Cybersécurité : protéger enfants et argent

Une main sur un clavier d’ordinateur. Des codes informatiques sont superposés à la photo.

Les géants du Web ont accès à des milliards de données personnelles sur la Toile. Et ceux qui disposent de ces données, dit-on, détiennent le pouvoir. Pouvons-nous freiner cet accès à nos données – et si oui, comment?

Par Marc Gauthier

Nous passons désormais notre vie devant différents écrans et sans le savoir, nous donnons accès à nos renseignements personnels à une foule de personnes, dont certaines sont mal intentionnées.

Résultat? Vols d’identité, attaques numériques, cyberintimidation, hameçonnage et fraude, pour ne donner que ces exemples.

« Il y a un grand manque de maturité face à l’Internet. Les gens ne se rendent pas compte des traces qu’ils laissent », déplore Jean-François Sauriol (M.Ing. 1993), qui œuvre depuis 25 ans comme spécialiste en sécurité des technologies de l’information.

« Pourquoi pensez-vous que Facebook est gratuit? Parce qu’il fait de l’argent avec l’information que les gens lui donnent », explique-t-il. D’ailleurs, Facebook se trouve dans l’embarras depuis que les données personnelles d’au moins 87 millions de ses utilisateurs se sont retrouvées entre les mains de compagnies qui s’en sont servi pour tenter de manipuler différents électorats.

Sextortion et autres menaces

Ce laxisme en matière de protection des données « est vraiment pire chez les jeunes », note Jean-François Sauriol.

« Ils passent sept heures par jour devant un écran. Ils sont laissés à eux-mêmes et les parents sont dépassés par la technologie. »

Depuis une douzaine d’années, le spécialiste en sécurité des TI se rend dans les écoles pour parler de cybersécurité aux élèves.

« Le fléau en ce moment, c’est la sextortion. Des criminels arrivent à pirater les webcams des jeunes et les filment à leur insu ou encore, les amènent à s’exposer », s’indigne-t-il. «  Pourtant, personne ne pense à couvrir sa webcam quand il cesse de l’utiliser pour se protéger contre ce type de crime », martèle ce père de trois adolescents bien au fait des nouvelles tendances en matière de criminalité.

Schtroumpfage

Notre négligence en matière de sécurité sur Internet ouvre la porte à des menaces de plus en plus sophistiquées. Les fraudes financières et les arnaques de toutes sortes se multiplient et le blanchiment d’argent y est courant. La Chambre de commerce du Canada évalue le coût de la cybercriminalité à plus de trois milliards de dollars par année.

L’été dernier à Ottawa, on a saisi une propriété de luxe et une voiture, évaluées à 900 000 $, et arrêté un trafiquant de drogues. Ce coup de filet a été réalisé grâce aux analyses de données effectuées par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE.

Créé en 2000, le CANAFE tente de détecter les opérations financières liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

« Lorsqu’une opération est effectuée dans l’économie légitime, elle laisse une trace », affirme Barry MacKillop (M.A. 1989), sous-directeur du Secteur des opérations, Conformité et renseignements au CANAFE.

C’est pourquoi les criminels sont inventifs. Vous connaissez le schtroumpfage? Il s’agit d’une méthode qui consiste à déposer plusieurs petits montants d’argent dans différents comptes de banque pour ensuite les rediriger vers une banque centrale. Les transactions passent ainsi sous le radar des autorités, les sommes se trouvant en deçà du seuil de déclaration obligatoire.

Technologie à la traîne?

Pour éviter de voir notre compte piraté ou nos données personnelles utilisées à mauvais escient, il faut redoubler de prudence d’ici à ce que la technologie arrive à véritablement cadenasser nos informations.

« Nous pourrions communiquer entre nous de façon entièrement sécuritaire grâce à la physique quantique. Mais pour cela, il faudrait un Internet quantique », explique Anne Broadbent, professeure adjointe de mathématiques et de statistique à l’Université d’Ottawa. « Les composantes d’un tel réseau existent, mais pour l’instant, la distance des communications est limitée », ajoute-t-elle.

Selon la professeure Broadbent, les communications totalement protégées pour tous ne seront pas possibles avant 40 ans.

D’ici là, le message des spécialistes du Web demeure le même : il faut que les gens apprennent à mieux se protéger.

Jean-François Sauriol

« Il y a présentement un gouffre de connaissances impossible à combler entre les parents et leurs enfants. »

Jean-François Sauriol (M.Ing. 1993), président, Security JF 


Barry Mackillop

« Nous nous assurons d’avoir des mesures de sécurité blindées pour protéger nos propres données contre les cyberattaques. »

Barry MacKillop (M.A. 1989), sous-directeur, Secteur des opérations, Conformité et renseignements, CANAFE

photo : Couvrette/Ottawa - Couvrette-photography.on.ca


Anne Broadbent

« Je serais heureuse si les gens quittaient la présentation motivés à en savoir plus sur comment mieux se protéger en ligne. »

Anne Broadbent (M.Sc Ph.D.) 
professeure adjointe, Département de mathématiques et de statistique, Université d’Ottawa

 

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