Transcription Balado uOCourant

Saison 3, Épisode 2

Gwen Madiba :   

Bienvenue à uOCourant un balado informatif inspirant et divertissant produit par l'Université d'Ottawa.

Bonjour, je suis Gwen Madiba, animatrice de l'émission et fière détentrice de deux diplômes de la Faculté des sciences sociales, et je suis aussi présidente de la Fondation Equal Chance.

Le but de uOCourant est de vous faire connaître des chercheurs, chercheuses et diplômés à l'avant-garde de leur domaine et d'avoir avec eux des discussions stimulantes sur les sujets du moment.

La troisième saison de uOCourant se concentrera sur l'industrie du divertissement avec des conversations sur le cinéma, la musique, la téléréalité, les tendances technologiques et plus encore.

De Montréal à Toronto, en passant par la Californie et au-delà, nous parlerons à des diplômés qui sont au cœur de l'industrie du spectacle. Notre diplômé invité aujourd'hui, Philippe Falardeau, et l'un des cinéastes contemporains les plus appréciés au Canada. En tant que réalisateur québécois, il a connu le succès au niveau national et international. Notre conversation explore tous les aspects de sa capacité à réaliser des films dans les deux langues officielles et à créer des œuvres d'art qui divertissent et encouragent la réflexion.

Philippe est né à Hull et a étudié les sciences politiques à l'Université d'Ottawa, puis les relations internationales à l'Université Laval, à Québec. Après ses études, il participe à l'émission La Course destination monde, où il doit réaliser 20 courts métrages lors d'un voyage en solitaire dans 19 pays. Il gagnera l'édition 92-93, ce qui le propulsera définitivement dans le monde du cinéma. Il a été reconnu très tôt en tant que réalisateur. Son premier long métrage, La Moitié gauche du frigo, a notamment gagné le prix de la meilleure réalisation pour un premier film canadien au Festival international du film de Toronto en 2000.

Par la suite, il remportera cinq Jutra, dont celui du meilleur film avec Congorama. Avec la sortie de son quatrième long métrage, Monsieur Lazhar en 2012, il a reçu une reconnaissance internationale. Le film est distribué dans une cinquantaine de pays et remporte une vingtaine de prix sur la scène internationale et obtient même une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. À la suite de ce succès, il sort trois grands films en anglais The Good LieThe Bleeder et plus récemment My Salinger Year en 2020, en collaboration avec des acteurs hollywoodiens de renom tels que Reese Witherspoon, Liev Schreiber ou encore Sigourney Weaver.

Son dernier projet, qu'il a récemment terminé de tourner en français, Le temps des framboises, sera sa première série télévisée.

Comment ça va Philippe ?

Philippe Falardeau :

Très bien, merci ! Toi-même ?

Gwen Madiba :

Ça va très bien ! Philippe, merci de nous rejoindre aujourd'hui de Montréal. J'apprécie vraiment le temps que vous preniez, car je sais que vous êtes très occupé par vos tournages. Alors, pour commencer la conversation d'aujourd'hui, j'ai une question un peu philosophique pour vous en tant que réalisateur. Alors, que signifie le divertissement pour vous ?

Philippe Falardeau :

C'est curieux parce que j'ai eu une conversation avec mon frère récemment à propos du divertissement. On discutait sur la pertinence des films qu'on regardait et il me disait : « moi, ce n’est pas compliqué, quand je vois un film, je veux être diverti ! », et personnellement, je cherche quelque chose qui va un peu plus loin que le divertissement quand je regarde des films et à l'inverse, quand je fais un film, j'essaie d'offrir quelque chose qui va au-delà du divertissement. Le divertissement, ça peut être très large.

Ça peut inclure regarder un match de foot à la télé ou lire un livre. C'est pas forcément non plus du domaine culturel. Quand on veut être diverti, si on veut faire quelque chose ou écouter une histoire qui nous permet de nous évader un peu de notre quotidien et c'est la culture et le cinéma, la littérature peut faire ça. Je pense qu'elles ont aussi le pouvoir d’aller beaucoup plus loin que ça et nous faire miroiter le monde dans lequel on vit. Questionner des choses qui sont d'actualité, questionner le passé et explorer le futur. Donc, pour moi, le divertissement est quelque chose de très large. Mais quand on rentre dans le domaine de la culture, personnellement, je pense qu'il faut y ajouter une composante de réflexion qui porte un regard sur le monde dans lequel on vit.

