Erica Ehm : Stratège numérique et maman
Par Mike Foster
Au début des années 1980, Erica Miechowsky, étudiante en communications de 18 ans à l’Université d’Ottawa, était déterminée à faire sa place dans l’industrie de la musique. Elle avait déjà un pied dans le domaine, car elle était DJ, gérait la carrière de chanteurs et travaillait à Records on Wheels.
Elle se souvient combien ses professeurs à l’Université étaient « libres et accommodants », notamment en adaptant ses devoirs en fonction de ses aspirations et en les notant à titre d’études indépendantes.
« Je voulais devenir ingénieure du son, mais il n’y avait pas de cours dans ce domaine à l’Université d’Ottawa. Il y avait tout de même un petit studio d’enregistrement quadriphonique au sous-sol, et on m’avait donné la permission de l’utiliser pour me former. J’ai donc appris moi-même comment fonctionne un tel studio, puis invité quelques musiciens et belles voix. J’ai enregistré quelques chansons, voix hors champ et minipublicités. J’ai toujours été très reconnaissante que l’Université me laisse faire tout ça, car cette période a été très importante dans ma vie. »
On connaît mieux Erica Miechowsky sous le nom d’Erica Ehm (B.A. 1985), l’une des plus grandes célébrités des années 1980 et du début des années 1990. Erica Ehm a commencé à travailler comme VJ à MuchMusic des mois avant de finir ses études à l’Université d’Ottawa. Elle est rapidement devenue l’une des premières têtes d’affiche de la chaîne – et sans doute l’une des plus remarquables – à l’époque où le vidéoclip régnait en maître absolu comme art médiatique le plus cool.
Aujourd’hui, elle lance toujours des tendances dans un média en pleine ascension à titre de fondatrice et directrice générale de YummyMummyClub.ca, un site web et une communauté dans les médias sociaux pour les mamans (et les papas). Plus de 50 blogueurs et experts contribuent au site en rédigeant des billets sur des sujets très variées aux titres comme Ce que révèlent les dessins de votre enfant sur leur personnalité (et la vôtre) ou encore Cuisine végétalienne : sauce brune aux champignons sans viande. L’une des blogueuses les plus populaires est la propre mère d’Erica, Evelyn Hannon. Âgée de 74 ans, Mme Hannon contribue au blogue Aging Disgracefully (Vieillir avec disgrâce) et elle est directrice générale de www.journeywoman.com, un bulletin de conseils sur les voyages pour les femmes comptant 65 000 abonnés dans 100 pays.
En 2000, Erica est devenue elle-même maman, à la naissance de son fils Joshua.
« J’ai eu beaucoup de difficulté à m’adapter à la maternité, car j’ai toujours travaillé. S’ils ont des enfants, les personnes de type A comme moi doivent apprendre à lâcher prise et à laisser leurs enfants investir leur vie. Ça m’a pris beaucoup de temps à comprendre ça et à m’y adapter. »
À ce moment-là, elle était déjà une auteure-compositrice accomplie : elle avait remporté deux prix Juno (en 1991 et 1993) à titre de productrice et d’auteure, trois prix de l’Association de la musique country canadienne et trois prix SOCAN à titre d’auteure-compositrice. Van Morrison, Tim Thorney et Cassandra Vasik avaient enregistré ses chansons, et elle avait aussi quelques engagements comme actrice.
Dans la foulée de son adaptation à la maternité, Erica a pris conscience qu’elle souhaitait échanger avec d’autres mères sur ses expériences. En août 2003, elle a donc lancé l’émission de télé Yummy Mummy, qui a été diffusée pendant deux saisons sur les chaînes Life Network et Discovery House.
« Je voulais faire une émission axée sur les réalités de la maternité moderne et non pas uniquement sur le rôle parental centré sur la santé et le bien-être des enfants. L’émission abordait plutôt la santé et le bien-être des mères », explique Erica.

Yummy Mummy a été diffusée pendant deux saisons sur les chaînes Life Network et Discovery House.
Quand la série a pris fin, elle voulait continuer d’échanger avec d’autres mères, surtout après la naissance de sa fille Jessie en 2003. Elle a donc lancé YummyMummyClub.ca (YMC) en mars 2006.
« Le site a eu une forte résonance auprès des mères, car rares étaient celles qui parlaient des réalités et des difficultés de la maternité. Beaucoup ressentaient trop de gêne ou de culpabilité pour dire combien elles trouvaient difficiles leurs tâches ou ne s’estimaient pas à la hauteur. Ces sujets délicats ne me rebutaient pas. Le site web a gagné en popularité au fil de mes rencontres avec d’autres mères animées par la même passion de communiquer. »
Le site YMC est désormais le plus important magazine en ligne indépendant pour les mères au Canada. On y présente du contenu aussi sérieux que sensationnel : d’une recette de carrés au café triple chocolat, on passe à des billets de blogue où les mères abordent des sujets comme l’épuisement, les relations interpersonnelles, les problèmes de comportement, la dépression, le deuil, l’allaitement et les manières de pimenter sa vie sexuelle. Le site a d’ailleurs remporté de nombreux prix : celui du meilleur blogue lors de la cérémonie de 2014 des Canadian Online Publishers Awards, la première place lors des Canadian Weblog Awards en 2013 dans la catégorie Intérêt général et un prix Digital Media dans la catégorie Lifestyle Entertainment en 2012.
