Les fondateurs du CRCCF ont été des pionniers dans la recherche sur la littérature québécoise et sa promotion. Leurs successeurs ont poursuivi leur œuvre et élargi ce champ à l’ensemble des littératures des communautés francophones minoritaires de l’Amérique du Nord.

Aujourd’hui, la littérature occupe une place prépondérante dans l’axe Culture, avec des travaux portant sur les genres littéraires et des thématiques particulières. Les recherches de cet axe touchent aussi au théâtre, à la chanson, au cinéma, aux études féministes et aux études de genre.

Aperçu des projets en cours

Édition génétique numérique d’un avant-texte de théâtre : French Town de Michel Ouellette

Chercheuse principale : Johanne Melançon, chercheuse en résidence au CRCCF et professeure émérite, Université Laurentienne

Résumé : Ce projet propose de développer le travail d’analyse et de mise en valeur des avant-textes de French Town (1994; prix du Gouverneur général) de Michel Ouellette, ainsi que la réflexion théorique sur le recours aux humanités numériques en lien avec la génétique textuelle, en réalisant une édition génétique numérique du corpus. Il poursuit l’objectif suivant :

  • Réaliser une édition génétique numérique de l’avant-texte d’une pièce de théâtre pour rendre compte des processus de création de la pièce, soit l’écriture et la production de la pièce, en s’appuyant sur deux fonds d’archives principaux : les archives du dramaturge Michel Ouellette (CRCCF, Université d’Ottawa, Fonds P338) et les archives du Théâtre du Nouvel-Ontario (archives de l’Université Laurentienne de Sudbury, Fonds P023).

Ce projet repose à son tour sur quatre objectifs spécifiques :

  • développer l’analyse du dossier génétique de French Town en mettant à contribution les humanités numériques, en particulier la Text Encoding Initiative (TEI ou initiative pour l’encodage du texte) en utilisant le langage de balisage extensible ou langage XML (eXtensible Markup Language) et ainsi contribuer au développement de cet outil d’encodage;
  • développer un modèle d’édition génétique numérique adapté au théâtre en tenant compte du texte et de sa représentation, de même que de différents publics;
  • développer une réflexion théorique concernant le recours aux humanités numériques, en lien avec la génétique textuelle, pour l’analyse et la mise en valeur de documents d’archive liés à la création et à la production d’une pièce de théâtre en milieu minoritaire;
  • renouveler la perspective critique sur une œuvre importante du corpus franco-ontarien en mettant en lumière une dimension encore méconnue, soit le processus de création.

Ce projet consistera donc en une édition documentaire et critique qui prendra modèle sur « des éditions critiques numériques exploitant le médium numérique tout en s’affranchissant d’une volonté d’exhaustivité dans le traitement des témoins » (Duval, 2017 : 16) pour mettre l’accent sur la diffusion des résultats de l’analyse dans une forme accessible et conviviale, adaptée à différents types de lecteurs. L’un des objectifs sera de proposer un ou des parcours de lecture pour favoriser cette accessibilité.

De façon plus globale, cette recherche s’inscrit dans une réflexion qui porte sur la façon dont la génétique peut renouveler notre regard sur les œuvres et sur ce qu’est ou ce que devrait être une édition génétique ou édition critique de dossiers de genèse en format numérique. Elle contribuera à enrichir les lectures de l’œuvre elle-même, voire à suggérer des recherches exploitant d’autres fonds d’archives d’écrivains franco-ontariens ou provenant de d’autres littératures minoritaires en démontrant que l’intérêt d’un corpus n’est pas nécessairement lié à la notoriété de l’écrivain. Elle permettra aussi d’envisager des moyens plus dynamiques et interactifs pour rendre compte du processus de création d’une œuvre dramatique. Enfin, ce projet contribuera au développement des études en génétique et en humanités numériques dans le monde francophone.

