L’interdisciplinarité de nos chercheurs en vedette
Par Mike Foster
En tant que responsable universitaire du Congrès 2015 de la Fédération des sciences humaines, grand rassemblement de 70 associations savantes, Ruby Heap voulait faire valoir la nature interdisciplinaire des recherches menées par les professeurs de l’Université d’Ottawa.
Dans cette optique, Mme Heap, vice-rectrice associée à la recherche à l’Université, considère qu’il a fallu un grand coup de filet pour offrir septsymposiums interdisciplinaires ouverts au grand public pendant tout le congrès, soit du 30 mai au 5 juin au campus principal de l’Université d’Ottawa.
« Nos chercheurs des instituts et des centres de l’Université s’attaquent à des enjeux cruciaux pour les universitaires, mais aussi pour l’ensemble de la société, affirme Mme Heap. C’est une époque intéressante pour les sciences humaines et les sciences sociales. En tant que chercheuse, je constate que mes collègues des domaines de la science, du génie et de la médecine accordent de plus en plus d’importance à nos travaux. C’est pour cette raison que nous favorisons la recherche interdisciplinaire; nous avons besoin de cette convergence des domaines pour trouver des réponses aux grandes questions de notre époque. »
Sous le thème « Le capital des idées », plus de 8 000 universitaires, décideurs et chercheurs sont attendus au plus grand rassemblement d’universitaires au Canada pour partager le fruit de leurs recherches et conclure de nouveaux partenariats. Maintenant à sa 84e année, le congrès est le point de convergence de 70 associations représentant des disciplines aussi diverses que l’histoire, la science politique, les communications, la féminologie, la littérature et l’éducation, et qui y tiendront leur assemblée annuelle.
Marc Saner, professeur agrégé et directeur de l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l’Université, animera des conférences sur les répercussions des percées en intelligence artificielle sur le milieu de travail. On pourrait bientôt remplacer les télévendeurs par des composeurs-messagers automatiques, mais qu’en est-il des pilotes de ligne, des économistes et des comptables? Le symposium sur le chômage technologique et l’avenir du travail réunira Nick Bostrom, directeur du Future of Humanity Institute d’Oxford, et Wendell Wallach de l’Interdisciplinary Centre for Bioethics de Yale.
Selon le professeur Saner, spécialiste de la gouvernance des technologies et du rapport entre science et politique, les percées technologiques ont stimulé la croissance et la création d’emplois, mais la tendance pourrait s’inverser parce que des machines pourraient faire le travail.
« Le monde commence à prêter l’oreille parce que la tendance touche les cols blancs », explique-t-il. Le professeur Stewart Elgie, directeur de l’Institut de l’environnement de l’Université, animera le 4 juin des discussions sur le thème « Politiques sur le changement climatique pour une économie sobre en carbone ». Des politiciens de trois instances – dont l’ex-premier ministre du Québec Jean Charest – discuteront des défis liés à la mise en place de politiques pour mettre un prix sur le carbone et des leçons qu’ils en ont tirées. M. Charest a instauré une taxe sur les émissions carboniques au Québec ainsi qu’un système de quotas d’émission cessibles en s’associant à la Californie. Kristen Halvorsen, ex-ministre des Finances de la Norvège, a institué la première taxe sur les émissions carboniques au monde au début des années 1990, et Brice Lalonde, ambassadeur de France chargé des négociations sur les changements climatiques et ancien ministre français de l’Environnement, a établi plusieurs taxes sur la pollution et une taxe sur les émissions carboniques.
« Instaurer des mesures pour s’attaquer aux changements climatiques est sans contredit le plus grand obstacle à surmonter pour le Canada et le monde en ce moment », affirme le professeur Elgie, en ajoutant que son commentaire est d’autant plus pertinent que les dirigeants mondiaux devront fixer des cibles de réduction d’émission de carbone au-delà de 2020 à la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 en décembre.