Gwen Madiba :

Merci de partager ça, Philippe. Ayant grandi à Hull, à la frontière entre le Québec et l'Ontario, en plus de fréquenter une université bilingue comme l'Université d'Ottawa, vous avez dû très vite faire l'expérience de la navigation entre les espaces français et anglais. Pouvez-vous donc nous dire comment vous avez réussi à concilier vos projets à Hollywood et au Québec ? Et est-il important pour vous de continuer à accepter des projets en anglais et en français ?

Philippe Falardeau :

Oui, je suis… J'ai grandi dans l'Outaouais où il fallait être bilingue par défaut pour pouvoir interagir, mais aussi pour avoir son premier emploi à 16 ans, il fallait être bilingue. Moi, j'ai travaillé comme placeur au Centre national des arts pendant deux ans. Ensuite, sur la colline parlementaire, comme guide à l'édifice de l'Est. C'était inconcevable de penser se trouver du travail si on n'était pas bilingue.

Je n'étais pas super bon en anglais et c'est ma prof d'anglais de l'école secondaire qui m'avait forcé à prendre des cours enrichis et je voulais, je voulais rester dans les classes d'anglais normal ou dites entre guillemets faibles et elle a dit : « Non, non, non, tu t’en vas en anglais fort ». Elle m'a poussé dans le dos et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, je pense je peux travailler en anglais.

Maintenant, pour ce qui est des projets en anglais, comme cinéaste, c'est arrivé un peu par accident. J'ai tourné des films en français au Québec, à Montréal et parce que Monsieur Lazhar a eu une résonance internationale et a été sélectionné aux Oscars, tout à coup j'ai eu des gens qui ont été intéressés à mes services pour réaliser des films aux États-Unis.

 Et parce que j'avais la capacité de m'exprimer en anglais et de diriger les acteurs en anglais et une équipe en anglais, j'ai dit oui, d'autant plus que c'était des scénarios qui me touchaient d'une part, et d'autre part, je suis quelqu'un qui est très lent. Quand j'écris mes propres films, en français surtout, et là, ça me permettait de réaliser davantage de films sans avoir à attendre deux ou trois ans, le temps que ça me prend normalement pour écrire des films. Donc ce n’est pas quelque chose que j'avais planifié.

 Certainement pas à l'époque où j'habitais dans l'Outaouais, parce que je ne savais même pas que j'étais pour devenir un réalisateur à l'époque. J’ai étudié en sciences politiques, ensuite je suis allé poursuivre mes études à l'Université Laval en relations internationales et c'est une succession « d’événements accidents » qui ont fait que j'ai abouti dans le monde du cinéma.

Gwen Madiba :

Tout à l'heure, vous parliez de faire miroiter et de réfléchir, de faire réfléchir les gens et d'aller un peu au-delà du divertissement. J'aimerais vous parler du premier film en anglais que vous avez fait en 2013 avec une star d'Hollywood, Reese Witherspoon, nommé The Good Lie et qui suit la vie de réfugiés soudanais qui se réinstallent aux États-Unis. Parce qu'à bien des égards, mettre en vedette de vrais réfugiés du Sud-Soudan, ce n'est pas le genre d'histoire qui se fait souvent à Hollywood.

Le sujet de la réinstallation des réfugiés revêt également une grande importance pour la communauté de l'Université d'Ottawa. Le Carrefour des réfugiés de l'Université d'Ottawa, dirigé par la professeure de droit Jennifer Bond, continue de montrer l'exemple au niveau international. Il vise ainsi à atténuer la crise mondiale de la relocalisation en étendant à d'autres pays le modèle canadien de parrainage privé qui a fait ses preuves. Pouvez-vous nous dire en quoi la réalisation de ce film et le partage de cette histoire importante sur les réfugiés soudanais vous ont marqué ?

Philippe Falardeau :

Cette histoire-là commence presque vingt ans plus tôt, au milieu des années 90, alors que je commençais à faire un peu de réalisation. J'étais aussi, je travaillais à l'Office national du film et j'ai une collègue qui m'a demandé d'aller au Soudan, Sud-Soudan avec elle pour l'aider à réaliser son documentaire sur la famine là-bas. C'était pendant la guerre entre le Sud-Soudan et le Nord et j'ai accepté. Et c'est un voyage qui a quand même changé beaucoup de choses dans ma vie.

J'ai vu d'abord la guerre de près, ensuite la famine de près. J'ai vu des gens mourir, des enfants mourir. J'ai vu des enfants de mères Dinka seuls avoir perdu leurs parents marcher pour essayer de se réfugier en Éthiopie. Et, tout cela était dans le cadre d'un petit film qui s'appelle Attendre, qui est d'ailleurs toujours disponible sur le site de l'Office national du film. Et vingt ans plus tard, on me fait lire un scénario qui est inspiré de la marche de ces enfants-là.

