L’art de l’archéologie subaquatique

Marc-André Bernier, chef du Service d’archéologie subaquatique de Parcs Canada, dans les laboratoires de Parcs Canada à Ottawa.

« À la prochaine étape, nous commencerons à explorer plus à fond l’intérieur de l’épave, où se trouvent 97 % des artéfacts qui nous dévoileront ce qui s’est produit. »

— Marc-André Bernier

Par Mike Foster

En avril dernier, Marc-André Bernier a plongé dans les eaux glaciales de l’Arctique par un trou taillé dans la glace afin de percer les mystères du sort funeste de l’expédition de Franklin.

Selon M. Bernier (B.A. 1986 et M.A. 1990, Études anciennes), chef du Service d’archéologie subaquatique de Parcs Canada, l’eau était cristalline et de puissants projecteurs éclairaient l’épave du HMS Erebusgisant au fond du golfe Queen Maud.

« La scène était spectaculaire. Là où j’ai plongé, l’épaisseur de la glace était supérieure à ma taille. Puis tout m’est apparu comme une vaste étendue blanche, raconte-t-il. Chaque plongée dure à peu près une heure; après, on commence à avoir froid. »

C’était la deuxième expédition de M. Bernier sur le site. En septembre dernier, il a sorti de l’eau la cloche du HMS Erebus peu après la découverte de l’épave, confirmant ainsi qu’il s’agissait bel et bien de l’un des deux navires de Franklin.

De retour de sa dernière expédition – Opération Nunalivut 2015 –, M. Bernier est ravi de constater la qualité de conservation de bon nombre des artéfacts et le potentiel du site pour en livrer bien d’autres.

M. Bernier faisait partie d’une équipe de huit plongeurs de Parcs Canada et de douze de l’Unité de plongée de la Marine royale canadienne qui ont, chacun leur tour, mesuré, photographié, placé des points de référence et catalogué des détails de l’épave, et rapporté plusieurs artéfacts.

Durant la longue fin de semaine de mai dernier, le canon de bronze de calibre six livres du HMS Erebus était l’attraction principale au Musée canadien de l’histoire à Gatineau. L’exposition Briser la glaces’est tenue 170 ans après le départ de l’expédition de Franklin – composée du HMS Erebus et du HMS Terror et de 128 hommes –, qui a quitté le port de Greenhithe, en Angleterre, à la recherche du passage du Nord-Ouest le 19 mai 1845.

Parmi les autres artéfacts exposés brièvement dans des réservoirs remplis d’eau, les visiteurs ont pu voir des boutons de tunique de la Royal Navy, des assiettes en céramique, un flacon de médicament en verre, une poulie et des illuminateurs, et ainsi se faire une idée du quotidien de cet équipage.

« L’état exceptionnel dans lequel sont ces objets nous donne une idée du potentiel de cette épave, indique M. Bernier. Ce n’est que la pointe de l’iceberg. »

Un canon est suspendu par une corde au-dessous d’un trou triangulaire taillé dans la glace.

Le canon est remonté à la surface par un trou triangulaire taillé dans la glace, près de 170 ans après la disparition du navire de l’expédition de Franklin. Photo : Parcs Canada

M. Bernier ajoute que la moitié des artéfacts, dont le canon et quelques-unes des poulies, ont été trouvés en périphérie du site tandis que les autres étaient facilement accessibles par un trou dans le pont supérieur.

Pour l’instant, les artéfacts subissent des traitements de conservation dans les laboratoires de Parcs Canada à Ottawa et doivent être conservés dans l’eau. Selon M. Bernier, ils corroborent les récits inuits d’un navire pris dans les glaces.

« Ce qui est intéressant, c’est que dans un des récits inuits recueillis par l’explorateur américain Frederick Schwatka, parti à la recherche de Franklin en 1879, un Inuit nommé Puhtoorak raconte qu’il est allé sur l’épave. Il se souvient d’avoir vu le navire abandonné "bien à l’ordre" et d’y avoir vu "des cuillères, des fourchettes, des couteaux et des assiettes d’étain ou de porcelaine en grand nombre". Les assiettes que nous avons récupérées se trouvaient probablement tout près de l’endroit où mangeaient les hommes d’équipage, juste à côté de la cuisinière… Ce qui correspond à peu près à "bien à l’ordre". Le fait que toutes ces choses aient été retrouvées ensemble avec le flacon de médicaments dans une petite niche sur cette partie du pont nous permet déjà de faire le lien avec les récits et témoignages des Inuits », précise M. Bernier.

Les plongeurs de Parcs Canada ont aussi installé de petites caméras dans l’épave.

« À la prochaine étape, nous commencerons à explorer plus à fond l’intérieur de l’épave, où se trouvent 97 % des artéfacts qui nous dévoileront ce qui s’est produit », indique M. Bernier.

« On voit de nombreux artéfacts : des bottes, des casques, des pichets en céramique. On peut aussi voir qu’un grand nombre des poutres des ponts ont été déplacées du lieu du naufrage. Il y a beaucoup de débris, et nous devrons essayer de comprendre tout ça. Ce sera tout un casse-tête. Nous déduisons aussi de ces découvertes que la proue du navire sera assez facile d’accès. Dans cette partie, les barrots de pont et les ponts n’ont pas bougé. À la poupe, où sont logées les cabines, la glace a fait un peu plus de dégâts. Cette partie sera plus difficile d’accès, mais les objets seront mieux préservés. »

En tant que directeur de l’équipe d’archéologie subaquatique de Parcs Canada depuis 2008, M. Bernier doit superviser tous les projets et la logistique. Il travaille pour Parcs Canada depuis 1990 et y a décroché son emploi de rêve en fin de rédaction de son mémoire de maîtrise à l’Université d’Ottawa.

Originaire de Kapuskasing dans le Nord de l’Ontario, M. Bernier a commencé à faire de la plongée sous-marine à 17 ans, alors qu’il fréquentait le cégep à Rouyn-Noranda. Il a exploré les lacs du Nord du Québec et, en tant qu’étudiant à l’Université d’Ottawa, le fleuve Saint-Laurent. C’est pendant ses études de premier cycle qu’il a découvert l’existence de l’archéologie subaquatique. Et c’est à partir de ce moment que ses études ont commencé à porter sur des thèmes maritimes : la navigation, les navires anciens et l’infrastructure des ports. Il a étudié l’archéologie grecque; son mémoire portait justement sur la topologie des ports d’une région en Grèce. Son amour de la plongée combinée à son expérience et à ses connaissances en archéologie faisait de lui le candidat idéal pour cet emploi à Parcs Canada.

Parcs Canada présente ces artéfacts dans le cadre d’une exposition virtuelle de Parcs Canada et d’une visite guidée virtuelle en vidéo du HMS Erebus animée par Ryan Harris.

Photo principale :
Marc-André Bernier, chef du Service d’archéologie subaquatique de Parcs Canada, lors de son entrevue pour le magazine Tabaret dans les laboratoires de Parcs Canada à Ottawa. Bernier a fourni d’autres informations relatives à de nouveaux artéfacts récupérés dans l’épave de l’Erebus en avril dernier. Photo : Mike Foster

 l’emblème du roi George III.

Sur le canon du HMS Erebus figurent les lettres « GR » encerclées par la devise « Honi Soit Qui Mal Y Pense », surmontées d’une couronne : l’emblème du roi George III. Photo : Parcs Canada

 

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