« Il peut être utile de s’inspirer de l’expérience de pays comme la Norvège et la France. Dans certains pays européens, ce sont des gouvernements conservateurs qui ont mis un prix sur le carbone. La leçon à tirer ici, c’est que ce n’est pas nécessairement une affaire d’orientation politique, explique-t-il. En ce qui concerne les politiques sur les changements climatiques, il faut savoir que plus on attend, plus le coût est élevé. Les changements climatiques ne négocient pas. »
Promouvoir les droits des enfants
Elisa Romano, qui est professeure agrégée à l’École de psychologie et associée au Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les droits de l’enfant de la Faculté de droit, Section de droit civil, sera l’hôte du symposium « Promouvoir les droits des enfants et la résilience : perspectives interdisciplinaires ». Tessa Bell, stagiaire postdoctorale sous la direction de Mme Romano, sera l’une de conférencières représentant le Laboratoire à ce symposium. Elle étudie la résilience comportementale chez les enfants mis sous la protection de l’enfance, en se basant sur les données des Sociétés d’aide à l’enfance de l’Ontario. Marvin Bernstein, conseiller principal en matière de politiques d’Unicef Canada, prononcera pour sa part une conférence d’honneur sur la promotion des droits des enfants par les services de protection de l’enfance et traitera des répercussions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant adoptée il y a 25 ans.
Le professeur d’histoire Chad Gaffield, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en études numériques, estime que les effets de l’ère numérique seront de toutes les discussions au congrès. Il n’y a pas si longtemps, professeurs et chercheurs publiaient le fruit de leurs travaux sur support papier principalement dans leurs propres cercles. Aujourd’hui, ils s’adressent au grand public international et doivent se doter d’une « stratégie d’engagement ».
M. Gaffield, qui a été président de 2006 à 2014 d’un organisme subventionnaire fédéral, le Conseil de recherches en sciences humaines, sera du symposium « Quand l’informatique se porte à la rencontre de la culture » aux côtés de Guy Berthiaume, bibliothécaire et archiviste du Canada.
« Nous voyons souvent l’ère numérique comme un nouveau gadget, mais en fait, c’est beaucoup plus une question d’analyse de données, explique le professeur Gaffield. Nous constatons que les diplômés d’un baccalauréat en histoire se font embaucher par les sociétés de jeux vidéo et par Google. Nos étudiants apprennent à analyser le comportement humain. C’est pour cette raison que les entreprises les recrutent. Il est faux qu’un diplôme en sciences humaines mène au chômage ou à un emploi de serveur dans un café. »

Le professeur d’histoire Pierre Anctil a étudié des manuscrits et des journaux yiddish.
De nombreux professeurs et étudiants de l’Université partageront des connaissances qui remettent en question les idées reçues et repoussent les limites. Le professeur d’histoire Pierre Anctil, par exemple, a étudié des manuscrits et des journaux yiddish dans le cadre d’une concertation entre historiens et traducteurs pour étudier l’histoire canadienne du point de vue des immigrants. Le 3 juin, lors d’un événement organisé par la Société historique du Canada et l’Association canadienne de traductologie, il présentera une communication sur la littérature yiddish à Montréal et la traduction. Le professeur Anctil explique que les journaux yiddish ont existé pendant environ 80 ans, mais qu’ils n’ont jamais été traduits à ce jour.
« Nous y avons trouvé des commentaires particulièrement intéressants sur le jeu de la politique au Canada, sur les élections, les mœurs politiques, la façon dont les immigrants devraient réagir et les attitudes des Canadiens envers les immigrants, précise M. Anctil. Nous regardons le Canada à travers les yeux d’une personne qui arrive au pays à un moment précis. Cela s’inscrit dans un mouvement qui consiste à regarder l’histoire au niveau des personnes qui travaillent et qui créent le Canada, chacune avec sa propre énergie, et non du point de vue des classes qui gouvernent d’en haut. »
Les diplômés qui aimeraient assister au Congrès peuvent consulter leprogramme détaillé ou se joindre à l'armée grandissante de bénévolesnécessaires au succès d’un tel événement.
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Ruby Heap, vice-rectrice associée à la recherche à l’Université. Photo : Peter Thornton.