C'est une loi émanant du gouvernement britannique, la British North America Act — appelée depuis 1982 Loi constitutionnelle de 1867 —, qui créa la « Confédération canadienne ». Rappelons qu'en 1867 le Canada comprenait seulement quatre provinces : l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
La Loi constitutionnelle de 1867 ne contient qu'un seul article à caractère linguistique : c'est l'article 133 qui stipule que tout député a le droit d'utiliser l'anglais ou le français au Parlement du Canada et à la Législature de la province de Québec. De plus, dans toute plaidoirie devant les tribunaux fédéraux du Canada et devant tous les tribunaux du Québec, tout citoyen peut faire usage de l'une ou l'autre de ces deux langues. Voici comment est libellé l'article 133 :
Article 133
1) Dans les chambres du Parlement du Canada et les chambres de la Législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais, dans la rédaction des registres, procès-verbaux et journaux respectifs de ces chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire. En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux du Canada établis sous l'autorité de la présente loi, ou émanant de ces tribunaux, et devant les tribunaux de Québec, ou émanant de ces derniers, il pourra être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues.
2) Les lois du Parlement du Canada et de la Législature de Québec devront être imprimées et publiées dans ces deux langues.
Il faut bien comprendre que cet article 133 n'instaurait pas le bilinguisme officiel au Canada dans son entier : il rendait simplement possible l'usage de l'anglais et du français au Parlement fédéral, à la Législature du Québec, ainsi que dans les tribunaux de la province de Québec et dans ceux du gouvernement fédéral. Par ailleurs, la Loi constitutionnelle de 1867 n'engageait pas au bilinguisme ni le gouvernement fédéral ni l'administration publique relevant de cette juridiction. Il s'agissait simplement d'« un embryon de bilinguisme officiel ». L'article 133 demeure encore en vigueur aujourd'hui.
L'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba (équivalant à une loi constitutionnelle dans ce cas) contient une disposition similaire à l'article 133 et accorde aux Franco-Manitobains les mêmes « droits » linguistiques.
En 1981, dans l'arrêt Procureur général du Québec c. Blaikie [1981], la Cour suprême du Canada a explicité la portée d'une décision antérieure (1979) en statuant que les exigences de l'article 133 s'appliquent aux textes de nature législative qui sont adoptés par le gouvernement ou soumis à l'approbation du gouvernement, d'un ministre ou d'un groupe de ministres. C'est pourquoi la Constitution du Canada, telle qu'elle a été interprétée par la Cour suprême du Canada depuis 1979, exige que les textes législatifs tels que les règlements et les décrets de nature législative soient « établis », imprimés et publiés dans les deux langues officielles. Or, un texte législatif est « établi » dans les deux langues officielles lorsque les deux versions sont signées par l'autorité réglementaire autorisée avant son impression et sa publication. Bref, il ne serait pas constitutionnel d'adopter maintenant une loi uniquement dans une langue officielle. Dans les faits, sauf exception, les lois sont généralement rédigées dans les deux langues officielles à la fois.