Lieux de sociabilité et réseaux intellectuels francophones au Canada, 1910-2010

Chercheuse principale : Lucie Hotte

Financement : CRSH 2019-2025, 211 376 $

Résumé : Ce projet cherche à mieux comprendre le rôle des lieux de sociabilité littéraire dans le développement des littératures franco-canadiennes et leurs fonctions dans le processus de consécration des écrivains minoritaires. Les questions qui orienteront les recherches sont : Où se rencontrent les écrivains franco-canadiens? Où prennent naissance les institutions littéraires alors mises sur pied au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Manitoba ? Qui sont les membres les plus actifs dans ce processus d’institutionnalisation ? Quelle vision de la littérature promeuvent-ils ?

L’objectif principal de ce projet est de mieux comprendre le fonctionnement des lieux de sociabilité littéraire afin d’appréhender comment ils servent aux écrivains à se positionner et à se définir entre eux, dans une région géographique précise, mais aussi à travers le pays. Il s’agira de voir pourquoi et comment ces lieux sont privilégiés et de cerner leur influence sur leurs échanges et la trajectoire des écrivains qui s’y rassemblent. Les fonctions des lieux, le genre d’activités qui y sont tenues seront au cœur de l’analyse et permettront de définir leur valeur symbolique (avant et après la sociabilité littéraire qui y prend forme). Trois moments seront ciblés, soit celui de transition entre les institutions traditionnelles et les institutions modernes (années 1950-1960), celui où les institutions littéraires franco-canadiennes se mettent en place (années 1970 et 1980) et celui où elles se trouvent confrontées à une mondialisation grandissante (années 1990 et 2000).

Ce projet cherchera par ailleurs 1) à préciser et reconceptualiser la notion de lieux de sociabilité en fonction des analyses qui auront été faites durant la recherche car celle-ci reste vague dans les travaux consultés ; 2) à définir, catégoriser et reconstituer les lieux de sociabilité littéraire franco-canadiens; 3) à cerner le capital relationnel qui découle de ces échanges; 4) à comprendre le rôle sociabilitaire des principaux lieux de sociabilité littéraires et leur transformation à la suite de la Révolution tranquille. Trois types de lieux seront étudiés :

  • Les lieux physiques : Centre culturel Aberdeen (Moncton), Centre culturel franco-manitobain (Saint-Boniface), Carrefour francophone de Sudbury, la Nouvelle-Scène et l’Institut canadien-français d’Ottawa (Ottawa), les universités (Ottawa, Moncton, Saint-Boniface et Laurentienne à Sudbury);
  • Les activités de regroupement et la place de la littérature : la Société de conférences et de débats (Ottawa), la Nuit sur l’Étang (Sudbury), le Festival des voyageurs (Saint-Boniface), le Festival franco-ontarien (Ottawa), le Congrès mondial acadien, les salons du livre (Outaouais, Hearst, Sudbury, Dieppe…), le Festival international de littérature de Montréal et le Festival international de poésie de Trois-Rivières.
  • Les revues : LiaisonAstheure, les revues universitaires (Sudbury, Moncton, Ottawa), Cahiers du CEFCOAtmosphères et les revues de création littéraire. Toutes souvent éphémères.

Le but final est de comprendre comment se construisent, se maintiennent ou parfois se dissolvent des communautés d’écrivains minoritaires afin d’identifier la valeur symbolique des lieux, de déterminer selon quelles conditions un lieu de sociabilité assure la continuité d’une communauté, et d’étudier la vie littéraire en fonction des relations sociales concrètes et leur impact sur la vitalité des communautés. Cette étude s'avère cruciale pour mieux comprendre le développement des littératures franco-canadiennes parce qu'elle n'examinera pas que les liens entre les acteurs d'un seul milieu, mais aussi les rapports que les acteurs d'une région entretiennent avec ceux des autres régions, incluant le Québec.

