Dernier Débat du chancelier : des pistes de solutions pour les personnes réfugiées

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Des personnes sur scène lors du débat de la chancelière.
Le 3 novembre, le dernier débat animé par le chancelier sortant de l’Université d’Ottawa, Calin Rovinescu, mettait en lumière la nécessité de trouver une solution mondiale au phénomène des personnes déplacées, qui va en s’intensifiant. Le débat a donné lieu à une discussion à trois entre Calin Rovinescu, Allan Rock, recteur émérite de l’Université d’Ottawa et ancien ambassadeur du Canada pour les Nations Unies, et Jennifer Bond, présidente de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés et directrice générale du Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa.
Orateur au débat du chancelier.

Le 3 novembre, le dernier débat animé par le chancelier sortant de l’Université d’Ottawa, Calin Rovinescu, mettait en lumière la nécessité de trouver une solution mondiale au phénomène des personnes déplacées, qui va en s’intensifiant.

Le débat a donné lieu à une discussion à trois entre Calin Rovinescu, Allan Rock, recteur émérite de l’Université d’Ottawa et ancien ambassadeur du Canada pour les Nations Unies, et Jennifer Bond, présidente de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés et directrice générale du Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa.

Le chancelier sortant, qui a lui-même fui la Roumanie avec ses parents en 1961, a lancé les échanges en précisant qu’environ 100 millions de personnes étaient actuellement déplacées de force dans le monde. Dans certains cas, le déplacement peut durer 20 ans ou plus, voire s’étendre sur des générations.

Les défis complexes de la relocalisation des personnes réfugiées de même que les signes encourageants émanant de la réponse mondiale, en passant par les solutions porteuses de nouvelles idées dans le contexte géopolitique actuel, ont notamment été abordés.

Une solution canadienne

Sur une note positive, Jennifer Bond a commencé par expliquer que le modèle de parrainage privé du Canada, qui permet à des citoyennes et citoyens canadiens d’accueillir des personnes et même des familles admissibles, constituait un exemple pour d’autres pays. En fait, le modèle est si populaire qu’une liste d’attente a dû être mise en place… pour les familles d’accueil!

Des nouvelles encourageantes nous viennent également d’autres pays. L’Allemagne, par exemple, a accepté à elle seule plus d’un million de personnes réfugiées en 2015. Des gens fuyant l’Ukraine peuvent compter sur l’hospitalité de familles de partout en Europe et, aux États-Unis, un programme d’accueil spécial pour les personnes réfugiées du Venezuela annoncé en octobre s’est révélé si populaire auprès de la population américaine qu’il a atteint sa limite en quelques jours seulement.

Malgré tout, Jennifer Bond a dit s’inquiéter des effets du clivage politique actuel sur l’adhésion publique au concept de protection des personnes réfugiées.

Un monde divisé

« La Convention de 1951 (relative au statut des réfugiés) a reçu un appui important, la Seconde Guerre mondiale ayant conscientisé la planète aux traumatismes collectifs et aux déplacements forcés, a précisé Jennifer Bond, qui craint que des millions de personnes ne comprennent plus la nécessité de protéger les personnes réfugiées en raison de la politisation et de la polarisation accrues.

Allan Rock a ajouté que la corruption des leaders mondiaux et le manque de financement compliquaient encore la situation. Il a fait remarquer que ce manque de financement entraînait de nombreux problèmes pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, notamment parce que 80 % des personnes déplacées se retrouvent dans des pays en développement ayant déjà du mal à soutenir leur propre population.

Les trois panélistes convenaient que la crise climatique aggravait le problème. Par exemple, les inondations survenues cette année au Pakistan à la suite d’une mousson exceptionnelle ont provoqué le déplacement de 32 millions de personnes.

« Certaines îles de petite dimension pourraient disparaître complètement d’ici 25 ans : des millions d’autres personnes devront alors être relocalisées », a insisté Allan Rock.

Repenser les solutions

Selon Jennifer Bond, les processus d’immigration et de relocalisation se sont « professionnalisés à outrance », ce qui prive les personnes réfugiées de leur autonomie, et les hôtes, de leur pouvoir de décision. Mais on peut très bien faire les choses autrement. On pourrait imaginer de nouveaux systèmes basés sur la « bonté inhérente » des communautés, inspirer les gens à accueillir les nouvelles et les nouveaux venus, et miser sur de nouveaux partenariats avec le secteur privé.

« L’emploi serait une façon de mettre le secteur privé à profit. Au lieu de voir les personnes réfugiées comme des victimes, nous considérerions plutôt leur potentiel de contribution à la société. Nous pouvons tout à fait être sensibles aux défis, aux risques et aux pertes que ces personnes ont vécus sans pour autant sous-estimer leurs compétences, leurs talents et leur passion », a-t-elle conclu.

Rabea Alriffai, un diplômé de l’Université d’Ottawa arrivé de Syrie en 2016 dans le cadre du programme de parrainage étudiant d’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), a lui aussi parlé de notre façon dépassée de voir les personnes réfugiées comme des problèmes.

Celui qui a obtenu une maîtrise en éducation de l’Université d’Ottawa travaille maintenant comme analyste principal des politiques à Affaires mondiales Canada. Il a parlé avec chaleur de son accueil sur le campus, poursuivant du même souffle que « tout n’était pas toujours rose », et que les personnes réfugiées étaient parfois perçues comme moins importantes. Pour remédier à ce problème, Rabea Alriffai a recommandé de souligner l’apport des personnes réfugiées à la société, et de solliciter leur avis sur les décisions politiques qui les concernent.

Le comité local d’EUMC est une initiative étudiante qui a vu le jour il y 40 ans sur le campus de l’Université d’Ottawa. Comptant parmi les comités les plus importants au pays, il a parrainé 84 étudiantes et étudiants au cours des quatre dernières décennies.

Tenir compte des réfugiées et réfugiés climatiques

Le débat s’est terminé par une intervention de la doyenne de la Section de common law, Kristen Boon, qui a souligné que d’un point de vue légal, la Convention de 1951 ne couvrait pas les personnes déplacées en raison de la crise climatique.

Cette convention cible en effet la population fuyant le bombardement des villes, et met l’accent sur la coopération internationale comme solution. Or, compte tenu des projections qui estiment à 250 millions le nombre de personnes déplacées d’ici 2050 – notamment en raison de la crise climatique – et du climat politique compromettant sérieusement la coopération internationale, la doyenne a demandé au panel si la convention était toujours pertinente.

Allan Rock a répondu que même si la convention commençait à dater, elle avait toujours la valeur, et qu’il serait fort difficile de négocier un nouvel accord dans le contexte actuel. Selon lui, il vaudrait mieux élaborer un protocole qui reflète les défis modernes et avance de nouvelles solutions.

Depuis 2016, les débats du chancelier organisés deux fois par année par Calin Rovinescu ont permis de rassembler des visionnaires pour explorer les grands enjeux de notre époque. Le mandat de Calin Rovinescu se terminant bientôt, Claudette Commanda deviendra la première personne autochtone, et la troisième femme à accéder à la chancellerie de l’Université depuis sa fondation il y a 174 ans.