On a fini par les appeler The Last Boys of Soudan, qui est un nom un peu injuste parce qu'il y avait autant de filles que de garçons, et qui racontait l'histoire de réfugiés qui ont fini par atterrir aux États-Unis dans des contextes souvent assez difficiles, déracinés. Et moi, ça me touchait parce que j'avais vu ces enfants-là à l'époque où ils étaient des enfants, où ils étaient, où leur famille avait été décimée par la guerre. Et quand on avait été tourner, on avait dû être évacués parce qu'il y avait une armée rebelle, un peu hors de contrôle qui s'en venait dans notre direction.

On n'avait jamais pu terminer correctement le projet, en tout cas le tournage. Et en lisant ce scénario, 19 ans plus tard, je me suis dit : « Ah ! Voilà une façon peut être, de conclure ou de finir le travail amorcé », mais cette fois-ci en fiction ; Et en fiction, souvent on a la chance de pouvoir rejoindre un plus grand public et parce que c'était fait à Los Angeles, financé à Hollywood, ça prenait une star. C'est comme ça que le cinéma se finance aux États-Unis. Ça prend des comédiens connus. Ils n'ont pas de système de financement comme au Canada, qui est public. C'est par la vente des films sur la base des Stars, qui jouent dans le film, qu'on finance un film. Et donc, on a eu l'occasion d’intéresser Reese Witherspoon dans un petit rôle qui n’était pas le rôle principal, ce qui a permis la réalisation de ce film dans un contexte où effectivement Hollywood on s’intéresse rarement à ces histoires là quand elles sont racontées du point de vue des réfugiés. On s’intéresse à ces histoires là quand elles sont racontées du point de vue des blancs mais rarement quand elles sont racontées du point de vue des réfugiés ou des africains. Et c’était le cas dans ce film, en tout cas c’est ce que j’ai essayé de faire en commençant le film en Afrique, en suivant les enfants pendant la guerre et en continuant de suivre leur périple aux Etats-Unis.

Gwen Madiba :

C’est vraiment superbe ! C’est vraiment génial de voir que vous êtes en mesure de prendre cette position et de donner une voix aux gens qui sont souvent sans voix !

Philippe Falardeau :

Il y avait une particularité dans le film, vous l’avez mentionné tout à l’heure, c’est que les acteurs, c’étaient des acteurs non professionnels qui étaient des enfants ou eux-mêmes des réfugiés de la crise soudanaise et, effectivement ça a du prendre un peu de, en fait, j’ai dû mobiliser beaucoup d’efforts pour convaincre les producteurs d’accepter çà. Comme je vous ai expliqué, le financement des films se fait souvent sur la base de la distribution, du casting, mais je leur ai di que ce n’aurait pas été crédible d’avoir des africains-américains dans le rôle de ceux sud-soudanais, ils ne se ressemblent pas du tout. Les sud-soudanais sont très, très, très grands et ils ont une morphologie très particulière et une façon de parler qui est très particulière et je pense qu’il fallait aussi avoir des vrais réfugiés avec nous pour nous guider dans la réalisation.

Moi, j’avais besoin d’avoir leur point de vue, même si j’étais la personne qui, au final, décidait de la mise en scène, de tout. Bien, je les aie interrogés sur leur vie et j’ai utilisé ce qu’ils me racontaient et je l’ai mis dans le film. Par exemple, il y a une scène ou ils arrivent dans leur nouvel appartement à Kansas City. Ils sont habitués, eux, depuis qu’ils sont enfants de dormir souvent à la belle étoile et là tout d’un coup ils se retrouvent dans un petit appartement et dans des lits superposés alors ils prennent les matelas et les installent sur le sol dans le salon pour dormir ensemble comme s’ils étaient à la belle étoile. Et ils s’endorment en chantant des chansons. Ça, ce n’était pas dans le scénario mais c’étaient des histoires qu’ils me racontaient et que j’ai intégré au scénario car c’était important pour moi de travailler avec des vrais réfugiés.

Gwen Madiba :

Oui c’est superbe çà ! Ça me fait penser qu’ici, même à Ottawa il y a des réfugiés ici qui sont sans abris, qui sont en logement temporaire et puis ils viennent de l’Ethiopie et du Soudan et certains du Tchad aussi et ils font la même chose. Ils installent leur lit dans le salon et puis toute la famille elle est là. C’est beau à voir souvent quand, on va, on voit, qu’au-delà des circonstances, ils réussissent quand même à recréer un petit chez soi.

