Un rocker qui fait bouger
Par Mike Foster
Quand Bob Carver prendra sa Fender Stratocaster pour jouer du Stevie Ray Vaughn avec son groupe Texas Flood au concert-bénéficeRockin4Tabitha le mois prochain, sa musique aura des répercussions à 13 000 km de là, dans un petit village du Cambodge.
Depuis dix ans, Bob et de nombreux autres diplômés de l’Université d’Ottawa ont amassé 238 000 $ pour la Tabitha Foundation of Canada, un organisme sans but lucratif ayant pour mission d’aider les plus démunis du Cambodge à atteindre l’autosuffisance. Ils se sont aussi rendus dans ce pays, où ils ont aidé des villageois à construire 130 maisons. En janvier 2016, les membres du groupe retourneront dans le Sud-Est asiatique armés de leurs marteaux pour souligner leur 10e anniversaire, dans la province de Preah Vihear.
Mais d’abord, l’organisme caritatif Rockin4Tabitha produira le spectacle-bénéfice Raising the Roof au Greenfields Pub à Barrhaven (Ottawa) le 24 septembre prochain. Outre son savoir-faire en boxe thaïlandaise (aussi appelée le muay-thaï) et sa connaissance des arts martiaux du Sud-Est asiatique, Bob Carver est un fervent guitariste de rhythm and blues. Depuis qu’il a obtenu son baccalauréat en éducation physique de l’Université en 1984, il a su mettre ces deux passions à profit.
Anciennement directeur de la N1 Thai Boxing Academy et instructeur de la section nationale de l’entraînement tactique de la GRC, il s’est rendu plusieurs fois en Thaïlande, au Vietnam, au Laos et au Cambodge pour apprendre et enseigner les arts martiaux, mais aussi en touriste. C’est lors d’un voyage à Angkor Wat avec sa femme Wendy, en 2003, qu’il a été saisi par la pauvreté qui sévissait à quelques mètres seulement des grands sites touristiques. En survolant le pays, il a aussi été marqué par la grande sécheresse de nombreuses régions du Cambodge, comparativement à la Thaïlande.
À son retour, un article sur l’œuvre de Janne Ritskes a attiré son attention. Cette femme avait encaissé son épargne-retraite et sorti ses économies pour créer la fondation Tabitha. La fondation Tabitha gère un programme d’épargne qui aide les gens à contribuer à l’achat des articles dont ils ont besoin, autant de menus articles comme des chaudrons ou de la moustiquaire que des biens plus substantiels comme un puits, une école, un hôpital ou une maison. Le Cambodge est un pays complexe, encore marqué des stigmates de la guerre, d’un génocide et de la famine, qui ont emporté des millions de personnes, soit presque une génération entière, entre le milieu et la fin des années 1970.
Séduit par le concept, Bob a commencé à organiser des activités-bénéfices. D’abord un box-o-thon, puis des concerts, qui lui ont permis, en 2006, de se rendre au Cambodge pour bâtir des maisons.
« Les gens que nous aidons sont ceux qui, même aux normes cambodgiennes, n’ont pas les moyens de se bâtir eux-mêmes une maison », explique-t-il. Dans le cadre de ce programme, c’est tout le village qui s’inscrit à la fondation Tabitha et qui décide quelles familles ont le plus besoin d’une nouvelle maison. Le terrain est donné aux familles, qui doivent contribuer à hauteur d’environ 30 $.
« Ce qui frappe le plus, c’est la juxtaposition entre la réalité quotidienne des villageois et la nôtre. Ils sont aussi intelligents que nous et extrêmement créatifs. Et s’ils nous disent qu’ils ne nous oublieront jamais, ils le pensent vraiment, ajoute Bob. Ça ne prend pas grand-chose pour donner à une famille une chance réelle d’amorcer un changement significatif. »

Cette maison a été construite l’an passé à Preah Vihear grâce à des fonds de Rockin4Tabitha.
Le Dr Terry Brennan (M.D. 1985), professeur adjoint de médecine familiale à la Faculté de médicine de l’Université, est allé bâtir des maisons au Cambodge en 2009. Il était accompagné de son père, Terry Brennan père (M.Ed. 1957), alors âgé de 75 ans, de sa femme Brenda et de ses filles, Lauren et Rebecca.
Le Dr Brennan, qui avait déjà travaillé pour des organisations non gouvernementales en Afrique, voulait faire vivre à ses filles une expérience d’aide humanitaire et leur faire connaître la vie dans un pays en développement. Le programme de la fondation Tabitha lui a semblé une valeur sûre.
Le châssis des maisons sur pilotis est construit par des charpentiers locaux, et les bénévoles s’occupent des planchers et des murs.
Le Dr Brennan raconte que les villageois étaient étonnés de voir son père de 75 ans jouant du marteau et participant à la tâche, surtout qu’il est déjà très rare de voir une personne de cet âge au Cambodge.
« La gratitude se lisait sur leurs visages. Ils étaient si reconnaissants que des gens aient parcouru la moitié de la planète pour les aider, se souvient-il. Certes, ils pourraient construire ces maisons sans nous, mais il manquerait le message social et l’expérience si riche qu’ont vécue mes filles à leur retour en Amérique du Nord, ayant vu que les gens ne sont pas pauvres par paresse, mais à cause de la politique et de la dévastation. C’est un investissement à long terme. »
Selon la fondation Tabitha, plus de 12 000 bénévoles de partout dans le monde ont participé à la construction de plus de 9 200 maisons, et près de 350 000 familles ont construit leur propre demeure.
Entre autres diplômés de l’Université d’Ottawa qui ont pris part à l’expérience au fil des ans, mentionnons Paula Piilonen (Ph.D. en sciences de la Terre, 2001), qui en sera à sa huitième maison l’an prochain, ainsi que Nicole Flaxman (B.A. en études classiques, 2010) et Meghan Butler (B.A.Sc. en génie chimique, 2008).
Le spectacle-bénéfice Raising the Roof sera coanimé par les animateurs radio populaires Sarah Freemark et Dylan Black, et mettra aussi en vedette le Johnny Vegas Allstar Band. On peut se procurer des billets en composant le 613-796-2448.
Photo principale :
Bob Carver (en chemise noire à droite) en compagnie d’une équipe de sept bénévoles et de villageois sur le site de la première maison qu’il a bâtie au Cambodge en 2007.