S’adapter pour survivre

Haseeb Awan, assis sur un sofa et regardant la caméra.

Quand on vient de l’étranger pour étudier au Canada, « on ne veut pas simplement y vivre, on veut aussi y exceller. »

— Haseeb Awan

Par Bryan Demchinsky

Pour comprendre l’industrie des services financiers, ces jours-ci, on peut l’imaginer comme un écosystème régi par la notion de « survie du plus apte » où se mesurent les espèces.

L’une de ces espèces est très ancienne : ce sont les banques. Dans le paysage depuis toujours, elles survivent tant bien que mal, tout en sachant qu’elles doivent évoluer pour prospérer.

Une autre espèce est constituée de grosses créatures : les Apple et les Google de ce monde. Plus agiles, on peut les considérer comme les rois de la jungle high-tech, où leur taille et leur puissance les avantagent. De plus en plus, elles veulent ajouter des services financiers à leur régime, en laissant par exemple les clients faire des achats grâce à leur téléphone.

Enfin, une dernière espèce est formée de petites entités toute en souplesse, sorte de sous-bois de l’écosystème, pourrait-on dire. Aussi prolifiques que les lapins, elles se font sans cesse avaler par les plus puissants. Mais attention, elles pourraient bien engloutir les sociétés de service qui ne prennent pas garde! C'est parmi elles qu'on retrouve Marwan Forzley et Haseeb Awan.

Tous deux diplômés de l’Université d’Ottawa en génie informatique, nés à l’étranger, ils ont choisi l’Université d’Ottawa pour parfaire leur éducation. Originaire du Liban, Marwan Forzley a grandi à Ottawa, tandis qu’Hasseb Awan a quitté le Pakistan en 2010 pour s’installer dans la capitale canadienne, où il a obtenu une maîtrise en gestion en ingénierie offerte conjointement par la Faculté de génie et l’École de gestion Telfer.

Motivés par la recherche de solutions

Leur expérience à l’Université d’Ottawa les a incités à trouver un créneau dans le secteur des technologies financières, qui, grâce aux technologies numériques, cherchent à rendre les transactions financières plus faciles et moins coûteuses, que ce soit pour de simples paiements ou pour la gestion du patrimoine. Les deux anciens étudiants se spécialisent dans le transfert de fonds vers l’étranger.

En tant qu’immigrants, ils savent à quel point il est difficile et dispendieux d’envoyer de l’argent ou de faire des paiements à l’étranger. Motivés par la recherche de solutions à ce problème, ils ont voulu faciliter les choses pour les individus et les entreprises, tout en créant des entreprises et des emplois.

Comme le note Haseeb Awan, quand on vient de l’étranger pour étudier au Canada, « on ne veut pas simplement y vivre, on veut aussi y exceller. »

Récipiendaire du prix 2007 du meilleur entrepreneur de moins de 40 ans, attribué par l’Ottawa Business Journal, Marwan Forzley est président-directeur général d’Align Commerce, dont le siège se trouve à San Francisco, avec un bureau à Ottawa. Voici comme il explique son travail :

« Quand on achète un café, on sort de la monnaie ou une carte de crédit de sa poche et on paie sans trop y penser. » Mais quand on veut transférer de l’argent à l’étranger, « on doit penser à toutes sortes de choses : la machine qu’on utilise, le récipiendaire des fonds, les frais à payer, les formulaires à remplir, la rapidité du transfert, les délais, etc. Notre entreprise a pour mission de simplifier le mouvement de fonds dans le monde, pour en faire une transaction aussi simple que l’achat d’un café. »

Ce même principe s’applique à la nouvelle entreprise d’Haseeb Awan, Efani Inc. Tellement nouvelle, en fait, qu’elle ne sera lancée qu’un peu plus tard cette année! Basée à Ottawa, elle permettra à ses clients, pour la plupart de petites et moyennes entreprises, d’assurer le prix qu’elles paient à chaque transaction sur devises. Comme le dollar canadien subit d’importantes fluctuations depuis quelque temps, ce serait très avantageux pour les commerces et les consommateurs qui font des affaires sur les marchés étrangers de jouir d’un taux de change garanti pour les ventes ou les achats qu’ils auront à faire.