Philippe Falardeau :

Tout à fait ! Le drame du film c’est que d’une façon on a sauvé, peut-être, leur vie en les accueillant en Amérique du Nord et d’une autre façon on a tué ce qui leur avaient permis de survivre, c’est-à-dire qu’ils étaient toujours ensemble. Et là, en arrivant en Amérique du Nord, on leur dit là il faut se séparer, et il faut aller à l’école et il faut aller travailler chacun de son côté. Et pour eux, c’est de perdre leurs repères et de perdre l’outil principal qui leur avait permis de se maintenir en vie pendant la guerre.

Gwen Madiba :

Votre plus récent long-métrage mettant en vedette Margaret Qualley et Sigourney Weaver a ouvert la Berlinale en 2020 juste avant le début de la pandémie. Comment cela s'est-il passé et pensez-vous que cette dernière année et demie a changé la façon dont l'industrie cinématographique fonctionnera à l'avenir ?

Philippe Falardeau :

La première partie de votre question, effectivement c’est un contexte particulier, sauf que quand on est allé à Berlin, on sentait la pandémie de plus en plus importante mais on n’avait pas encore franchi le mur ou tout à coup tout fermait, les vols étaient bloqués. Curieusement, deux semaines avant la fermeture de l’univers, j’étais en train de serrer des mains le soir de ma première, j’ai dû serrer 800 mains.

Il y avait 2200 personnes dans le cinéma. C’était une expérience un peu surréaliste dans le contexte d’aujourd’hui et d’une certaine manière, je suis chanceux d’avoir vécu çà, d’une autre façon ça a un peu tué le lancement du film après parce que le film est sorti un peu dans l’anonymat. Presque un an plus tard, dans le contexte de la pandémie c’était surtout du vidéo sur demande. Mais ne même temps je me disait, si nos films peuvent permettre aux gens qui sont confinés à la maison de continuer d’avoir une fenêtre sur le monde, tant mieux.

Donc pour ce qui est du modèle de distribution et modèle de diffusion, je ne pense pas que la pandémie a provoqué çà, je pense que la pandémie a accéléré un phénomène qui était déjà visible. L’arrivée des plateformes numériques précède de loin la pandémie et le cloisonnement du public, alors je pense qu’il va y avoir une coexistence des différentes manières de regarder les films.

Je pense qu’il va y avoir toujours un public qui va préférer aller au cinéma et pour certains films, le prochain film de Denis Villeneuve, Dune, je ne veux pas voir ça sur mon écran d’ordinateur, je veux voir ça sur grand écran.  Et d’autres films qu’on est peut-être plus enclin à vouloir voir dans le confort de sa maison. Je pense que tous les formats de diffusion vont pouvoir coexister dans le futur. Mais ça veut dire que certains petits films ne sortiront plus en salle parce que ça implique des coûts de distribution et de publicité qui ne seront plus possibles pour certaines productions.

Gwen Madiba :

Alors aujourd’hui nous avons une question pour vous aujourd'hui de la part de, Papa Orleans-Minnow, qui a obtenu un Baccalauréat en psychologie de la Faculté des Arts à l’Université d’Ottawa et est un écrivain et producteur basé à Toronto. Il est aussi animateur du podcast à succès "Pops Culture", une émission hebdomadaire axée sur la musique, le sport et les actualités dans le monde du divertissement.

Bonjour Papa, ça va bien ?

Papa Orleans-Minnow :

Oui ça va bien, merci de me joindre.

Philippe Falardeau :

Bonjour Papa !

Papa Orleans-Minnow :

Bonjour Philippe ! La télé nous dit que les réalisateurs disent "action", mais quel est le rôle du réalisateur dans le processus de réalisation d'un film au quotidien, et comment vous assurez vous que la vision de votre film prenne vie?

Philippe Falardeau :

C’est une bonne question ! D’autant plus que personnellement je ne dis jamais « Action ». C’est l’assistant réalisateur qui dit « Action » pour démarrer l’action et moi je dis « Coupez » parce que c’est plus important de savoir quand arrêter la scène ou la laisser se poursuivre que de dire « Action ». Action commence toujours au même endroit, tout le monde, çà c’est facile, « Coupez » des fois il faut savoir, avoir l’instinct pour comprendre que les acteurs sont dans une émotion ou même s’ils ont fini de dire leurs dialogues, il se passe encore quelque chose émotivement donc c’est vraiment la responsabilité du réalisateur de dire « Coupez ».

