Pas un jeu d’enfant : la politique américaine, chasse gardée du troisième âge?

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Fille portant un drapeau américain
Aux États-Unis, la politique, c’est loin d’être un jeu d’enfant. En effet, les élus de la Chambre des représentants auraient en moyenne 20 ans de plus que la population en âge de voter aux États-Unis et tout indique que le président Joe Biden, à 80 ans bien sonnés, briguera un second mandat à la présidence.

Et selon cette nouvelle étude de l’Université d’Ottawa, cette tendance inquiétante porte atteinte à la démocratie américaine et s’accompagnerait d’un désengagement politique chez les jeunes, qui doutent de leurs chances de se faire élire.

Daniel Stockemer, professeur titulaire en études politiques à la Faculté des sciences sociales, et son collègue Aksel Sundström de l’Université de Göteborg se sont penchés sur la désignation et la sélection des candidates et candidats aux primaires américaines et sur l’âge des personnes élues à la Chambre des représentants en 2020. En analysant 1 661 candidatures, ils ont dégagé les facteurs structurels qui jouent un rôle clé dans cette sous-représentation.  

« L’absence relative de jeunes adultes en politique contribuerait à ce que nous appelons le cercle vicieux de l’aliénation politique chez les jeunes, un phénomène marqué par leur faible présence dans les parlements, le manque de participation aux élections et un désenchantement politique, des facteurs qui tendent à se nourrir mutuellement », déclare Daniel Stockemer, titulaire de la Chaire de recherche Konrad-Adenauer en études empiriques de la démocratie.

À 25 ans, Maxwell Frost, le démocrate de Floride élu au Congrès est l’exception qui vient confirmer la règle. Il est l’exemple parfait des jeunes adultes sous-représentés en politique américaine, qui, faute de volontaires et de soutien électoral, voient la population des 18 à 35 ans constituer à peine 10 % des candidatures.

La préférence pour les avocates et avocats, l’absence de plafond de dépenses électorales, la mainmise des politiciens expérimentés dans le domaine et l’avantage des candidats élus : voilà des facteurs qui viennent freiner les aspirations politiques des jeunes.

« Nous voyons un lien clair entre l’âge et ce que nous appelons le capital électoral : l’expérience des campagnes électorales et de la politique, le soutien des partis et la capacité de financer ses campagnes. Les partis attribuent souvent des circonscriptions perdues d’avance à leur frange jeunesse, et c’est un problème », explique Daniel Stockemer, dont les travaux portent sur les grands défis des démocraties représentatives.

Daniel Stockemer, professeur titulaire en études politiques à la Faculté des sciences sociales
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« Nous voyons un lien clair entre l’âge et ce que nous appelons le capital électoral : l’expérience des campagnes électorales et de la politique, le soutien des partis et la capacité de financer ses... »

Daniel Stockemer

— Professeur titulaire en études politiques à la Faculté des sciences sociales

« Dans les campagnes électorales, les jeunes candidates et candidats s’en sortent moins bien que leurs collègues plus âgés. Les élus aux primaires ont en moyenne 54 ans, et à la Chambre des représentants, on parle d’une moyenne de 58 ans. »

Si les jeunes doutent de leur capacité à se démarquer dans l’arène politique, il serait possible de mettre un terme à la domination des politiciennes et politiciens d’expérience en limitant le nombre de mandats, ce qui permettrait à la relève de lutter à armes un peu plus égales.

« Au parti républicain comme au parti démocrate, le pourcentage de candidatures de jeunes par rapport aux candidatures de personnes d’âge mûr est relativement faible. L’âge moyen des personnes sélectionnées était de 51,5 ans, et seulement 11 % du bassin était constitué de personnes de moins de 35 ans. Il serait intéressant d’analyser en quoi l’absence de plafond de dépenses électorales et l’obligation d’avoir 25 ans pour se présenter nuisent aux jeunes aspirant à une telle carrière, » ajoute Daniel Stockemer.

« Dans un sondage mené en novembre 2022, 47 % des personnes répondaient que la politique se porterait mieux si les jeunes générations y participaient davantage. Un autre sondage mené aux États-Unis indique que 9 personnes sur 10 croient que l’âge maximal pour occuper la présidence devrait être de 75 ans.

Daniel Stockemer croit que la pertinence de cette recherche transcende les frontières américaines, pour s’appliquer notamment dans des pays aux milieux institutionnels – et aux systèmes électoraux – différents, et dans les pays dirigés par des dynasties.

Les travaux se basent sur les études suivantes :

« Young adults' under-representation in elections to the U.S. House of Representatives », publié dans Electoral Studies, vol. 81, février 2023. DOI: 10.1016/j.electstud.2022.102554

Youth without Representation: The Absence of Young Adults in Parliaments, Cabinets, and Candidacies. University of Michigan Press, 2022.

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