Thomas Burelli fait l'objet d'un article dans la publication algérienne El Watan

Faculté de droit - Section de droit civil
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Droit de l'environnement

Par Common Law

Communication, Faculté de droit

Thoms Burelli
Le reportage suivant, avec Thomas Burelli, professeur adjoint et co-directeur du Centre du droit de l'environnement, est paru dans le journal algérien, El Watan, le mercredi 9 novembre 2022.

Écrit par Sofia Ouahib

La Conférence mondiale de l’ONU sur le climat s’est ouverte dimanche et l’enjeu des réparations climatiques des pays du Nord envers les pays du Sud a été officiellement ajouté à l’agenda alors qu’il ne devait faire l’objet que de rencontres annuelles. Quel regard porter sur ce pas «historique»?

C’est définitivement une très bonne nou­velle et un signe d’espoir pour les pays du Sud. C’est aussi une demi-surprise. On pouvait s’y attendre un peu dans la mesure où la COP a lieu en Egypte et donc en Afrique. On pouvait s’at­tendre à ce que certains pays du Sud poussent pour que le sujet soit ajouté à l’agenda. Néan­moins, avant de parler d’un «pas historique» ou non, je pense qu’il va falloir attendre le résultat des discussions. Il y a fort à parier qu’elles ne vont pas être faciles ! Disposer d’un volet pertes et préjudices constituerait finalement le troisième pilier de la finance climatique avec les fonds pour l’atténuation et l’adaptation.

Selon vous, les Etats du Nord vont se battre bec et ongles pour qu’on ne recon­naisse pas leur responsabilité historique. Pourquoi ?

Les Etats du Nord vont se battre pour que leurs responsabilités historiques ne soient pas reconnues tout simplement car elle est acca­blante. On pointe souvent aujourd’hui la Chine comme le principal émetteur de gaz à effet de serre. C’est correct, néanmoins, historique­ment, la Chine n’est pas le principal contribu­teur, loin de là. De plus, par habitant, les émis­sions des Chinois sont largement inférieures à celles des Américains ou des Européens. Sans parler des émissions de consommation (liées à la consommation de biens) qui ne sont pas comptabilisées jusqu’à ce jour. Donc oui, cette responsabilité historique est évidente, mais les Etats concernés ne veulent pas en subir les conséquences juridiques et financières qui se­raient très importantes. Imaginez si les Etats ou régions du monde devaient contribuer à hauteur de leurs émissions historiques. La facture serait très élevée pour les Etats-Unis et l’Union euro­péenne. Ce n’est pas juste, malheureusement c’est la réalité des relations internationales en matière de climat aujourd’hui. Ceci ne signifie pas que les pays du Nord ne paieront pas, mais s’ils le font, ils ne souhaitent pas que cela soit en vertu de leur responsabilité historique. Le président de la COP a d’ailleurs déclaré que l’ajout de ce sujet à l’agenda : «do not involve liability or compensation». Ce n’est pas nou­veau. Dès l’accord de Paris c’était précisé.

La responsabilité des émissions de gaz à effet de serre est commune. Par quel méca­nisme donc déterminer qui doit payer quoi et pour qui ?

C’est par la négociation et la coopération in­ternationale. C’est un des principes du droit in­ternational de l’environnement, il faut tenter de faire en sorte que l’ensemble de la communauté internationale coopère. Il n’y a aucun intérêt à voir un gros acteur quitter les négociations. Cela peut mettre en péril l’équilibre d’un cadre de protection de l’environnement. On peut penser par exemple au retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris. Cela a été un choc et cela a eu des effets sur les négociations internationales, il faut donc encourager et convaincre les Etats à contribuer le plus possible à la résolution du problème. Il faut néanmoins souligner que les pays du Nord n’ont pas non plus intérêt à ne pas soutenir les autres. En effet, les effets des changements climatiques ont des conséquences humaines, économiques et culturelles qui peuvent avoir des effets au-delà des Etats direc­tement concernés. On peut par exemple penser aux déplacements de populations, la perte de cultures agricoles, ou encore la perturbation des chaînes d’approvisionnement.

Une certaine méfiance s’est installée par­mi les pays en développement, du fait qu’une promesse vieille de dix ans n’a pas toujours pas été tenue. Estimez-vous cette méfiance légitime ?

Oui, cette méfiance est parfaitement légi­time. Il y a eu beaucoup de promesses brisées et cela continue. Il ne s’agit pas que des questions financières comme pour les 100 milliards par an promis, mais aussi des engagements en ma­tière de réductions des gaz à effet de serre. Mais je dirai qu’il n’y pas beaucoup d’autre choix que de continuer à y croire et à essayer de rat­traper le retard. On peut espérer que la situation évolue dans le bon sens. En droit international de l’environnement, l’esprit de coopération est fondamental si les États veulent accomplir quoi que ce soit.

Selon vous, est-il possible de juger du suc­cès ou de l’échec de la COP27 sur un accord sur cette facilité de financement des pertes et dommages ?

Ce sera définitivement un des éléments du succès. Ce serait effectivement historique et inattendu. Il y a néanmoins d’autres élé­ments qui permettront de juger du succès ou de l’échec des négociations : par exemple l’actualisation des contributions des Etats en matière de réductions des émissions de gaz à effet de serre ou encore des engagements ou des mesures concrètes concernant la sortie des énergies fossiles.

Pensez-vous que les COP sont condam­nées à ne jamais se terminer ?

Nous en sommes à la 27e. Aujourd’hui, les objectifs qui sont fixés par les Etats le sont pour les années 2030 et 2050. On peut donc s’at­tendre à avoir des COP au moins jusqu’à l’hori­zon 2050 pour assurer le suivi des engagements et le cas échéant les améliorer. Il est en effet très difficile d’imaginer ou même envisager la fin des COP… Au moins tant que les problèmes concernés ne sont pas réglés. Or, ils ne sont pas en passe d’être résolus, loin de là.