dans leur langue.  Voilà pourquoi le nombre de demandeurs réels ne peut pas servir de critère.

En conséquence, le nombre pertinent aux fins du paragraphe 23(3) sera le nombre d’enfants dont les parents se prévaleront éventuellement de leur droit : Mahe.  Ce nombre sera situé entre le nombre potentiel estimé et le nombre réel de demandes.

Rappelons que des tribunaux ont statué que les non ayants-droit déjà admis par les conseils scolaires dans les écoles de la minorité, sans délégation législative de pouvoir à cette fin, ne sont pas inclus dans la détermination du nombre qui justifie malgré le fait que techniquement, ce sont des enfants « qui ont reçu ou reçoivent » de l’instruction dans la langue de la minorité au sens du paragraphe 23(2) : Commission scolaire francophone des Territoires-du-Nord-Ouest (Cour d’appel des TNO); Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016 (Cour suprême de Colombie-Britannique, en appel). 

Les non ayants-droit ne comptent pas dans le calcul du nombre potentiel

Nombres et temps

Puisque l’instruction primaire et secondaire se déroule généralement sur une période de 11 à 12 ans dans la vie d’un enfant, le temps devient une variable de la détermination du nombre.  Puisque l’absence d’instruction dans la langue de la minorité contribue à l’assimilation linguistique (notons qu’une décision tranche au contraire que la présence d’une école de la minorité ne freine pas l’assimilation : Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016) (Cour suprême de Colombie-Britannique), et par conséquent diminue les nombres qui justifient, la rapidité est un facteur essentiel dans la prise des décisions scolaires.  Or ces décisions font intervenir des processus gouvernementaux longs et compliqués de sorte que la plupart des litiges soumis aux tribunaux inférieurs ou réglés avant procès concernent les délais entourant les projets d’ouverture, de construction, de rénovation ou d’agrandissement d’écoles.  C’est pourquoi une majorité de la Cour suprême a accepté que les tribunaux puissent ordonner aux gouvernements d’agir et superviser l’exécution de leur ordonnance en convoquant des réunions de suivi : Doucet-Boudreau (Cour suprême du Canada).  Malgré cette avancée sur le plan des réparations judiciaires, aucune autre ordonnance de suivi n’a été prononcée depuis 2003.

Coûts et fonds publics

Cette question n’a pas fait l’objet de beaucoup de décisions judiciaires.  Dans Mahe, la Cour suprême s’est contentée de dire qu’il fallait s’attendre à des coûts plus grands pour l’instruction dans la langue de la minorité, surtout dans les débuts.  Dans Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016, la Cour suprême de la province a conclu que la formule de financement du transport scolaire avait pénalisé le Conseil scolaire francophone et elle a ordonné à la province de la compenser en conséquence. 

Dans Conseil des écoles fransaskoises, la Cour d’appel de la province de Saskatchewan a conclu que le gouvernement provincial n’était responsable que du financement des élèves qui résident sur son territoire et que par conséquent, le Conseil scolaire de la minorité devait facturer des frais aux parents s’il voulait admettre des enfants d’autres provinces.

Les coûts doivent être placés en relation avec les nombres et font partie de l’échelle variable. 

Les coûts sont reliés à la qualité de l’instruction et des établissements puisque la qualité est un facteur de choix des écoles pour les parents.  En conséquence, les gouvernements doivent être en mesure de dépenser plus pour rehausser la qualité de l’expérience éducative : Association des parents de l’école Rose-des-vents (Cour suprême du Canada).

Implication fédérale

Puisque les provinces sont constitutionnellement responsables de l’éducation, elles doivent aussi financer l’éducation dans la langue de la minorité.  Le gouvernement fédéral se sert de son pouvoir de dépenser pour aider au financement des « coûts additionnels » reliés à ce droit.  Cela engendre une série de problèmes : d’abord, l’autorité constitutionnelle fédérale est conditionnée à l’acceptation par les provinces (article 41(2) de la Loi sur les langues officielles du Canada par interprétation).  Ensuite, la détermination de ce qui représente vraiment un « coût additionnel » est matière à débat.  Enfin, puisque l’argent est remis aux provinces, la reddition de comptes envers le gouvernement fédéral laisse à désirer et les minorités francophones, notamment, se plaignent régulièrement que leur gouvernement provincial ou territorial détourne les fonds fédéraux destinés à l’enseignement dans la langue de la minorité pour les utiliser à d’autres fins (voir le rapport Où sont passés les milliards? Étude d’impact sur la conformité des dispositions du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde avec l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés)

Lois provinciales and territoriales

La présente section résume les dispositions principales des lois scolaires provinciales et territoriales en matière d’éducation dans la langue de la minorité.  Chaque section aborde les points suivants : les ayants-droit (définition et sortes des non ayants-droit); l’instruction et les établissements; la structure de gestion.

Alberta

Ayants-droit : L’article 10 de la School Act donne à tout ayant droit qui détient les droits de l’article 23 la possibilité de recevoir l’instruction en français partout où ce droit s’applique, et délègue au Lieutenant gouverneur en conseil le soin d’établir des règlements pour la mise en œuvre de ces droits.  Les conseils scolaires francophones n tla discrétion de se doter de politiques d’admission des non ayants-droit.

Instruction et établissements : L’article 255.3 de la School Act oblige les conseils scolaires à désigner des écoles comme publiques ou « séparées » (c’est-à-dire catholiques).

Structure de gestion : La Partie IX de la School Act permet au ministre de créer des autorités régionales dont le mandat, selon l’article 255.5, sera de gérer l’instruction en français sur leur territoire.  Il y a présentement quatre conseils scolaires francophones qui gèrent 39 écoles.

