Les secrets d’une sommelière

« Me demander quel vin j’aime le plus? C’est comme me demander lequel de mes enfants je préfère! Ça dépend des jours! »

— Véronique Rivest

 

Par Valérie Charbonneau


Événements spéciaux : Véronique Rivest partagera sa science et son amour du vin lors du souper Étiquette et vins organisé par l’Association des diplômés de l’Université d’Ottawa. Une expérience exclusive en compagnie de la meilleure sommelière au monde et de Julie Blais Comeau, spécialiste de l’étiquette. Soirée en anglais le 26 février et soirée en français le 27 février 2018.


Devenir sommelière est le travail de toute une vie. Pour bien apprivoiser ce métier, il faut d’abord cesser de se préoccuper de l’opinion des autres. Véronique Rivest, gagnante de la 2e place au concours du Meilleur Sommelier du Monde en 2013 et diplômée en études allemandes (B.A. 1988) de l’Université d’Ottawa soutient que c’est en se faisant suffisamment confiance qu’elle a pu exercer ce métier avec succès.

« Il ne faut pas se laisser intimider. J’ai une mission dans la vie et elle est de dédramatiser ce milieu. Il y a eu tellement d’arrogance et de snobisme. Des gens se sont déclarés avoir la science infuse, le vin infus! Mais bien souvent, les personnes qui en parlent en utilisant un vocabulaire pompeux sont celles qui en connaissent le moins sur le sujet. Il faut s’en méfier. »

Tout le monde a le droit de dire « j’aime ou je n’aime pas ». Mais comment déterminer quel vin possède un arôme boisé et quelle boisson est davantage fruitée? En somme, comment s’exercer pour devenir le parfait petit sommelier?

« Apprendre n’est pas difficile et c’est franchement amusant, déclare Véronique. Il faut goûter de façon rigoureuse et structurée. Il faut s’entourer à la fois de ressources comme des livres sur les vins, et aussi d’amis qui connaissent un peu la matière. Le vin rassemble! »

Pour entraîner son nez à reconnaître les arômes, Véronique recommande quelques jeux.

« Par exemple, on peut recycler des pots de yogourts opaques qu’on remplit d’une substance ayant une odeur quelconque : des herbes, du nutella, des fruits, du savon, de la sauce soya, absolument n’importe quoi. Puis, on recouvre les pots d’une pellicule percée de petits trous. On les numérote, les place au centre de la table et on invite les convives à en deviner le contenu par l’odeur. »

Et surtout, n’oubliez pas : le goût demeure profondément individuel.

Voilà! Un peu de pratique et vous deviendrez le meilleur sommelier du monde… ou peut-être pas.

Beaucoup de gens croient que les concours de sommellerie ne concernent que la dégustation du vin, alors qu’elle n’en représente qu’une infime partie.

« L’un des volets en compétition est bel et bien la dégustation. Or celle-ci ne s’arrête pas aux vins, elle s’étend aussi aux spiritueux, bières, sakés et même aux cafés, thés, jus et eaux minérales. Il faut entre autres tenter de déterminer le niveau d’acidité dans un alcool. Or, notre façon de goûter peut être affectée par notre environnement, la région climatique d’un pays et même notre âge, ce qui complique souvent l’exercice. »

Le deuxième volet est l’aspect protocolaire, évalué par des mises en scène pratiques où les concurrents sont mis devant toutes sortes de situations parfois difficiles, parfois cocasses. « Durant l’activité, il faut souvent faire appel à des techniques diplomatiques et à une bonne gestion de la clientèle, et toujours rester professionnelle », explique Véronique.

Le troisième volet, le plus important selon la sommelière, est de bien connaître tout sur absolument tout.

