Ouvrir les écoles au monde
Par Michelle Hibler
Si on demande à Édith Dumont (B.A. 1985, M.Éd. 1997) ce qui la motive, celle qui a reçu l’Ordre d’Ottawa en novembre 2017 vous répondra : « Le service communautaire! » Reconnue « pour son attachement aux communautés scolaires et à la jeunesse d’aujourd’hui », comme le souligne l’éloge qui accompagne la distinction, Mme Dumont se passionne pour l’éducation. C’est cela, poursuit l’éloge, qui fait d’elle une « ambassadrice exemplaire [ayant] pris la parole un peu partout dans le monde ».
Un engagement reconnu deux fois plutôt qu’une au cours de la dernière année, puisque le gouvernement français lui a remis, le 5 mars 2018, les insignes de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques, la plus ancienne des distinctions décernées uniquement à titre civil en France. Lors de la remise officielle à l’Ambassade de France à Ottawa à l’occasion du mois de la Francophonie, l’ambassadrice Kareen Rispal a tenu à rendre hommage à « une femme de cœur, icône inspirante de l’éducation francophone en milieu minoritaire de l’Ontario qui a fait de cette cause, l’engagement d’une vie ».
Directrice de l’éducation au Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), Édith Dumont a été honorée par cette marque de reconnaissance : « J’y vois une appréciation du travail et de l’engagement citoyen que je tente d’incarner au quotidien. »
Cette femme engagée milite pour plusieurs causes, de la culture francophone à la prévention du crime, sans oublier la protection des droits des femmes et des minorités linguistiques. « J’aime l’idée que se regrouper et travailler ensemble pour une cause peut faire toute la différence dans nos communautés », dit-elle.
Renforcer le tissu social
Pour Mme Dumont, toutefois, sa plus grande contribution consiste à « offrir à Ottawa un conseil scolaire public qui valorise et célèbre la diversité, et qui croit profondément à l’importance d’inclure et de rassembler les gens ».
Ces valeurs sont au cœur du travail du CEPEO. Ses clubs de devoirs, par exemple, sont offerts non pas à l’école, mais dans les quartiers où habitent les élèves. « C’est une façon d’être proche », explique Mme Dumont.
Une des initiatives du CEPEO, le programme Café-Communauté, suscite beaucoup d’intérêt, y compris en France. Depuis plus de trois ans, ce programme réunit des familles fraîchement immigrées et d’autres membres de la communauté le samedi matin pour discuter de sujets qui débordent largement le système scolaire.
« On va parler de santé, de vaccins, de recherche d’emploi – tous les sujets qui les interpellent. Notre mandat est d’éduquer les enfants, mais un enfant, c’est aussi sa famille », soutient Mme Dumont.
« Les participants nous disent à quel point le programme Café-Communauté correspond à leurs besoins », poursuit-elle. « Le fait, pour les enfants, de voir leurs parents s’intégrer, réseauter, avoir des amis et connaître de nouvelles familles les aide énormément à s’intégrer à l’école. »
Vive la diversité!
Bien que le parcours d’Édith Dumont soit profondément ancré en éducation (elle est au CEPEO depuis 26 ans), c’est en psychologie clinique qu’elle a d’abord étudié. Après avoir obtenu son diplôme de l’Université d’Ottawa en 1985 et étudié un certain temps à Montréal, elle a découvert le domaine de l’orthopédagogie, discipline naissante à l’époque. Une maîtrise en psychopédagogie à l’Université d’Ottawa lui a permis, selon elle, de boucler la boucle.
Ses premières expériences comme éducatrice spécialisée et conseillère pédagogique ont été suivies d’un séjour de cinq ans en Afrique du Sud et en France. Elle est revenue au pays au moment même où des milliers de réfugiés en provenance de la Somalie et du Djibouti étaient accueillis au Canada.
« Les années 1997 et 1998, et le début des années 2000 ont été des moments importants dans l’histoire d’Ottawa », précise-t-elle. C’est dans cette période qu’elle est devenue directrice d’une école qui accueillait beaucoup de ces nouveaux arrivants. Leurs expériences faisaient écho à ce qu’elle-même avait vécu durant ses années à l’étranger avec ses jeunes enfants.
« Là, j’avais vraiment le cœur à l’ouvrage », se souvient-elle. « J’étais très sensible à tous les défis que ça représentait pour des familles qui arrivaient sans leur famille élargie, en situation d’emploi précaire, et qui devaient inscrire leurs enfants à l’école et faire confiance à un milieu qu’ils ne connaissaient pas. »
Cette sensibilité aux réalités culturelles imprègne maintenant l’ensemble du CEPEO, dont les 15 500 élèves répartis entre 43 écoles dispersées au sein d’un territoire grand comme la Suisse viennent de plus de 70 cultures différentes.
Édith Dumont est directrice et secrétaire-trésorière du CEPEO depuis six ans. En 2017, au nom du conseil, elle a accepté le prix Employeur d’excellence que remet l’organisme Embauche Immigrants Ottawa pour souligner des pratiques exceptionnelles en matière de recrutement et d’intégration des immigrants qualifiés. Entre autres efforts, le conseil a noué un partenariat avec la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa pour créer des modules de formation visant à aider les enseignants formés à l’étranger à mieux s’intégrer aux écoles de l’Ontario.
Des partenariats florissants
La création d’un milieu propice à l’épanouissement de chaque enfant fait aussi partie de la formule gagnante du CEPEO sur le plan multiculturel.
« On a des enseignants dédiés à la réussite de l’élève dans chacune de nos écoles », déclare Mme Dumont. « On a aussi des travailleurs sociaux et des psychologues attitrés à chaque école. Le CEPEO est l'un des premiers conseils scolaires francophone à se doter d’un volet d’experts qui se consacrent entièrement au bien-être et à la santé mentale des élèves. »
Ces initiatives ne passent pas inaperçues. En novembre 2017, le CEPEO a lancé un partenariat avec l’Académie de Versailles — l'équivalent du plus grand conseil scolaire de France — pour partager ses connaissances sur l’instauration d’un climat scolaire positif et intégrateur dans les écoles. Des ententes similaires ont été conclues avec les Académies de Besançon, Aix-en-Provence, Marseille et Nice.
Les élèves retiendront surtout, sans doute, le partenariat du CEPEO avec FC Barcelona, qui organise des camps d’entraînement de soccer à Ottawa pour les jeunes. D’autres ententes novatrices offrent un apprentissage immersif en science de l’espace au Cosmodôme de Laval, en musique à l’Orchestre symphonique d’Ottawa, en théâtre à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins et en STIM au Musée des sciences et de la technologie d’Ottawa, fraîchement rénové.
« Je suis persuadée qu’en éducation, notre devoir est d’ouvrir des voies et de créer des occasions pour que chaque enfant puisse apprendre à se connaître pour s’épanouir, à reconnaître les autres pour apprécier la diversité et vivre l’inclusion, et à créer son histoire en pensant au bien collectif », affirme Édith Dumont. Et de conclure : « C’est ma raison d’être au travail tous les jours. »

Le maire Jim Watson et Édith Dumont lors de la cérémonie de l’Ordre d’Ottawa en novembre 2017. Photo: Ville d’Ottawa
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Édith Dumont avec des élèves et des enseignantes d’une école élémentaire du CEPEO à Ottawa. Photo : CEPEO