Protéger 30 d'ici 30 : la nécessité de terres autochtones protégées

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Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique
Faculté des sciences sociales
Arts

Par Matthew Watson

Biologist, PhD Candidate at the University of Ottawa, University of Ottawa

Matthew Watson
Mountains in Canada

30 par 30 est l'une des principales initiatives issues de la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15) qui s'est tenue à Montréal en 2022. Cette initiative vise à désigner 30 % des zones terrestres et marines du monde comme zones protégées d'ici à 2030. Cette initiative revêt un intérêt particulier pour moi, car l'un de mes axes de recherche vise à comprendre comment les zones protégées peuvent contribuer à atténuer les effets du changement climatique sur la biodiversité mondiale. L'objectif "30 d'ici 30" a été l'un des principaux sujets abordés lors de la conférence du Congrès international de biologie de la conservation en 2023, et ma présence m'a donné l'occasion d'apprendre des chercheurs et des biologistes de la conservation du monde entier. J'ai été ravi de constater l'engagement de la communauté internationale à progresser dans la réalisation de cet objectif ambitieux. La conférence a mis en lumière un sujet qui constitue à la fois un sujet de préoccupation dans le cadre de la COP15, mais aussi une opportunité majeure pour la conservation, à savoir la reconnaissance des communautés autochtones en matière de conservation.

Dans le cadre de la COP 15, les garanties en matière de droits de l'homme constituaient un élément majeur du rapport. L'inclusion de ces protections a été largement accueillie favorablement et a permis d'inclure les communautés autochtones dans la prise de décision en matière de conservation. Toutefois, le rapport n'inclut pas explicitement les terres et territoires des peuples autochtones en tant que catégorie distincte de zones protégées. Le premier problème qui se pose est que l'on manque ainsi l'occasion de reconnaître pleinement les contributions des communautés autochtones aux efforts de conservation. Les populations autochtones représentent environ 5 % de la population mondiale, mais gèrent environ 22 % des terres mondiales et protègent plus de 80 % de la biodiversité mondiale. En outre, un rapport portant sur la biodiversité dans les zones non protégées, protégées et gérées par les autochtones au Canada, en Australie et au Brésil a révélé que les terres autochtones abritaient une biodiversité égale ou supérieure à celle des zones non protégées et protégées. L'inclusion des terres protégées autochtones dans leur propre catégorie d'Aires protégées contribuerait grandement aux efforts déployés pour atteindre l'objectif des 30 d'ici à 30 ans, mais surtout aiderait à répondre aux préoccupations de nombreuses communautés concernant leurs droits et leurs pratiques traditionnelles.

De nombreuses communautés autochtones sont encore préoccupées par la "conservation de la forteresse", qui s'est traduite historiquement par le retrait de communautés de leurs terres traditionnelles au nom de la conservation. C'est une question que je connais bien en tant que membre de la Première Nation de Caldwell (Caldwell First Nation), également connue sous le nom de Zaaga'iganiniwag, qui signifie "peuple du lac". En 1920, les membres de la Première Nation de Caldwell ont été chassés de leurs maisons et de leurs terres traditionnelles pour faire place à la création d'un parc national. Près de 100 ans plus tard, des efforts ont été entrepris entre ma communauté et le parc national en vue d'une réconciliation, à laquelle j'ai eu la chance de participer. J'ai fait partie d'un groupe de membres de la Première Nation de Caldwell qui ont collaboré avec le parc national pour rétablir les relations tout en participant aux initiatives de conservation du parc. Grâce à ce processus, la Première Nation de Caldwell a créé son propre service de consultation et de protection de l'environnement, qui gère divers projets axés sur la restauration des habitats et la protection de la faune et de la flore. Actuellement, les droits de la Première Nation de Caldwell d'accéder à ses terres traditionnelles et de s'y livrer à des activités culturelles ont été rétablis.

C'est ce que je considère comme l'avantage que peut offrir la reconnaissance des droits des communautés autochtones et leur participation à des initiatives de conservation. Cependant, de nombreuses communautés autochtones à travers le monde sont encore chassées de leurs terres traditionnelles à des fins d'exploitation minière ou forestière, voire de conservation, ce qui menace leurs moyens de subsistance, leurs pratiques traditionnelles et la biodiversité.

Ayant travaillé avec divers organismes de recherche et communautés autochtones à travers le Canada, j'ai pu constater les avantages que le partage des connaissances et la coopération apportent à la poursuite des efforts de conservation. L'expansion des réseaux mondiaux de zones protégées est essentielle à la conservation de la biodiversité mondiale et peut être facilitée par l'inclusion d'une désignation spécifique pour les terres autochtones protégées. Cette désignation servira à la fois à étendre le réseau de zones protégées, ce qui contribuera aux efforts de conservation, et à garantir une meilleure protection des droits et des traditions des communautés autochtones.

De nombreuses initiatives importantes ont été lancées au cours de la COP 15 dans le but de protéger la biodiversité tout en promouvant les garanties des droits humains. En fin de compte, l'expansion du réseau mondial d'Aires protégées est essentielle pour conserver la biodiversité mondiale et garantir le droit humain à un écosystème sain pour tous. L'absence de reconnaissance des terres et territoires autochtones en tant que catégorie distincte d'aires protégées reste malheureusement un obstacle à la réalisation de ces objectifs ambitieux. Cependant, l'inclusion des communautés autochtones dans les efforts de conservation, la reconnaissance des terres autochtones protégées et le respect des pratiques traditionnelles de gestion des écosystèmes offrent une voie vers des progrès significatifs dans la réalisation de l'objectif 30 d'ici 30.