CÉPI : le centre phare de l’Université en affaires mondiales joue dans la cour des grands

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Affaires publiques et internationales

Par Karine Fossou

Spécialiste des communications, recherche, Université d'Ottawa

 Illustrtion -Silhouettes aux couleurs des drapeaux intercontinentaux
Geralt
Le Centre d’études en politiques internationales (CÉPI) n’est peut-être pas très connu au pays, mais grâce à la portée et à la qualité de ses recherches et de ses événements sur la gouvernance mondiale et la sécurité internationale, il s’agit aujourd’hui d’un acteur important dans les cercles nationaux et internationaux de la politique

« L’une des plus grandes missions du CÉPI consiste à élever le débat public sur les affaires internationales », explique Rita Abrahamsen, professeure à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa et directrice du CÉPI de 2017 jusqu’à tout récemment.

Pour ce faire, le Centre mobilise les connaissances sur les affaires mondiales et facilite la collaboration entre les chercheuses et chercheurs en affaires internationales des facultés de l’Université d’Ottawa et avec des partenaires au Canada et ailleurs dans le monde, au moyen de réseaux consacrés à cinq domaines : les études asiatiques, la recherche sur les États fragiles, l’économie politique internationale, la théorie internationale et les études de sécurité.

Un positionnement clair en matière de recherche et de politiques publiques

Poursuivant le travail du fondateur, le professeur Roland Paris, et de son successeur, le regretté professeur David Petrasek, qui ont fait du CÉPI l’un des principaux centres de recherche sur les affaires internationales au pays, Rita Abrahamsen s’est concentrée sur les travaux de recherche du Centre. « Je souhaitais réunir des chercheuses et chercheurs aux centres d’intérêt similaires. En plus de promouvoir la recherche, nous voulions faire de la recherche de pointe, explique-t-elle. Notre but était d’asseoir la réputation du CÉPI en tant que centre de recherche de calibre mondial. L’un des principaux débats en politique internationale contemporaine concerne la remise en question de l’ordre international libéral. C’est pourquoi nous n’avons pas tardé à créer un programme de recherche sur l’évolution de l’ordre mondial. »

Le programme de recherche sur l’ordre mondial du CÉPI réunit des universitaires représentant une multitude de disciplines et de perspectives pour étudier les difficultés et les possibilités que présente la création d’un ordre mondial plus démocratique, plus juste et plus inclusif. Montée du populisme et de l’extrême droite, transformations économiques, réalignements géopolitiques… Les projets distincts mais interreliés du programme proposent une analyse globale des enjeux importants sur la scène canadienne et mondiale.

Le CÉPI a d’ailleurs contribué à « Innover pour un monde meilleur », un programme de recherche sur les politiques publiques du Forum pour le dialogue Alex-Trebek, en menant son propre programme-cadre appelé Changement de l’ordre. De concert avec trois autres centres de recherche de l’Université d’Ottawa, il produit de nouvelles idées et politiques pour relever d’importants défis liés à la gouvernance et aux droits de la personne.

Groupe de six femmes posant devant une banière de CIPS-CÉPI
Panélistes de la conférence du 10e anniversaire du CÉPI (2018) De gauche à droite: Amb. S.Sparwasser (RFA), HC N.Smith (Australia), HC S.le Jeune d’Allegeershecque (RU), HC S.UmutoKazimbaya (Rwanda, HC), M. Drohan (The Economist), R. Abrahamsen (CÉPI).

Pleins feux sur l’Afrique

Rita Abrahamsen a intégré les enjeux africains aux programmes de recherche du CÉPI. « Le Canada et sa population s’intéressent trop peu à un continent où se trouvent pourtant certaines des économies les plus dynamiques du monde et la plupart des minéraux nécessaires à nos sociétés modernes, estime cette spécialiste de la politique africaine. L’Afrique est au cœur de la politique internationale et gagnera en importance sur le plan géopolitique ».

Par ses travaux de recherche, dont un rapport sur le Canada et l’Union africaine, le CÉPI souhaite influencer les politiques du Canada vis-à-vis de l’Afrique, y compris le premier cadre stratégique du Canada relativement à ce continent.

Un atelier organisé par le CÉPI au sujet du panafricanisme et de l’Union africaine, dans le cadre du projet du Forum pour le dialogue Alex-Trebek, a permis à des universitaires de l’Afrique, du Canada et de l’Europe de se pencher collectivement sur la place centrale de l’Afrique et son apport à la politique mondiale et de réfléchir aux moyens de rendre l’ordre mondial plus juste et équitable.

L’étude résultant de ces travaux de recherche sera mise en vedette dans Global Studies Quarterly, une revue de l’International Studies Association. Rédigée sous la direction de l’ancienne directrice du Centre, du postdoctorant Farai Chipato et de la postdoctorante Barbra Chimhandamba, la publication, intitulée « The African Union, Pan-Africanism and the Liberal World (Dis)Order », sera également publiée sur le site Web du CÉPI.  

