Les écoles aident les réfugiés à prendre racine

« Chaque élève a un lourd passé. Ce qui est frappant, ce n’est pas le drame qu’ils ont vécu, mais bien la résilience dont ils font preuve. Ils se présentent chaque jour à l’école, le sourire aux lèvres. » 

— Joyce Melamed

Par Michelle Hibler

En janvier 2016, l’arrivée de Gebran et Katia Maatouq à l’École élémentaire catholique Montfort a fait les manchettes des journaux d’Ottawa. Les élèves de 5 et 7 ans étaient les premiers réfugiés syriens à se joindre à une école appartenant au Conseil des écoles catholiques du Centre-Est. Il y avait à peine une semaine que la famille Mattouq avait déposé ses valises à Ottawa, mais la priorité des parents était sans équivoque : ils tenaient à inscrire leurs enfants à l’école.

« Ce qui me réjouit et me fascine, c’est leur désir de s’intégrer le plus rapidement possible à l’école », affirme le directeur de l’école, François Dumont (B.Ed., 1992 et M.Ed., 1997). « Je n’avais encore jamais vu un tel enthousiasme chez des élèves qui vivent un nouveau départ. »

L’école a réservé aux deux enfants un accueil chaleureux – un phénomène que l’on observe d’ailleurs d’un océan à l’autre. De novembre 2015 à mai 2016, plus de 27 000 réfugiés syriens sont arrivés au pays. Ottawa en compte maintenant 1 500, dont plus de la moitié sont âgés de moins de 14 ans. Chaque année, environ 15 000 à 20 000 réfugiés de diverses nationalités trouvent aussi asile au Canada.

L’apprentissage du français ou de l’anglais est parmi les premiers défis que doivent relever bon nombre de nouveaux arrivants. À l’École Montfort, un enseignant arabophone a aidé Gebran à se familiariser avec sa classe de maternelle pendant deux semaines. Un jeune ami lui a aussi servi d’interprète pendant quelque temps.

« Aujourd’hui, il préfère qu’on ne traduise plus pour lui », précise l’enseignante Dominique Lalonde (B.Ed., 1994). « Il apprend rapidement le français. »

Sa sœur Katia, élève de 2e année, avait fréquenté une école francophone au Liban, où la famille avait trouvé refuge après avoir fui la Syrie. Selon son enseignante, la fillette souhaite aujourd’hui prendre l’accent local et se départir de son accent international. « Elle est ici depuis seulement huit semaines et, déjà, son accent a changé. Tout ce qu’elle souhaite, c’est être comme les autres. »


François Dumont, directeur, et Dominique Lalonde, professeure, en compagnie de Gebran et de Katia Maatouq, dans une salle de classe de l’école Montfort.

Intégration à la société canadienne

Les écoles jouent un rôle essentiel dans l’intégration des enfants à la société canadienne, et elles peuvent avoir le même effet chez leurs proches d’âge adulte. L’Adult High School d’Ottawa, par exemple, est une plaque tournante pour les nouveaux arrivants. Il s’agit en Ontario de la seule école régulière anglophone de niveau secondaire exclusivement pour les adultes; l’établissement offre des cours d’anglais langue seconde, de même qu’un programme complet couvrant de la 10e à la 12e année.

« Nos élèves apprennent rapidement la langue », affirme Joyce Melamed (B.Ed., 1974), directrice adjointe à l’Adult High School. « On sent qu’ils sont déterminés. »

« Les attentes envers les élèves sont les mêmes que dans les autres écoles secondaires, mais notre population étudiante est différente », explique Peter Campbell (B.Ed., 1985), aussi directeur adjoint au même établissement. « Il arrive que la mère – et même la grand-mère – d’un élève se retrouve sur les mêmes bancs d’école. »

Peter Campbell, directeur adjoint à l’Adult High School : « C’est un privilège d’être ici. »

« Nous accueillons depuis toujours des réfugiés provenant de partout dans le monde », poursuit-il. Les 1 200 élèves qui fréquentent l’école chaque semestre proviennent de plus de 40 pays.

