Des avancées dans le traitement de l’AVC
Par Chonglu Huang
Le cerveau humain est un organe puissant et fragile à la fois. Non seulement les AVC, la maladie de Parkinson et la dépression sont-ils de plus en plus fréquents, mais ils entraînent souvent des incapacités de longue durée qui nécessitent des soins continus.
Pour utiliser au mieux la capacité d’autoguérison du cerveau, des scientifiques et des cliniciens de l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa (IRCuO) mènent des recherches translationnelles qui ont des répercussions immédiates pour les patients.
Au cœur de ces travaux se trouve la communication entre les spécialistes de la recherche fondamentale en laboratoire et les cliniciens-chercheurs des milieux de soins – des groupes qui travaillent d’habitude en silo, même lorsqu’ils ont le même domaine d’expertise.
« Pour combler cette lacune dans les soins de santé, les scientifiques de l’Institut de recherche sur le cerveau veulent que leurs recherches profitent rapidement et concrètement aux patients », explique David Park, directeur scientifique de l’IRCuO.
C’est surtout grâce à lui que des experts de l’AVC, de la maladie de Parkinson et de la santé mentale se sont rassemblés autour des mêmes projets de recherche.
L’un des résultats de leur collaboration est le programme iRecover, une approche unifiée de traitement axée sur le rétablissement intégré et précoce des victimes d’AVC dans l’établissement de soins du campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa.
« iRecover a vu le jour lorsque l’IRCuO a commencé à mettre en contact des chercheurs comme moi avec des neurologues qui traitent les victimes d’AVC à l’hôpital », raconte Dale Corbett, professeur à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et directeur scientifique et chef de la direction du Partenariat canadien pour le rétablissement de l’AVC.
En tant que spécialiste des sciences fondamentales, M. Corbett a fait des recherches approfondies en laboratoires sur la neuroplasticité du cerveau après un AVC, c’est-à-dire sur la malléabilité du cerveau et sa capacité de guérir après avoir été endommagé.
« Après un AVC, il y a une période critique pendant laquelle le cerveau cherche à se réparer », explique-t-il. « En intervenant au bon moment, on peut obtenir des résultats bien meilleurs qu’en retardant le traitement. »
En milieu clinique, les victimes d’AVC sont confinées à leur lit pendant des semaines en attendant qu’une place se libère dans un établissement de réadaptation où elles pourront recevoir des traitements d’orthophonie, de thérapie cognitive et de physiothérapie; pour se rétablir, elles auraient pourtant besoin de ces traitements pendant la période limitée au cours de laquelle leur cerveau a une neuroplasticité maximale.

L’application RecoverNow a pour but d’assister les patients à suivre des thérapies autoguidées. Photo : Robert Lacombe.
M. Corbett s’est donc associé au Dr Dar Dowlatshahi – neurologue spécialisé en AVC à l’Hôpital d’Ottawa et professeur adjoint à la Faculté de médecine – pour lancer iRecover, un projet pilote sur la faisabilité et les répercussions de traitements intégrés et immédiats de réadaptation autonome sur iPad, au bout des doigts des patients, sans qu’ils aient à quitter leur lit.
« M. Corbett connaît bien la réadaptation, et je connais bien le milieu hospitalier, » affirme le Dr Dowlatshahi. « Ensemble, nous avons constaté les lacunes de l’infrastructure clinique actuelle, et nous y avons vu une excellente occasion d’intervenir en offrant des traitements immédiats de réadaptation aux patients qui attendent les traitements traditionnels. »
De nombreuses victimes d’AVC souffrent de troubles du langage; on a donc d’abord axé les thérapies autonomes sur iPad sur l’orthophonie. Les résultats, excellents, ont reçu un accueil favorable.
« Notre première patiente ne voulait pas rendre son iPad, elle l’aimait trop, » raconte le Dr Dowlatshahi. Par la suite, les chercheurs ont recruté 30 patients sur trois mois dans le cadre de l’étude iRecover, à laquelle on a intégré des traitements contre la dépression pour les victimes d’AVC.
Même si la médecine moderne a fait des progrès considérables dans le traitement de l’AVC grâce à des anticoagulants comme le TPA (activateur tissulaire du plasminogène) et aux traitements endovasculaires d’élimination des caillots, elle se heurte à des limites, souvent en raison du délai d’admission du patient à l’hôpital.
« Le traitement de l’AVC est une course contre la montre, » explique le Dr Cheemun Lum, neuroradiologue à l’Hôpital d’Ottawa, qui administre souvent aux patients admissibles des traitements endovasculaires d’élimination des caillots. « Pour que le patient ait toutes les chances de se rétablir pleinement ou partiellement après un AVC, il faut l’intervention immédiate d’une équipe de six ou sept professionnels de la santé pour effectuer le traitement endovasculaire. »
Statistiquement, à peine 10 % des patients ayant subi un AVC peuvent recevoir le TPA, un médicament qui élimine les caillots et dont on estime l’efficacité à 30 %. D’autre part, le traitement endovasculaire d’élimination des caillots, dont le taux de succès est de 90 %, n’est possible que pour les patients qui ont subi un AVC grave ayant entraîné la formation de gros caillots.
Selon une étude publiée en 2015 dans Stroke, au moins 405 000 Canadiens vivaient avec une incapacité de longue durée résultant d’un AVC en 2013; on s’attend à ce que ce nombre augmente de 80 % au cours des deux prochaines décennies.
Actuellement, plus de 60 000 personnes sont victimes d’un AVC chaque année au Canada et 30 % d’entre elles souffrent d’une incapacité de longue durée; les besoins sont donc immenses en ce qui touche la réadaptation précoce en milieu hospitalier.
« Le vrai but de iRecover, c’est d’entamer la réadaptation le plus rapidement possible après l’AVC, afin que le patient puisse retrouver la meilleure qualité de vie possible, » affirme Dale Corbett.
M. Corbett, Dowlatshahi et Lum présenteront leur approche unifiée du traitement de l’AVC le mardi 15 septembre, à l’occasion de la Semaine de sensibilisation à la santé cérébrale de l’IRCuO. Pendant la semaine, on pourra aussi en apprendre davantage sur la recherche sur la maladie de Parkinson et la prévention du suicide, et assister à un débat sur l’utilisation des cellules souches en thérapie régénérative.
Semaine de sensibilisation à la santé cérébrale 2015
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Drs Dale Corbett (à gauche) et Dar Dowlatshahi montre au patient Martial Dagenais, qui a subi un AVC, comment poursuivre une thérapie autoguidée sur une tablette à l’Hôpital d’Ottawa. Photo : Robert Lacombe.