Les enjeux pour la démocratie

L’un des premiers projets de recherche d’envergure conçus sous l’égide de Rita Abrahamsen concernait la montée quasi planétaire des partis et des mouvements d’extrême droite. Ce projet financé par le CRSH a débouché sur la parution récente de l’ouvrage corédigé World of the Right: Radical Conservatism and Global Order

L’ordre mondial et les dangers pour la démocratie et le multilatéralisme ont aussi occupé une place centrale dans un travail mené en collaboration avec deux grands instituts scandinaves d’affaires internationales, lequel a fait l’objet d’un numéro spécial de la revue International Journal en 2019. « Étant des puissances mineures ou modestes, le Canada, le Danemark et la Norvège sont confrontés à des difficultés similaires. L’équipe du projet a analysé les conséquences d’une modification de l’ordre mondial sur ces pays, ainsi que les options et avenues laissant entrevoir des changements positifs », rapporte Rita Abrahamsen.

Sur la scène nationale, le CÉPI a été l’instigateur d’une série d’événements de haut calibre, dont la série de discussions publiques « Voter pour un monde meilleur, organisée avant les élections fédérales de 2019, et qui visait à souligner l’importance des questions de politique internationale dans les élections au pays.

L’un des six événements de la série faisait intervenir des porte-parole en matière de politique étrangère de tous les partis fédéraux, ainsi que des personnalités influentes telles que Rob Oliphant, Erin O’Toole, Elizabeth May et Guy Caron – signe de la réputation que le CÉPI s’est taillée dans les cercles de la politique étrangère.

Main déposant un bulletin de vote marqué Voting for a better world ? avec le drapeau candien en arrière plan
Série de débats pré-éelctoraux du CÉPI (2019) -Voting for a better world ?

Un blogue de réputation internationale 

Le CÉPI s’est doté d’une stratégie de mobilisation des connaissances qui a accru sa visibilité et son influence. Partie intégrante de cette stratégie, le blogue du CÉPI se classe 28e parmi les meilleurs blogues sur la politique étrangère selon Feedspot, aux côtés de noms prestigieux comme Foreign Policy (1er), Brookings Institution (15e) et Carnegie Endowment for International Peace (16e).

Rédigé par des expertes et experts en affaires internationales, il est devenu un forum de premier plan pour les débats sur la politique étrangère canadienne et les enjeux mondiaux. Les sujets qui y sont couverts vont du travail diplomatique du Canada entourant le désarmement aux suites du « Convoi de la liberté », en passant par la coopération internationale en matière de développement et les droits des personnes LGBTQ+ en Afrique.

« Notre blogue a un très large lectorat, au pays comme ailleurs, et la plupart des universitaires que je croise dans mes voyages connaissent le CÉPI, se réjouit Rita Abrahamsen. Il contribue beaucoup au rayonnement mondial du Centre, mais aussi à celui de l’Université d’Ottawa et de nos chercheuses et chercheurs. »

Conférence annuelle sur les idées mondiales

Imaginée en 2021 par Rita Abrahamsen et le professeur Michael Williams, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en pensée politique mondiale et membre du CÉPI, la conférence annuelle sur les idées mondiales est consacrée aux enjeux de la politique mondiale contemporaine.

La première conférence, donnée par Michael Ignatieff, fût consacrée à l’importance de la liberté universitaire et de la liberté d’expression. En 2023, devant un public nombreux, le professeur Olúfẹ́mi Táíwò de l’Université Cornell a présenté la conférence « Africa’s Place in the Global Circuit of Ideas ». Suivie par un vaste auditoire, la série a amplifié les efforts de mobilisation des connaissances du CÉPI.
 

Tourné vers l’avenir avec un nouveau leadership

La formation de la nouvelle génération de chercheuses et chercheurs en affaires internationales est essentielle au mandat du CÉPI. En font partie le colloque étudiant annuel organisé conjointement avec le Centre for International Peace and Security Studies de l’Université McGill et le Centre d’études sur la paix et la sécurité internationale de l’Université de Montréal, ainsi que la publication de Potentia, une revue étudiante d’affaires internationales. « Nos étudiantes et étudiants de cycle supérieur mènent seuls les deux projets, qui leur font apprendre les rouages du monde universitaire. Ils adorent ça et font un travail formidable! », se félicite Rita Abrahamsen.

Le Centre vient tout juste de célébrer son 15e anniversaire, et la professeure Alexandra Gheciu en a pris les rênes. Spécialiste de la sécurité internationale et des relations euroatlantiques, la nouvelle directrice du CÉPI donne le ton pour son mandat : elle organise une première table ronde, qui portera sur la complexité de la guerre en Ukraine et ses répercussions géopolitiques et qui réunira des expertes et experts du secteur militaire et du milieu de la diplomatie internationale.

De l’avis de Rita Abrahamsen, « le CÉPI a acquis une grande notoriété dans le domaine des affaires internationales, et il attire aujourd’hui des chercheuses, chercheurs et universitaires du monde entier – parce que c’est ici que ça se passe ».