Atrocités : réveiller les consciences

Bernard Kouchner
Par Sophie Coupal
Bernard Kouchner n’est pas du genre à rester silencieux devant la détresse humaine. Il le prouve dès la fin des années 1960, lorsqu’il décide de témoigner des horreurs qu’il a vues comme médecin en mission humanitaire au Biafra, rompant ainsi avec le devoir de silence que lui impose son contrat avec la Croix-Rouge.
À l’époque, les États disposent effectivement du droit de vie et de mort sur leurs citoyens. Les mains liées par le principe de la souveraineté étatique, la communauté internationale ne peut (ne veut?) pas vraiment intervenir.
« Peut-on les laisser mourir sous prétexte qu’une frontière nous sépare de leurs plaintes? », demandera Kouchner à plusieurs reprises au fil des années.
Ne pas les laisser mourir
À cette question encore brûlante d’actualité, Bernard Kouchner lui-même a toujours répondu par la négative. Comme cofondateur de Médecins Sans Frontières et de Médecins du Monde, il était de ces médecins qui se sont rendus, au besoin de façon illégale et souvent au péril de leur vie, sur des territoires en guerre « du Liban au Vietnam, du Salvador au Kurdistan, du Moyen-Orient à l’Afrique, de l’Afghanistan à la mer de Chine » pour porter secours aux victimes.
« Je respecte la souveraineté des États lorsqu’elle est respectable, écrivait-il en 2005, pas quand elle devient prétexte aux massacres des minorités. Je respecte la loi; mais parfois il faut lui préférer la justice. »
Mobiliser la communauté internationale
Après avoir fait son entrée en politique française à la fin des années 1980, Bernard Kouchner a participé de près à plusieurs avancées de l’ONU dans le domaine de l’action humanitaire, notamment pour garantir l’accès des sauveteurs aux victimes et établir des « couloirs d’urgence » pour la distribution d’aide médicale et alimentaire.
L’ex-ministre des Affaires étrangères, qui a aussi été haut représentant de l’ONU au Kosovo, s’est également fait connaître comme théoricien et défenseur du « droit d’ingérence humanitaire », ancêtre politiquement incorrect de la Responsabilité de protéger, ce principe de droit international adopté à l’unanimité par l’ONU en 2005 pour prévenir les génocides, les crimes de guerre, l’épuration ethnique et les crimes contre l’humanité.
À l’heure où l’application de la Responsabilité de protéger accuse de sérieux ratés — notamment au Myanmar et en Syrie — Bernard Kouchner continue de plaider pour les victimes et de pourfendre l’indifférence et l’inaction pour réveiller les consciences.