Relation symbiotique

Il va sans dire que comparer les services financiers à l’évolution des espèces est un tantinet fantaisiste, mais ce rapprochement a le mérite de souligner le comportement prédateur des entreprises dans le secteur des technologies financières. En témoigne le cheminement même de Marwan Forzley : avant de fonder Align, il a travaillé pour Western Union Digital après que celle-ci ait acheté son entreprise, eBillme. Auparavant, il s’était spécialisé en infrastructure de commerce électronique chez Nokia, après que cette dernière ait avalé sa première entreprise, Vienna Systems.

Est-ce à dire que son entreprise actuelle sera tôt ou tard avalée par une autre? Pas nécessairement, pense le principal intéressé. Il conçoit les liens entre son entreprise et les plus gros joueurs comme une relation symbiotique plutôt que compétitive. Les banques peuvent sous-traiter une part de leurs opérations à des entreprises comme la sienne, ce qui leur évite d’investir dans la main-d’œuvre et l’expertise technique.

Avant de mettre sur pied Efani, Haseeb Awan avait cofondé BitAccess, dont il demeure actionnaire. Cette entreprise est un créateur mondial important de distributeurs automatiques de bitcoins. Haseeb Awan a participé à tout un éventail de jeunes entreprises, ce qui lui a valu le prix de l’entrepreneur immigrant d’Ottawa en 2014.

Le bitcoin et ce qu’on appelle la technologie de la « chaîne de blocs », qui en facilite l’utilisation, sont essentiels à maintes opérations financières techniques. Parce qu’il s’agit d’une devise virtuelle à valeur universelle, le bitcoin permet d’effectuer des transactions transfrontalières « sans friction », car il est moins soumis aux taux de changes et aux diverses complications bureaucratiques. La « chaîne de blocs » est une sorte de grand livre public virtuel des transactions usant le bitcoin formé par des « blocs de données » par ordre chronologique qui assurent la transparence et la sécurité des transactions.

Les atouts d’Ottawa

Grâce à leur rôle de chef de file dans cette industrie, Marwan Forzley et Haseeb Awan ont un avantage compétitif. S’ils sont actifs dans de nombreux pays, ils n’en pensent pas moins qu’Ottawa, et l’éducation qu’ils ont reçue à l’Université d’Ottawa, ont contribué à leur réussite.

Pour eux, Ottawa est une pépinière d’importance pour l’innovation technologique. Ici, la vie est moins chère et on peut faire des affaires à moindre coût que dans la Silicon Valley. « On a pratiquement les mêmes talents, mais les employés sont loyaux et les programmes et octrois du gouvernement nous aident beaucoup », remarque Haseeb Awan.

Marwan Forzley, quant à lui, note le rôle clé joué par les programmes coopératifs de la Faculté de génie pour encourager les apprentis entrepreneurs comme lui à jouer dans la cour des grands. « Au cours de quatre trimestres différents, j’ai été placé dans quatre entreprises différentes, explique-t-il. Cette expérience auprès d’entreprises est inestimable. »

Pour sa part, Haseeb Awan souligne l’apport de ses professeurs dans le développement de ses compétences, en particulier Bruce Firestone, son mentor à l’École Telfer. « Il m’a aidé à comprendre l’entrepreneuriat au Canada. Quand on immigre ici, on a besoin de quelqu’un pour nous aider au tout début. »

Photo principale : 
Haseeb Awan est venu du Pakistan en 2010 pour faire sa maîtrise en gestion en ingénierie à l’Université d’Ottawa et il ne l’a pas regretté. Photo : Kris Krüg

Marwan Forzley seated on stage beside a uOttawa promotional poster that shows students collaborating on a project beneath the words “Imagination, Vision, Innovation.”

Marwan Forzley s’est adressé à un public de l’Université d’Ottawa plus tôt cette année à propos de la façon dont les technologies financières révolutionnent le monde des paiements internationaux. On le voit ici en compagnie de Midia Shikh Hassan (B.Sc.Santé 2014). Photo : Véronique Milo-Gauthier

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