Reconstruire des corps, rebâtir des vies

« Nous restaurons non seulement des fonctions, mais aussi un sentiment de bien-être psychologique. En fait, une grande partie de ce que nous faisons concerne la santé mentale. »

— Dre Siba Haykal

Par Stephen Dale

Le domaine de la chirurgie reconstructive est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.

Comme l’explique la Dre Siba Haykal, diplômée de l’Université Ottawa (B.Sc. 2004, M.D. 2007), au premier abord, les chirurgiens reconstructeurs restaurent les membres, les caractéristiques faciales ou d’autres structures physiques endommagés ou mal formés. Durant sa carrière, la Dre Haykal a notamment fait de la recherche de pointe, traité des survivants du cancer et d’accidents en Amérique du Nord, et opéré des victimes de guerre dans le cadre d’une mission internationale en Ukraine.

Cependant, à son avis, les répercussions souvent invisibles de ce travail sont tout aussi importantes que les plus évidentes. « Nous restaurons non seulement des fonctions, mais aussi un sentiment de bien-être psychologique, qui peut changer la façon dont un patient aborde la vie. En fait, une grande partie de ce que nous faisons concerne la santé mentale. »

Cette réalité lui est apparue clairement lors d’une mission en 2014 en Ukraine, organisée par Operation Rainbow Canada, un organisme caritatif faisant appel à des bénévoles qui fournissent gratuitement des services de chirurgie reconstructive partout dans le monde. La mission était dirigée par le Dr Oleh Antonyshyn, un spécialiste de la chirurgie plastique craniofaciale du Centre des sciences de la santé Sunnybrook de Toronto, qui avait enseigné à la Dre Haykal. Elle visait à réparer certaines des blessures catastrophiques subies par des civils non armés lors des manifestations de l’« Euromaïdan » de 2013-2014. Ce mouvement de protestation, qui a fini par entraîner le renversement du gouvernement, a donné lieu à des actes d’extrême violence par les forces de sécurité.

« Bon nombre des patients que nous avons opérés avaient des blessures très graves qui avaient été infligées de façon horrible, se rappelle-t-elle. Je me souviens d’un enfant qui n’était même pas près des manifestations et qui avait reçu de l’acide au visage et subi de graves brûlures. Mais malgré leurs expériences horribles, ces personnes étaient très résilientes. »

Établir une connexion humaine

En plus de passer de nombreuses heures en salle d’opération à restaurer minutieusement les tissus et les os endommagés, les médecins ont tissé des liens personnels avec leurs patients. Un objectif important consistait à amener les patients à prendre conscience du fait que leur reconstruction physique pouvait les aider à restaurer leurs capacités, leurs rêves et leur estime de soi qui avaient été dévastés par la guerre.

La mission a eu plusieurs retombées positives. Les patients continuent de recevoir des soins de suivi, et des spécialistes ukrainiens sont venus au Canada pour perfectionner leurs compétences.

« Les médecins et le personnel infirmier de l’Ukraine ont moins de ressources, mais ils possèdent des compétences extraordinaires », ajoute la Dre Haykal. L’expérience lui a aussi permis de tirer des leçons importantes à son retour en Amérique du Nord, comme d’être simplement reconnaissante de vivre dans un environnement paisible avec un accès aux soins de santé.

Après quelques années de chirurgie reconstructive pour des patients atteints d’un cancer et des victimes de traumatismes à Albany, dans l’État de New York, la Dre Haykal occupe maintenant un poste au Réseau universitaire de santé à Toronto. Elle continuera de travailler comme chirurgienne, mais elle poursuivra également ses recherches dans le domaine du génie tissulaire et de la médecine régénérative.

Plus précisément, elle travaille à la mise au point d’une procédure qui permettra aux patients qui ont perdu une partie de leurs voies respiratoires en raison d’un cancer, d’un trauma ou d’un handicap congénital de recevoir une greffe de trachée sans avoir recours à des médicaments antirejet. Sa méthode consiste à retirer toutes les cellules de la trachée d’un donneur pour ne laisser qu’un échafaudage, puis à repeupler cet échafaudage avec les cellules du patient, ce qui assure la sécurité de la procédure.

La Dre Haykal a reçu le Prix d’excellence – Jeune diplômée 2017 de la Faculté des sciences. Photo : Mélanie Provencher

L’attrait du travail humanitaire

Certains événements apparemment fortuits ont propulsé la Dre Haykal vers cette carrière hautement spécialisée. Par exemple, lorsqu’elle avait 15 ans, elle se souvient que sa mère l’avait invitée à regarder une émission de télévision portant sur Médecins sans frontières.

« L’émission présentait un enfant souffrant d’une grosse lésion englobant son nez, une partie de son visage et probablement une partie de son cerveau, même si je ne comprenais pas les subtilités du problème à ce moment-là, précise-t-elle. Je n’ai jamais oublié le fait que les médecins avaient complètement changé la vie de cet enfant. »

Plus tard, après avoir obtenu un diplôme de premier cycle en biochimie à l’Université d’Ottawa, sa fascination précoce pour la chirurgie reconstructive a refait surface.

« À l’école de médecine de l’Université d’Ottawa, il est possible de suivre, au début, des cours facultatifs à titre d’observateur, souligne-t-elle. Et en observant la Dre Joan Lipa à l’Hôpital général de Toronto, j’ai vu différentes choses, dont la reconstruction d’un sein après un cancer, et j’ai eu une meilleure idée du travail des chirurgiens plasticiens. »

Étoile montante dans son domaine, la Dre Siba Haykal a encore de nombreux défis à relever. Elle espère néanmoins trouver le temps de participer à d’autres missions humanitaires. « Nous pouvons faire une différence dans la vie des gens qui ont beaucoup souffert. Nous pouvons leur redonner espoir. »

La Dre Siba Haykal (deuxième à partir de la droite) travaille aux côtés du DOleh Antonyshyn pendant une mission humanitaire en Ukraine, en 2014.

 

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