« On doit apprendre toutes les appellations de tous les cépages du monde entier. Il faut aussi avoir une connaissance approfondie des ingrédients et des méthodes de fabrication et détenir de solides notions en matière de gastronomie et de grandes cuisines du monde. Pour vous donner une idée, la France représente à elle seule des centaines d’appellations, de lois et de cépages cultivés dans diverses conditions. Elle est extrêmement complexe. Et maintenant, la Chine est le 5e plus grand producteur de vins au monde! C’est donc dire qu’il faut bien connaître le cépage chinois. »

La mémoire est un muscle qui s’exerce. Et il faut savoir l’entraîner adéquatement, surtout la mémoire olfactive qui, selon Véronique Rivest, est « atrophiée chez le commun des mortels ». Mais ne dit-on pas qu’exercer sa mémoire est la meilleure façon de combattre la vieillesse et d’assurer la régénérescence des cellules du cerveau? Un bon point pour la sommelière!

« Les concours ne sont pas de tout repos. Ils sont archi stressants et demandent un effort de concentration important. Comme la sommellerie est un monde qui évolue de plus en plus rapidement, je dois trouver toutes sortes de moyens pour retenir l’information qui évolue constamment. »

Véronique ne fait peut-être pas des mots croisés pour cultiver sa mémoire, mais elle ne manque certainement pas d’astuces pour pallier l’apathie qui s’empare de plus en plus de notre société gadgétisée.

« J’ai mes petits trucs! Les bleuets sont excellents pour la mémoire, donc je me gave de bleuets! dit-elle en riant. »

L’entraînement intellectuel ne se limite pas à l’alimentation. Cet apprentissage continu passe par une panoplie de lectures, de formations et d’expérimentations.

« Rares sont les jeunes de 27 ou 28 ans qui vont remporter un concours de sommelier. Le métier de sommelier est le résultat de toute une vie d’apprentissage. »

Véronique s’est passionnée pour le vin et la gastronomie en général dès son job étudiant dans un restaurant de l’Outaouais. « Je me suis formée sur le tas, confie-t-elle. J’ai appris dans les livres et je continue cet apprentissage en suivant toutes sortes de formation. »

Plus jeune, elle rêvait d’être étudiante pour le reste de sa vie… Heureusement, son travail de sommelière lui permet de le faire.

Véronique Rivest a réalisé un autre rêve en ouvrant le bar à vin Soif à Gatineau. Teinté de ses préférences personnelles en matière de vins, le bar offre en outre une sélection très diversifiée pour une clientèle prête à goûter à de nouveaux vins.

Les tabourets du bar à vin Soif ont l’aspect des bouchons de liège qui scellent les bouteilles de vin. Crédit photo : Robert Lacombe

« Je ne veux pas offrir des vins qu’on retrouve communément sur toutes les tablettes de la SAQ et dans les restaurants plus commerciaux. Le mot clé est ‘‘découverte’’! Pour ma part, j’aime les choses qui sortent complètement des sentiers battus, des choses bizarroïdes que le commun des mortels n’est pas habitué à boire. C’est un peu pourquoi je me considère comme une ‘‘geek’’ du vin! »

Le bar offre également un menu comprenant bouchées, tartines et petits plats. Bientôt, des formations seront données non seulement au grand public, mais aussi aux professionnels. Si le succès du bar est retentissant, peut-être ouvrira-t-il ailleurs au Québec, au Canada ou dans le monde? « L’avenir nous le dira! répond Véronique. »

Si vous choisissez de visiter son établissement, vous serez peut-être agréablement surpris : Véronique sert parfois elle-même ses clients. Par ailleurs, tous ses employés sont très bien formés, et surtout, passionnés et motivés. Vous serez donc bien informé après avoir posé toutes vos questions.

Sauf peut-être une…

« Me demander quel vin j’aime le plus? C’est comme me demander lequel de mes enfants je préfère! Ça dépend des jours! », répond Véronique en riant de plus belle.

Photo principale :
Véronique Rivest. Photo : Robert Lacombe

Véronique Rivest dans le cellier de son bar à vin Soif, à Gatineau. Photo : Robert Lacombe

Haut de page