L’art pour tous
Par Mike Foster
Une galerie reliée à un pub est bien loin du cliché du « cube blanc » si souvent employé dans le milieu artistique, explique Brendan A. de Montigny (MAV 2013).
Ce n’est pas la place pour les vins et fromages prétentieux. Les événements qui se tiennent à la galerie PDA Projects, située à côté du Lieutenant’s Pump sur une artère bien branchée d’Ottawa, la rue Elgin, accueillent des visiteurs qui s’installent dans la cour intérieure au soleil, ou sur des tabourets de bar en cuir dans une pièce sombre au fond du pub. Ces expositions s’accompagnent de cracheurs de feu, de concertos de violon, de séances de coupe de cheveux ou de barbe, de sculptures vidéo et de DJ qui font des tests de son.
PDA Projects est un hybride entre une galerie d’art commerciale privée, qui représente des artistes canadiens contemporains, et un point de rencontre du milieu artistique, qui accueille des conférences d’artistes, des ateliers et des expositions. Ouverte depuis août 2014, elle est la création des copropriétaires et directeurs Brendan de Montigny et Meredith Snider (MAV 2013), qui se sont rencontrés dans le cadre de la maîtrise en arts visuels de l’Université d’Ottawa.
C’est le propriétaire du Lieutenant’s Pump qui leur ont demandé de proposer un modèle d’affaires pour les locaux maintenant occupés par la galerie. Brendan de Montigny, reconnu pour ses peintures et dessins surdimensionnés qui abordent les concepts de ruine, d’utopie et de sous-cultures, et Meredith Snider, artiste multimédia qui travaille avec la vidéo, la sculpture et la photographie, faisaient partie du collectif PDA dans le Vieux-Hull, et avaient déjà travaillé dans des galeries commerciales et des centres artistiques. L’acronyme PDA veut dire « Public Displays of Affection » en anglais, et « Pas d’Acronyme » en français. Ce projet a pour but de rendre l’art accessible, tout en faisant la promotion du travail d’un groupe sélect d’artistes talentueux mais peu connus.
Le PDA Projects offre unprogramme d’activités, comme des ateliers sur des moyens originaux de résoudre des problèmes pour les petites entreprises, les entreprises privées ou des organisations gouvernementales, ou encore des ateliers sur l’appréciation artistique. Le mois dernier, par exemple, la galerie proposait l’activité Pinch Pots and Day Beers. Les visiteurs recevaient un bloc d’argile, des instruments et la formation nécessaire pour faire leur propre poterie, tout en admirant l’exposition solo du céramiste et diplômé de l’Université Colin Muir Dorward (MAV 2013) intitulée Maiolica For Marjory, qui présentait des bols peints et des plats en faïence émaillée.
« Notre intention est d’attirer des gens qui n’ont pas de formation artistique et leur donner confiance en leur capacité de créer », explique Mme Snider.
« Notre modèle d’affaires vient de notre amour pour la créativité, ajoute M. de Montigny. Nous représentons sept artistes pour l’instant et nous voulons présenter leurs œuvres – et si possible les vendre –, mais nous voulons aussi former une communauté artistique. Je crois que notre génération se rebelle contre le modèle des grandes surfaces et se tourne plutôt vers son milieu local. Nous constatons une grande production artistique venant de la base populaire. »

Brendan A. de Montigny et Meredith Snider à la galerie PDA Projects avec la peinture sur toile If The Devil is Six Then God is Seven de l’artiste et diplômé de l’Université Colin Muir Dorward en arrière-plan. Photo : Mike Foster
Dernièrement, PDA Projects a aussi lancé son rejeton PDA Press, qui publie des ouvrages d’art en édition limitée où se côtoient les arts visuels, la poésie, les nouvelles, les romans illustrés et les essais sur l’art contemporain. L’initiative tire une partie de son financement grâce à une campagne de financement participatif Indiegogo. Les trois premiers titres – The Sameness Between You and I, sur les thèmes de la perte vécue à travers le genre et la sexualité; Old Man Fashionista, collection de photographies d’hommes âgés portant des chapeaux de Guillermo Trejo (MAV 2012) et States of Homes, livre de dessins personnels de l’artisteAlysha Farling – paraîtront en juin.
De nombreux artistes qui ont exposé à la galerie sont issus du programme d’arts visuels de l’Université, notamment Anne Marie Dumouchel (MAV 2014), Christopher Payne (MAV 2013) et la stagiaire Gillian King, qui a monté l’exposition You Maniacs You Blew It Up!, qui sera présentée en juillet.
Meredith Snider et Brendan de Montigny conservent toujours un lien avec leur alma mater. Mme Snider était professeure à temps partiel la session dernière – elle donnait un cours sur les installations médiatiques dans le cadre du baccalauréat en arts visuels – et Brendan de Montigny y était à titre de professeur invité pour partager ses réflexions sur l’élément commercial de l’art, et de « critique invité » pour aider le professeur Andrew Morrow à faire la critique finale des œuvres d’étudiants de 2e année au baccalauréat en arts visuels.
Pour soutenir encore davantage la scène artistique ottavienne, PDA Projects décerne maintenant le Prix PDA à un étudiant de quatrième année en arts visuels de l’Université d’Ottawa à qui l’on reconnaît un talent exceptionnel. Le prix consiste en une exposition dans les locaux de PDA Projects, ce qui peut aider le lauréat à obtenir des bourses, explique Meredith Snider.
« Il est important pour nous de redonner à l’Université d’Ottawa. Nous voulons donner espoir aux jeunes étudiants en art qu’ils peuvent réussir et gagner leur vie par l’art, car ils entendent souvent le contraire », souligne M. de Montigny.
Il ajoute qu’à son avis, Ottawa est mûre pour prendre les devants de la scène culturelle. Les artistes restent en ville, ils ouvrent de petites galeries et de nouvelles scènes musicales. Entre-temps, la ville se prépare à célébrer le 150e anniversaire du Canada en 2017, et le Train léger qui traversera le centre-ville devrait être fonctionnel au printemps 2018. Mme Snider croit que tous ces facteurs « urbaniseront » et revitaliseront la ville et ses quartiers. La ville est aussi l’hôte d’une bonne partie des plus belles collections au pays, exposées à la Galerie d’art d’Ottawa, au Musée des beaux-arts du Canada et au Conseil des Arts du Canada, dont la nouvelle galerie de quelque 280 m2 vient d’ouvrir ses portes rue Elgin.
« Nous ne sommes pas New York, nous ne sommes pas Toronto. Nous ne sommes même pas Montréal ni Vancouver. Nous sommes Ottawa. Mais cela dit, je pense que nous vivons une renaissance à Ottawa, ajoute Brendan de Montigny. Je me souviens du t-shirt sur lequel figuraient les mots "Ottawa, It’s a Place". Je pense qu’il faudrait maintenant dire "Ottawa, It’s an Awesome Place" ».
Et la connexion de l’Université d’Ottawa et cette scène émergente ajoutent au caractère exceptionnel de la ville. Un autre rendez-vous à ne pas manquer en septembre est le Coalesce Performance Art Festival, organisé par le professeur de l’Université Jaclyn Meloche. Accordez-vous donc une promenade du côté de la rue Elgin et prenez part à la renaissance nouvelle vague!
Photo principale :
Brendan A. de Montigny et Meredith Snider à l’extérieur de PDA Projects à Ottawa. Photo : Mike Foster