« Internet nous permet de discuter avec des étrangers sur des sujets sensibles et très personnels. En fait, c’est un outil qui permet de faire savoir à tous que nous ne sommes pas seuls, explique-t-elle. On trouve désormais de nouvelles façons d’être parent, de nouvelles stratégies, de nouveaux tabous. Cet espace numérique et les médias sociaux rendent cette époque formidable pour être mère. Historiquement, les femmes étaient très isolées. Internet leur a donné la possibilité de tisser de nouveaux liens et de faire partie d’une communauté qui, même si elle demeure virtuelle, peut déboucher sur des amitiés bien réelles. »
Son époque jet-set en tant que VJ lui manque-t-elle? Après tout, Erica a interviewé les gens et les groupes de musique les plus populaires de la planète : Sting, Bono, Kurt Cobain et Duran Duran pour ne nommer que ceux-là.
« Non, ma vie est tellement plus gratifiante maintenant. Je suis entourée par une belle communauté de femmes aux vues semblables aux miennes qui racontent des histoires et sont de véritables artistes dans l’âme. Nous nous soutenons dans nos vies respectives et composons avec les hauts et les bas de la maternité. J’adorais mon travail à MuchMusic, et je me suis beaucoup éclatée à interviewer les vedettes du rock. Ce mode de vie me convenait parfaitement à l’époque, mais à un moment donné je n’en pouvais plus des gars qui se cachent derrière leurs cheveux, ne connaissent que trois accords de guitare et n’ont pas grand-chose à dire. C’est devenu plutôt ennuyant. »
Forte de huit ans d’expérience à la barre de YMC, Erica Ehm peut se targuer d’en connaître pas mal sur le contenu de marque. Alors, que pense-t-elle du repositionnement de l’Université d’Ottawa dont le slogan Défier les conventions est le porte-étendard?
« C’est bon! C’est très communicatif. Les employeurs cherchent des employés qui ont un esprit d’initiative. Défier les conventions évoque pour moi la liberté de penser. Je considère que je suis une personne qui défie les conventions, et c’est sans doute ce qui m’a permis de réussir », avoue-t-elle.
Pas de doute, Erica Ehm a toujours été d’un grand dynamisme pour atteindre ses objectifs. Toutefois, enregistrer l’une de ses premières chansons, You’ve Got the Devil in Your Eyes, dans ce petit studio de l’Université, rédiger une dissertation sur la façon de réaliser un disque à succès et étudier le dadaïsme ont été des étapes déterminantes dans son parcours.
« Je me souviens que l’un de mes professeurs m’a demandé de faire un projet sur le dadaïsme. Je lui ai aussitôt demandé ce que c’était. Il a souri, puis il m’a dit que j’étais sur le point de le découvrir. Ce projet a été un tournant dans ma vie, car il m’a permis de faire des liens avec le punk rock, le surréalisme et le new wave. J’ai pu constater à quel point l’art, la culture et l’histoire sont liés et que les tendances se répètent sous différentes formes au fil des époques. C’est l’une des révélations que j’ai eues à l’université. »
Les meilleurs et les pires moments de VJ d’Erica Ehm :
Ton entrevue préférée?
« J’ai passé 10 ans à MuchMusic. C’est donc toujours difficile de choisir mon entrevue préférée, mais beaucoup disent que celle avec Kurt Cobain de Nirvana compte parmi les mémorables parce qu’il a parlé très ouvertement de sa vie. Puis, il s’est suicidé quelques semaines après l’entrevue. »
Ta pire entrevue?
« Les Red Hot Chili Peppers parce qu’ils étaient grossiers devant la caméra, sacraient beaucoup et agissaient comme de vrais fauteurs de trouble, mais dès que la caméra arrêtait de tourner, ils s’excusaient, et se demandaient s’ils en mettaient trop, s’ils devaient mettre de l’eau dans leur vin. J’ai compris qu’ils ne faisaient que jouer la comédie. C’est ma pire entrevue, car les membres de ce groupe n’étaient pas authentiques. »
Visitez Défier les conventions pour lire davantage d’histoires au sujet de la communauté de l’Université d’Ottawa.
Photo principale :
Erica Ehm continue de faire son chemin en tant que créatrice et éditrice de YummyMummyClub.ca. L’année dernière, elle a remporté le prix du Programme de reconnaissance des femmes et des jeunes filles chefs de file en développement communautaire du gouvernement de l’Ontario pour son leadership exceptionnel. Photo : Josh Moshenberg