« Ils arrivent de pays déchirés par la guerre où ils ont connu des drames sans nom, fait remarquer Joyce Melamed. Ils ont dû abandonner leur famille. Certains ont vu leurs proches mourir sous leurs yeux. Chaque élève a un lourd passé. Ce qui est frappant, ce n’est pas le drame qu’ils ont vécu, mais bien la résilience dont ils font preuve. Ils se présentent chaque jour à l’école, le sourire aux lèvres. »

« Notre plus important groupe démographique est composé de mères de 30 à 35 ans, précise Peter Campbell. Dans leur pays d’origine, ces femmes ont dû abandonner l’école dès la puberté. Mais les rêves et les espoirs qu’elles nourrissaient à l’âge de 12 ans ne se sont pas évanouis. Aujourd’hui, leurs enfants fréquentent nos écoles primaires, ce qui leur permet de passer la journée ici – du moins en partie. Elles sont résolues et très motivées. »

Un vaste mandat

L’école est loin de s’en tenir à un travail pédagogique. Elle met aussi à la disposition des élèves les services de spécialistes en sciences infirmières, en toxicomanie, en travail social et en psychologie. Un agent de liaison multiculturelle se rend également sur les lieux deux ou trois fois par semaine. Le Service de police d’Ottawa propose quant à lui les services d’un agent scolaire.

« L’école est un centre d’activités, explique Joyce Melamed. Nous tâchons aussi d’intégrer nos élèves à la culture canadienne, ce qui signifie que nous leur présentons des pratiques que l’on tient pour acquises ailleurs. » Le personnel de l’école souligne donc sans faute les fêtes populaires comme l’Halloween, en prenant bien soin de ne pas oublier les bonbons ni les costumes.

« Nous les amenons patiner, faire de la raquette, voir des pièces de théâtre – des activités auxquelles ils ne pouvaient pas s’adonner dans leur pays d’origine ou qu’ils ne connaissaient pas. » La directrice adjointe aurait d’ailleurs déjà été aperçue dans la cour d’école en train de montrer à des élèves à faire des anges dans la neige.

Comme de nombreux élèves de l’école vivent dans la pauvreté, l’établissement leur offre chaque jour le déjeuner. On y propose aussi des repas de pizza et de spaghetti sur l’heure du midi, ainsi que des aliments en conserve, des fruits et des mets à rapporter en prévision du week-end, de même que des paniers pour les jours de fête. « Nous leur offrons à manger le plus souvent possible », mentionne Joyce Melamed.

Les élèves discutent ouvertement avec les deux directeurs adjoints. « Ils savent que nous sommes là pour eux », explique Peter Campbell. Ils prennent leurs appels à la maison, interviennent auprès de la police en cas de violence conjugale et leur rendent visite à l’hôpital.

« Bon nombre de nos élèves sont isolés et ne peuvent compter sur l’aide de personne, affirme Joyce Melamed. Nous avons des responsabilités sur le plan pédagogique, mais notre mandat est en réalité beaucoup plus vaste. »

Tous deux sont conscients que leurs élèves ont structuré leur quotidien et leurs priorités de façon à pouvoir fréquenter l’école.

« Ils accordent tous une grande importance à l’éducation et font preuve d’un grand respect envers les enseignants, conclut Joyce Campbell. C’est on ne peut plus valorisant. Chaque jour, c’est un privilège d’être ici. »

Joyce Melamed, directrice adjointe de l’Adult High School, en compagnie de Mehret, venue d’Érythrée.

Photo principale :
Gebran et Katia Maatouq ont fait leur entrée à l’École élémentaire catholique Montfort en janvier 2016. Photos : Andrea Campbell

Appuyer les programmes d’aide aux réfugiés syriens
En septembre prochain, quatre réfugiés syriens entameront une nouvelle vie à l’Université d’Ottawa, grâce aux programmes d’aide et de bourses créés récemment en réponse à la crise syrienne. Votre appui financier les aidera à s’intégrer à la société canadienne et à démarrer leurs études. Nous vous invitons à appuyer le Fonds de bourses pour les étudiants réfugiés de guerre.

De droite à gauche : Joyce Melamed, directrice adjointe de l’Adult High School d’Ottawa, s’entretient avec Saja, une Iraquienne, et Sara, une Égyptienne.

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