Dr Jack Kitts : diriger avec humanité
Par Joanne Steventon
Assis à la grande table de réunion dans son bureau, le Dr Jack Kitts (M.D. 1980, EMBA 2001) est le premier à admettre qu’il a parcouru beaucoup de chemin depuis qu’il rêvait, enfant, de travailler au magasin de spiritueux dans sa petite ville natale de la vallée de l’Outaouais. Il est président-directeur général de l’Hôpital d’Ottawa depuis 2002, et a été nommé membre de l’Ordre du Canada cet été.
C’est une fin d’avant-midi occupée au campus Civic de l’hôpital. Les bruits de pas résonnent dans le corridor qui fait toute la longueur du bâtiment en briques rouges définissant l’avenue Carling depuis le début des années 1920. Occupé ces temps-ci par un vaste projet hospitalier visant à remplacer le bâtiment vieillissant, Dr Kitt nous a accordé une entrevue afin de faire le bilan de ses quelque 40 dernières années en tant que médecin et administrateur médical.
Où étiez-vous lorsque vous avez appris que vous aviez été nommé membre de l’Ordre du Canada?
J’étais ici, dans mon bureau. Il était environ 8 h le matin lorsque ma secrétaire m’a informé que le bureau de la gouverneure générale souhaitait me parler. L’appel était inattendu et m’a beaucoup ému.
Comment réagit-on à une nouvelle comme celle-ci?
Vous raccrochez et vous vous demandez s’ils se sont trompés de personne. Ce fut l’un de ces rares moments au cours de ma vie où j’ai été stupéfait et bouche bée.
Pour vous, que signifie une telle reconnaissance?
J’aimerais vraiment avoir plus d’épinglettes à partager avec mes amis, ma famille et mes mentors qui ont été une source d’inspiration pour moi.
Y a-t-il une personne qui se démarque?
Tout d’abord, ma mère. J’ai grandi dans la très petite ville de Barry’s Bay en Ontario, le deuxième d’une famille de neuf enfants. Mon père est décédé subitement alors que je n’avais que 16 ans, laissant ma mère, une veuve de 36 ans, avec neuf enfants. Mais elle tenait à ce que je fréquente l’université.
La deuxième est le conseiller en orientation de mon école secondaire. Alors que j’étais en 11e année, il m’a convoqué à son bureau pour me questionner sur mes plans d’avenir. Il m’a alors suggéré que, bien qu’un emploi au magasin de spiritueux local soit un cheminement de carrière honorable, je devrais envisager des études universitaires. Grâce à lui et à ma mère, je me suis inscrit à l’Université d’Ottawa et j’ai terminé une année préparatoire, le début de mon cheminement vers la Faculté de médecine.
En dernier lieu, le mérite revient en grande partie à mon épouse. Elle était infirmière à l’hôpital où j’ai effectué mon stage, et nous célébrerons cette année notre 38e anniversaire de mariage. Nous avons trois formidables enfants et maintenant trois petits-enfants.
Conservez-vous certains souvenirs marquants de votre passage à l’Université d’Ottawa?
Je me souviens de cette chaude journée d’été où ma mère m’a amené à l’Université pour faire mon inscription. Je n’oublierai jamais la première fois où j’ai vu le remarquable pavillon Tabaret et réalisé qu’il y avait plus d’étudiants sur cette pelouse que de résidents dans ma petite ville! Chaque fois que je me rends à cet endroit, je repense à cette journée où j’étais un jeune étudiant émerveillé et très intimidé.
Quels principes de base vous ont mené là où vous êtes aujourd’hui?
Barry’s Bay est une petite communauté de 1 200 personnes où tous les résidents se connaissent, se saluent et se sourient. Si l’un des résidents traverse une épreuve, tous se mobilisent pour prendre soin de cette personne. Selon moi, la façon dont j’ai été élevé a fait en sorte que j’ai toujours mis en pratique les valeurs de respect, d’humanité et d’entraide. D’expérience, je sais maintenant que lorsque ce sont ces valeurs qui vous guident, les gens souhaitent votre réussite. Des portes s’ouvrent et, comme dirigeant, les gens veulent vous suivre.
Lorsque vous réfléchissez à l’avenir des soins de santé, qu’anticipez-vous?
Je crois que nous sommes sur le point d’entrer dans une période glorieuse. Selon moi, la prochaine décennie sera marquée par plus de progrès en soins de santé que nous en avons connu au cours des 200 dernières années. L’intelligence artificielle sera chose courante et les hôpitaux seront plus efficaces, écologiques et axés sur le bien-être plutôt que sur le traitement des maladies. Et le rôle du médecin va changer. Je n’entrevois pas la disparition du contact humain, mais les médecins seront dotés de systèmes d’information et de technologies de pointe qui leur permettront de prodiguer des soins de la plus haute qualité en fonction des besoins de leurs patients.
Quel conseil donneriez-vous à la nouvelle cohorte d’étudiants en médecine qui font leur entrée à l’Université d’Ottawa?
Je dis souvent aux jeunes étudiants en médecine que non seulement des gens vous observent, mais ils vous jugent et se font une impression de vous. Il n’est pas nécessaire de prétendre être ce que vous n’êtes pas, mais si vous vous comportez de manière respectueuse et faites preuve d’empathie et d’entraide, ils vous respecteront.Le Dr Kitts en 2016 au Gala de l’excellence de l’École de gestion Telfer, où il a reçu la médaille Trudeau, l’honneur le plus prestigieux accordé par l’École de gestion Telfer à ses diplômés.

Le DrKitts en 2016 au Gala de l’excellence de l’École de gestion Telfer, où il a reçu la médaille Trudeau, l’honneur le plus prestigieux accordé par l’École de gestion Telfer à ses diplômés. Photo : Mélanie Provencher