L’héritage de Hans Baer
Par Kyle Bournes
Hans Helmut Baer restera dans la mémoire de ses collègues et de ses proches comme un homme modeste et discret, mais ses travaux de recherche et le rôle qu’il a joué dans la vie d’étudiants étrangers révèlent sa passion pour la découverte et son souci d’aider les autres.
Au début des années 1960, dans son Allemagne natale, Hans Baer est une étoile montante dans le domaine de la chimie des glucides. En 1961, il devient professeur adjoint à l’École des sciences pures et appliquées de l’Université d’Ottawa, en pleine expansion.
Alors sur le point de devenir une faculté, l’École doit s’adjoindre davantage de professeurs de sciences pour répondre à la demande et offrir des programmes de qualité. La remarquable carrière de Baer lui vaudra une renommée mondiale pour ses travaux sur les oligosaccharides (dérivés du lait maternel) et les glucides azotés (utilisés dans la recherche sur les antibiotiques). En 1975, il reçoit la plus prestigieuse distinction de son domaine : le Claude S. Hudson Award in Carbohydrate Chemistry, attribué par l’American Chemical Society.
En plus d’apporter une contribution remarquable à son domaine de recherche, Hans Baer est proche de ses étudiants, peut-être parce que, comme nombre d’entre eux, il a quitté son pays très jeune, animé par l’ambition et le goût de l’aventure. Il est toujours prêt à les aider à progresser dans leurs études et leurs recherches. Tout comme lui, ces étudiants sont arrivés à l’Université d’Ottawa dotés d’une grande éthique de travail et d’une résilience qui les aident à surmonter les défis.
C’est dans l’année qui suit son arrivée comme professeur à l’Université d’Ottawa que Hans Baer a pour la première fois l’occasion de « donner au suivant ». En 1962, un jeune étudiant taïwanais, Ruey Yu, commence en effet son doctorat sous la direction de Baer. C’est le premier des nombreux étudiants étrangers qu’il supervisera aux cycles supérieurs pendant une carrière de plus de trois décennies. À son arrivée, Yu est sans le sou; pendant son enfance, il a dû faire face à la famine et relever bien d’autres défis. À l’époque, il n’est pas possible de faire un doctorat à Taïwan; sur le conseil d’un camarade – qui lui, obtiendra une bourse à l’Université McGill –, Yu fait une demande d’admission aux études supérieures à l’Université d’Ottawa.
Baer le prend sous son aile; en plus de le superviser, il veille sur lui, l’aide à faire venir sa femme et sa fille au Canada et facilite son intégration en l’invitant à des rencontres sociales, en le présentant à de nouvelles connaissances et en prenant le temps de vivre avec lui des expériences dans ce pays qui est leur nouveau foyer à tous les deux. En trois courtes années, le premier étudiant étranger de Baer obtient son doctorat; peu après, il décroche une bourse de la Division des biosciences du Conseil national de recherches du Canada.
Après cinq ans au Canada, Yu part travailler aux États-Unis, mais il n’oubliera jamais le rôle qu’Hans Baer a joué dans sa vie. Il poursuivra ses recherches en chimie et fera des découvertes qui révolutionneront l’industrie des produits de beauté. Avec son collègue, le professeur Eugene J. Van Scott, il découvre que les acides alpha-hydroxylés (AAH) sont extrêmement bénéfiques pour la peau et fonde la compagnie NeoStrata.
Hans Helmut Baer nous a quittés en novembre dernier à 88 ans, plus de 50 ans après sa première rencontre avec Ruey Yu. Il a mené une vie inspirante et supervisé de futurs scientifiques, médecins et infirmières, et son souvenir restera toujours gravé dans la mémoire des nombreux étudiants dont il a été l’enseignant ou le mentor, tout comme dans celle de son premier étudiant étranger, venu de Taïwan.
Lorsqu’il a appris que le professeur Baer était décédé, Ruey Yu a voulu poser un geste en l’honneur de son directeur de thèse. Il a décidé de redonner ce qu’il avait reçu en faisant un généreux don à la Faculté des sciences afin de créer la Bourse Hans Helmut Baer pour les étudiants étrangers en chimie. Cette bourse sera accordée à perpétuité aux étudiants des cycles supérieurs qui répondront aux critères d’admissibilité.

Originaire de l’Iran, Mehdi Mostajeran est le premier récipiendaire de la Bourse Hans Helmut Baer pour les étudiants étrangers en chimie.
Le premier étudiant à recevoir cette bourse est Mehdi Mostajeran. Comme Baer et Yu avant lui, il a, dans un acte de foi, laissé derrière lui sa famille pour venir étudier au doctorat. C’est un étudiant exceptionnel qui nous arrive de l’Université de technologie d’Ispahan, la plus prestigieuse d’Iran. Il étudie maintenant en quatrième année de doctorat, sous la direction du professeur R. Tom Baker, reconnu internationalement pour ses recherches sur la catalyse en chimie verte. Il cherche des moyens d’utiliser l’hydrogène gazeux comme carburant.
Nous nous rappellerons toujours avec affection le professeur Hans Baer, homme modeste et attachant et pionnier de l’internationalisation du campus. Il a contribué à créer à l’Université d’Ottawa une culture d’inclusion qui est toujours au cœur de ses valeurs. Le campus compte aujourd’hui près de 4000 étudiants étrangers, dont plus de 300 sont au doctorat. Nous espérons que chacun d’entre eux aura dans son entourage un Hans Baer pour l’aider à relever les défis pendant leurs études à l’Université d’Ottawa.
Avez-vous connu le professeur Baer, ou avez-vous dans votre entourage un professeur ou un membre du personnel de l’Université d’Ottawa qui a eu une influence positive sur votre vie? Nous aimerions beaucoup connaître votre histoire. Communiquez avec Kyle Bournes, agent des relations avec les diplômés, Faculté des sciences, àkbournes@uOttawa.ca.
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En 1961, l’Université d’Ottawa a recruté Hans Baer à titre de professeur adjoint.