Colombie Britannique

Ayants-droit : Le paragraphe 5(2) de la School Act autorise les élèves dont les parents  « ont les droits sous l’article 23 de recevoir leur instruction dans une langue autre que l’anglais » (notre traduction) de la recevoir dans cette langue.  Le paragraphe 5(4) permet au Lieutenant gouverneur en conseil d’adopter des règlements pour donner effet à l’article 23. 

De plus l’article 166.24 permet à un enfant éligible d’être inscrit dans un programme scolaire francophone établi par l’autorité éducative francophone.  Selon le paragraphe 166.24(3), un enfant immigrant peut aussi être inscrit.  L’article 166.241 établit des priorités d’inscription. 

Dans Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique, la Cour suprême de la province refuse au Conseil le pouvoir d’admettre d’autres personnes que celles qui sont éligibles en vertu de la loi.  L’affaire est en appel.

Instruction et établissements : Selon l’article 166.25 l’Autorité d’éducation francophone doit rendre un programme d’instruction en français disponible aux personnes inscrites. Il existe 37 écoles de langue française dans la province.

Dans Conseil scolaire francophone 2016, la Cour suprême de Colombie-Britannique déclare que certaines écoles doivent être rénovées et des écoles neuves ouvertes, tandis que d’autres devront attendre.  

Structure de gestion : La partie 8.1 de la School Act institue les autorités d’éducation francophones (« Francophone Education authorities »).   L’article 166.12 permet au Lieutenant gouverneur en conseil de les établir, leur donner un nom et un territoire.  Il existe présentement une seule entité : le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique.  L’article 166.13 permet à toute personne éligible (défini par l’article 1 comme étant les parents qui ont des droits en vertu de l’article 23) et tout immigrant de demander à devenir membre de l’Autorité d’éducation francophone, ce qui leur donne le droit d’élure les conseillers selon l’article 166.14. 

Les articles 166.26 à 166.28 régissent l’embauche du personnel; l’article 166.29 régit la propriété; les articles 166.31 à 166.39 régissent les finances et les articles 166.4 et suivants sont des dispositions diverses.

Dans Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique 2016, la Cour suprême de Colombie-Britannique a estimé que les formules de financement provinciales de l’éducation, des édifices et du transport, devront être revues.

Manitoba

Ayants-droit : L’article 21.1 de la Loi sur les écoles publiques définit ce terme comme les résidents du Manitoba dont la première langue apprise et encore comprise est le français (donc la définition élargit les ayants-droit aux immigrants de langue maternelle française), et aussi les citoyens canadiens qui résident au Manitoba et ont reçu pendant au moins quatre ans de l’instruction primaire en français au Canada; ou finalement le citoyen canadien, parent d’un enfant que reçoit de l’enseignement en français au Canada, ou bien qui a reçu un tel enseignement pendant au moins 4 ans.

Instruction et établissements : Selon l’article 21.5 de la Loi sur les écoles publiques, la Commission Scolaire Franco-Manitobaine offre aux élèves un programme français, dans les établissements d’enseignement nécessaires, lorsque le nombre d’élèves dont on s’attend qu’ils suivront ces programmes le justifie.  L’article 21.15 l’oblige à admettre un élève résident qui est un ayant droit et lui donne la discrétion d’admettre les autres, « dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire ».

L’article 21.31 impose à la Commission scolaire de dispenser au moins 75% de son enseignement en français.  Elle impose aussi un cours d’anglais obligatoire de la 4e à la 12e année. 

Il existe présentement 24 écoles de langue française dans la province.

Structure de gestion : L’article 21.2 de la partie I.1 de la Loi sur les écoles publiques prévoit la création de la Division scolaire de langue française (DSFM).  L’article 21.4 crée, pour la diriger, la Commission scolaire de langue française. Ses pouvoirs ont été décrits ci-haut.

Nouveau Brunswick

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Terre-Neuve-et-Labrador

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Territoires du Nord-Ouest

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Nouvelle-Écosse

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Nunavut

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Ontario

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Île-du-Prince-Édouard

Ayants-droit : L’alinéa 1(i) de la Education Act définit un parent éligible comme un parent qui détient le droit de faire instruire ses enfants en français en vertu de l’article 23.   L’article 25 précise qu’un parent éligible peut inscrire son enfant dans le système scolaire francophone. 

En vertu de l’article 26, la Commission scolaire de langue française peut admettre un enfant sur demande d’un parent qui n’est pas un parent éligible.

Instruction et établissements : L’article 23 de la Loi sur l’éducation oblige l’autorité éducative à admettre les étudiants éligibles dans les écoles.  L’article 27 permet au Lieutenant -gouverneur en conseil d’adopter des règlements concernant la prestation de l’instruction en français et la détermination de la demande. 

L’article 27 permet à un élève de transférer du système anglophone au système francophone sous réserve des règlements. 

L’arrêt Arsenault-Cameron de la Cour suprême du Canada a établi que si la Commission scolaire respecte toutes les exigences provinciales, elle a le pouvoir de décider de l’ouverture de nouvelles écoles.

Il existe présentement 6 écoles de langue française dans la province.

Structure de gestion : L’article 11(1) de la Loi sur l’éducation continue l’existence de la Commission scolaire de langue française.  L’article 12 précise que ses affaires seront conduites par un conseil de syndics (« board of trustees »).  Il délègue au lieutenant gouverneur en conseil le pouvoir d’adopter des règlements concernant leur élection, mandat et rémunération. 

L’article 14 du Education authority regulation délègue à la Commission scolaire de langue française le pouvoir de recruter les employés, de pourvoir au transport, d’évaluer le rendement des écoles.

Québec

Ayants-droit:

Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Saskatchewan

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Instruction et établissements:

Structure de gestion:

Yukon

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Instruction et établissements:

Structure de gestion:

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