Le nouveau visage de La Nouvelle Scène
Par David Ménard
Entre les mains d’Anne-Marie White (B.A. 1995), des projets qui paraissent d’emblée impossibles à théâtraliser se métamorphosent en succès sur les planches. Cette grande créativité et sa vision artistique lui ont récemment mérité le poste de directrice générale et artistique de La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins, à Ottawa.
J’ai eu le bonheur de rencontrer Anne-Marie White au moment où je publiais mon recueil de poésie Neuvaines, en 2015. À ma grande surprise, elle m’a fait part de son désir de le mettre en scène. Elle en faisait quelques semaines plus tard une merveilleuse et étonnante adaptation théâtrale, coproduite par le Théâtre du Trillium et la Scène Ontario du Centre national des Arts.
Bien que sa récente nomination constitue un défi de taille pour Anne-Marie White, celle-ci l’accueille comme la « suite naturelle » des choses, puisqu’elle assurait l’intérim de la direction générale de La Nouvelle Scène – maintenant désignée sous l’appellation La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins – depuis déjà plusieurs mois.
« J’en étais déjà à créer une équipe de collaborateurs et j’étais submergée de dossiers chauds. C’est dans ce contexte que j’ai appris la nouvelle de ma nomination. J’ai ressenti un grand sentiment d’ancrage – l’impression d’être arrivée à la bonne place au bon moment. »
Après de longs travaux de reconstruction, La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins a rouvert ses portes en janvier 2016 pour faire découvrir à la communauté une riche programmation multidisciplinaire. Les compagnies fondatrices de ce théâtre, soit le Théâtre du Trillium, le Théâtre de la Vieille 17, Vox Théâtre et le Théâtre la Catapulte, sont ainsi rentrées au bercail après plus de deux ans d’exil. Anne-Marie White était là pour les accueillir au « cœur de l’action », selon ses mots.
« Je n’ai jamais eu peur de mettre en branle les éléments nécessaires pour réaliser ce que je voulais faire », affirme-t-elle. Aujourd’hui, Anne-Marie White rêve d’insuffler de la vie et du dynamisme au nouvel établissement, en plus de lui donner une identité claire, unique et forte.

La Nouvelle Scène avait besoin de nouveaux espaces de spectacle et de répétition pour répondre aux besoins actuels. Qui plus est, le bâtiment original de l’avenue King-Edward, construit en 1930, avait subi l’usure du temps. Photo : La Nouvelle Scène
Écrire une page d’histoire
La femme de théâtre reconnaît l’ampleur du travail qui l’attend. « Les tâches administratives sont lourdes. Mes journées ne sont pas constituées que de tâches créatives. Il y a beaucoup de gestion à faire, que ce soit sur le plan des finances, des ressources humaines ou des demandes de subvention. » Il lui semble toutefois qu’en assurant la direction générale et artistique de La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins, elle contribue à écrire une page de l’histoire franco-ontarienne, en plus de se trouver au cœur même d’un projet communautaire.
Anne-Marie White a obtenu son baccalauréat en théâtre de l’Université d’Ottawa en 1995. Elle garde un excellent souvenir de son passage sur le campus, où elle s’est dite « agréablement surprise par la réelle cohabitation des langues ». Selon elle, le Département de théâtre propose un heureux mélange entre la théorie et la pratique qui laisse amplement place à l’imagination. C’est là qu’elle a rencontré plusieurs mentors, dont Dominique Lafon, Tibor Egervari et Jean Herbiet, qui lui ont donné l’autonomie et la marge de manœuvre essentielles pour faire des essais et créer. « Si l’on ne m’avait pas donné autant d’espace pour expérimenter, mon chemin vers la création aurait été plus long », explique-t-elle.
Cette liberté a contribué à faire naître l’entrepreneure en elle, de sorte qu’elle a pu former ses compagnies théâtrales et, plus tard, être nommée à la tête de La Nouvelle Scène.
Repérer les jeunes talents
Elle entretient toujours un lien avec le Département de théâtre, puisque celui-ci est, selon elle, « intimement lié à la formation des gens qui se retrouvent dans le milieu professionnel du théâtre à Ottawa ». Anne-Marie White se fait d’ailleurs un devoir d’assister aux représentations du Département – quand son horaire le lui permet – pour repérer les jeunes aspirants de grand talent. En plus d’établir un dialogue avec les étudiants en théâtre, elle profite de son passage sur le campus pour interagir avec les autres départements à propos des sujets abordés dans diverses productions théâtrales.
« Au théâtre, il y a souvent un contenu intimement lié avec celui qui est abordé ailleurs à l’Université. De plus en plus, les arts sont en dialogue avec les autres disciplines. Nous avons donc avantage à côtoyer des gens de divers horizons pour nous nourrir les uns les autres. »
La metteure en scène incite notamment les étudiants à venir la rencontrer et faire la connaissance de divers artisans de théâtre de la région ou d’ailleurs. « Si c’est le théâtre qui vous interpelle plus que tout au monde, alors courez me le crier. Si vous pensez pouvoir faire autre chose dans la vie et être heureux, n’hésitez pas une seconde : faites autre chose. Parce qu’à moins d’être malade de passion pour ce qu’on fait, on ne survit pas dans le milieu des arts. »
Que peut-on souhaiter à Anne-Marie White dans ses nouvelles fonctions? « De l’inspiration et la perspective nécessaires pour mener à bien les projets à réaliser dans les prochaines années, et voir un achalandage foudroyant à la programmation artistique de La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins », conclut-elle, un sourire dans la voix.
David Ménard détient un diplôme en lettres françaises de la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa. Il est récipiendaire du Prix de poésie Trillium pour son recueil Neuvaines (2016).
Photo principale :
Anne-Marie White, directrice générale et artistique de La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins. Photo : Robert Patterson