La littérature québécoise contemporaine à l’épreuve de l’histoire (2000-2015)

Chercheur principal : Sylvain Schryburt

Résumé : Si l’histoire littéraire du contemporain a longtemps été une tache aveugle de la critique, elle a été problématisée et étudiée en France comme au Québec depuis quelques années. Comme le soulignent régulièrement les chercheurs, l’étude de la littérature contemporaine pose son lot de problèmes. Comment observer avec une juste distance ce qui se joue au plus près de soi? Comment choisir, au sein de la multiplicité des textes et des voix, les œuvres qui ont le potentiel de marquer la mémoire collective? Si ces questions demeurent souvent sans réponses, tant sont subtils et hasardeux les mouvements qui mènent à la mémorialisation des œuvres, elles n’en sont pas moins sous-jacentes à toute entreprise vouée à historiciser le présent. Partant de ces interrogations et de ces constats, ce projet prend place dans le contexte du développement des études littéraires sur le contemporain et plus particulièrement de l’essor de travaux de recherche visant à cerner la spécificité de la production littéraire québécoise actuelle.

En dépit de son incontestable vitalité, la littérature québécoise du xxie siècle, n’a pas encore donné lieu à la rédaction d’une synthèse critique reposant sur la lecture de l’ensemble des textes des quinze dernières années. De fait, rares sont les historiens de la littérature qui osent aborder les productions contemporaines sans évoquer les pièges inhérents à une telle entreprise. Trop abondante, trop diversifiée, n’ayant pas subi l’épreuve du temps, la littérature contemporaine résisterait au regard critique et, surtout, se prêterait mal au jeu de la périodisation et de la mise en récit propres à l’histoire littéraire. L’objectif principal de cette recherche est justement d’aller à l’encontre de cet a priori général en proposant une histoire de la littérature québécoise de 2000 à 2015 qui soit aussi une topographie. Cette démarche, tenant compte des aléas et des apories d’une telle entreprise, visera non seulement à reconstituer des filiations intellectuelles et des rapports d’intertextualité – la mémoire des œuvres en somme –, mais aussi à cartographier les nouveaux lieux de la pratique littéraire et les spécificités esthétiques qu’ils esquissent.

Dans le cadre du premier volet de la recherche, auquel nous nous consacrerons au cours des deux premières années du projet, nous mènerons une réflexion critique sur la discipline de l’histoire littéraire du contemporain. Le deuxième volet théorique de la recherche s’attachera à l’imaginaire des lieux, à la fois en analysant l’impact de cette notion dans les textes et en retraçant les nouveaux lieux d’exercice de la pratique littéraire et de la mise en scène de la dramaturgie québécoise. Il s’agira de repenser la discipline de l’histoire littéraire en reconfigurant ses catégories traditionnelles (mouvement, écoles, genres, tendances, etc.) à la lumière des nouvelles structures mises en place dans le champ éditorial depuis le début des années 2000 (nouveaux réseaux de sociabilité, revues et maisons d’édition, troupes et lieux de théâtre; apport du numérique; transformation de la critique médiatique et professionnalisation de la critique universitaire, création de centres de formation et de diffusion du théâtre, fondation de lieux de formation des dramaturges, nouvelles politiques culturelles, essor de l’enseignement de la recherche-création dans les universités canadiennes, entre autres).

Pour en finir avec la contre-culture settler : place aux contre-cultures littéraires autochtones

Chercheuse : Isabelle Kirouac Massicotte

Financement : University Research Grant Program, Université du Manitoba, février 2021- août 2022

Résumé : À ce jour, on a surtout étudié la contre-culture d’un point de vue occidentalocentriste et colonialiste, et ce sans reconnaître l’appropriation culturelle qui la caractérise pourtant, qu’il s’agisse des nombreux emprunts superficiels aux spiritualités orientales (Roszak 1995 [1969]) ou encore de l’adoption artificielle de modes de vie autochtones, que l’on a qualifiée, à tort, de « retour à la nature » (Deloria 2013). La contre-culture, dans sa signification véritable de remise en question des structures oppressives de la vie (le Blanc 2014), est intrinsèquement liée aux prises de parole autochtones des années 1970 et 1980. Pour Emma LaRocque (Crie/Métisse), puisque les littératures autochtones, en tant que forme d’expression collective, n’étaient pas possibles avant les années 1970 (2010 : 19), les écritures autochtones seraient l’histoire d’une contestation stratégique (2010 : 24). Avec ce projet, j’espère parvenir à déconstruire la contre-culture settler et à esquisser les contours de ce que sont les contre-cultures littéraires autochtones.