Mais au-delà de ça, je dirais que pour résumer, quand vous regarder un film tout ce qui est dans l’écran, tout ce qui n’est pas dans l’écran, toutes les couleurs qui sont dans l’écran, la façon dont les gens sont coiffés, la façon dont les gens bougent, le ton sur lequel ils parlent, la vitesse à laquelle ils s’expriment. Tout se passe dans l’écran est de la responsabilité du réalisateur ou de la réalisatrice pour que ce soit cohérent, pour que ça n’ait pas l’air d’un disque de vinyle qui saute parce que tout d’un coup on passe d’un univers à l’autre qui est incohérent, bien le réalisateur ou la réalisatrice c’est la personne qui doit avoir le film fini dans sa tête.

Quand on fait un film, on le fait dans le désordre. On ne tourne pas un film dans l’ordre, on tourne un film en fonction de la disponibilité des lieux de tournage, des horaires des comédiens, etc. Donc c’est comme de fabriquer des morceaux de puzzle indépendamment. Il faut savoir quelle est l‘image finale du puzzle. Donc c’est le réalisateur qui doit avoir ça toujours dans sa tête. Par exemple, si je fais une scène au restaurant entre 2 protagonistes, et que dans la scène juste avant, une des deux personnes venait d’avoir une mauvaise nouvelle, les deux ne peuvent pas être en train de rigoler au restaurant. Je dois rappeler à l’un des acteurs ou des actrices : « Souvient toi dans la scène juste avant tu vas vivre quelque chose de très émouvant donc tu vas être dans tel état ». Donc c’est de la responsabilité du réalisateur de voir à ce que la courbe dramatique du film soit maintenue même si on fabrique le film dans le désordre et en faisant des toutes petites parties à la fois. Donc un même scénario réalisé par deux personnes différentes va donner forcément deux films complétement différents.

Et pour terminer, je vais vous donner juste l’exemple. Parfois on a juste l’impression que les films sont tournés spontanément sur place, mais si je tourne une scène avec quelqu’un qui mange dans un restaurant, les gens derrières le restaurant en arrière de lui font partis de la mise en scène, les cadres sur le mur sont choisis en fonction d’une esthétique, les sons qu’on entend à l’extérieur sont rajoutés en montage pour créer une atmosphère. Tout est toujours construit, donc finalement, tout ce que vous regardez dans le rectangle de votre télé ou de votre ordinateur ou de votre téléphone, ou du cinéma a été décidé par le réalisateur ou la réalisatrice.

Gwen Madiba :

Philippe, merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à la question de Papa ! Alors, j’aimerais terminer la conversation d'aujourd'hui par une question que nous poserons à tous nos invités cette saison. Qu'est-ce qui vous divertit en ce moment ?

Philippe Falardeau :

Ça c’est une grande question ! Je viens de terminer un tournage de 69 jours pour une série télé au Québec, et c’est un marathon, 14 heures par jour, et là en ce moment ce qui me divertit c’est d’être assis sous un arbre à lire des livres et je lis un livre formidable qui s’appelle Barbarian Days de William Finnegan qui sont les mémoires d’un américain qui a été surfer toute sa vie et qui a aujourd’hui 70 ans et a commencé à surfer dans les années 70.

Et ce qui est formidable dans le livre c’est qu’on n’a même pas besoin d’être intéressé ni par le surf, ni par la mer ni par les vagues, c’est la façon dont il raconte sa vie et son tour du monde où il a cherché les plus belles vagues au monde est quasi philosophique. C’est un livre qui a remporté le prix Pulitzer. C’est extrêmement divertissant parce que ça me sort de ma réalité, ça me fait vivre toute une vie que je n’ai pas vécu, que je ne vivrai jamais. Je suis trop vieux pour apprendre le surfing maintenant, malheureusement. Donc c’est ce qui me divertit le plus présentement : Barbarian Days de William Finnegan.

Gwen Madiba :

Alors vous nous recommandez ce livre ?

Philippe Falardeau :

Absolument, à tout le monde !

Gwen Madiba :

Merci beaucoup pour cette recommandation ! Merci beaucoup Philippe de nous avoir rejoint sur uOCourant ! C’était vraiment un plaisir de discuter avec vous aujourd’hui et de découvrir votre parcours de cinéaste.

Philippe Falardeau :

Merci à vous de l’invitation !

Gwen Madiba :

uOCourant vous est présenté par l'équipe des relations avec les diplômés de l'Université d'Ottawa. Il est produit par Rhea Laube avec un thème musical par le diplômé Idris Lawal. Cet épisode a été enregistré avec le soutien de Pop Up Podcasting à Ottawa, en Ontario. Nous rendons hommage au peuple algonquin, gardiens traditionnels de cette terre. Nous reconnaissons le lien sacré de longue date l’unissant à ce territoire, qui demeure non cédé. Pour la transcription de cet épisode en anglais et en français ou pour en savoir plus sur uOCourant, veuillez consultez à la description de cet épisode