Pour ce faire, mon travail se déclinera en deux temps. Il s’agira premièrement d’exposer l’angle-mort colonialiste de la contre-culture au Québec qui, fortement influencée par les écrits partipristes qui la précèdent, est en grande partie déterminée par le nationalisme blanc franco-québécois, tel qu’on le retrouve notamment chez Victor-Lévy Beaulieu. Le « courant nationalitaire » (Rochon 1979) conditionne effectivement une frange importante de la production littéraire contre-culturelle québécoise, et mon hypothèse est qu’il est à l’origine de l’aspect profondément contradictoire et problématique de cette dernière. C’est à partir de cette transition que je m’acheminerai vers la deuxième partie de mon travail, plus importante, où je m’attacherai à présenter Eukuan nin matshi-manitu innushkueu Je suis une maudite sauvagesse (1976) et Tanite nene etutamin nitassi? / Qu’as-tu fait de mon pays? (1979) d’An Antane Kapesh (Innue) comme textes fondamentaux de la contre-culture autochtone au Québec. Dans l’objectif de proposer des motifs littéraires contre-culturels autochtones, je ferai dialoguer l’œuvre de Kapesh non seulement avec la pensée de LaRocque, mais aussi avec les grands textes de la période contre-culturelle, notamment The Unjust Society (1969) de Harold Cardinal (Cri), Halfbreed (1973) de Maria Campbell (Métisse), Bobbi Lee (1975) de Lee Maracle (Sto:lo), et Prison of Grass (1975) de Howard Adams (Métis).

Autour de Gilles Provost : faire l’histoire des théâtres francophones des deux rives de l’Outaouais

Cochercheuses principales : Lucie Hotte et Anne-Sophie Fournier-Plamondon

Financement : Programme d’appui à la francophonie canadienne, Secrétariat aux relations canadiennes, 2021-2023, 40 000 $

Résumé : Ce projet de partenariat entre le CRCCF, le Laboratoire de recherche sur les cultures et les littératures francophones du Canada et la Société québécoise d’études théâtrales, avec la collaboration de BAnQ Gatineau, a comme objectif de documenter et analyser l’apport de Gilles Provost (1938-…) au développement du théâtre francophone sur les deux rives de l’Outaouais. Gilles Provost est à l’origine de la professionnalisation du théâtre franco-ontarien, dont l’avènement se produit dans les années 1960. Pendant ses 60 ans de carrière, il a œuvré au développement d’un théâtre professionnel en Outaouais et en Ontario, en faisant découvrir au public des auteurs, des comédiens et des metteurs en scène francophones de la région. Ce qui ressort de sa très riche trajectoire est son engagement dans les milieux culturels tant québécois qu’ontariens. Il incarne un lien vivant entre deux communautés francophones, celle du Québec en situation majoritaire et celle de l’Ontario en situation minoritaire.

En 2019, Gilles Provost a confié ses archives au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa (CRCCF). Ce fonds vient compléter celui déposé en 1981 à Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Gatineau (BAnQ Gatineau). D’une richesse exceptionnelle, ces fonds d’archives contiennent des informations sur les productions théâtrales auxquelles il a participé ainsi qu’une abondante documentation sur les différentes compagnies de théâtre avec lesquelles il a travaillé ou qu’il a dirigées. Les archives de Gilles Provost révèlent son engagement individuel dans le milieu des arts en Outaouais et en Ontario. Plus largement, elles témoignent de l’importance du théâtre dans le développement de la culture des communautés francophones, qu’elles soient ou non en situation minoritaire. Or ces archives et les contributions de Gilles Provost à l’histoire du théâtre francophone canadien demeurent encore largement méconnues. En bref, le projet cherche à promouvoir une meilleure connaissance des théâtres francophones en Outaouais et en Ontario.

Tabaret

Vous souhaitez appuyer les activités du CRCCF?

Le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) compte sur l’appui de généreux donateurs pour mener à bien sa mission. Les dons servent à financer nos activités et nos programmes de bourses de maîtrise et de doctorat, à mettre en place un programme de bourses de mobilité pour les chercheurs et à accélérer le traitement des fonds d’archives.
Faites un don au CRCCF