Dévoiler l’invisible : une percée en spectroscopie permet des découvertes en physique des matériaux

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Par Bernard Rizk

Media Relations Officer, External Relations, uOttawa

Spectroscopie THz à pompe optique et sonde THz à impulsion unique
Des scientifiques de l’Université d’Ottawa et de l’Institut Max Planck pour la science de la lumière proposent une approche révolutionnaire qui fera avancer la science des matériaux en combinant la spectroscopie térahertz et le contrôle en temps réel.

Les ondes térahertz sont des ondes électromagnétiques capables de révéler les secrets de la matière. Elles peuvent en effet capter dans les matériaux des changements rapides invisibles avec d’autres formes de rayonnement. Les scientifiques peuvent désormais les utiliser pour filmer en temps réel des électrons chauds dans le silicium à 50 000 images par seconde, une vitesse inégalée.

Sous la direction de Jean-Michel Ménard, professeur agrégé de physique à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa, une équipe a employé deux méthodes : une méthode d’encodage à impulsion comprimée et une méthode photonique de décompression temporelle.

La première imprime l’information transportée par une impulsion térahertz sur un supercontinuum comprimé dans la région optique, qui ressemble à un arc-en-ciel en mouvement. La deuxième étire l’impulsion arc-en-ciel dans le temps à l’intérieur d’une longue fibre, ce qui ralentit le débit de l’information pour qu’on puisse l’enregistrer en temps réel avec un équipement électronique perfectionné. Ces étapes sont répétées avec une série d’impulsions à intervalles de 20 microsecondes, qui peuvent être combinées pour former un film de la dynamique à basse énergie dans un matériau.

« Dans cette étude, nous présentons un système photonique original qui peut mesurer en temps réel la dynamique à basse énergie avec une résolution temporelle proche de la microseconde. Notre montage est tout à fait nouveau : c’est un système compact qui remplace une technologie autrefois accessible uniquement dans les grands synchrotrons, et qui peut rapidement effectuer une spectroscopie THz à résolution temporelle, une méthode puissante d’analyse de divers matériaux », explique le professeur Ménard.

Jean-Michel Ménard, professeur agrégé de physique à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa
ÉTUDE + PHYSIQUE

« Dans cette étude, nous présentons un système photonique original qui peut mesurer en temps réel la dynamique à basse énergie avec une résolution temporelle proche de la microseconde »

Jean-Michel Ménard

— Professeur agrégé de physique à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa

Et la prochaine étape?

Les expériences menées avec ce système enregistreront les résonances vibratoires de molécules pour étudier le rôle mystérieux des enzymes dans les réactions chimiques et observer les changements invisibles qui surviennent dans un organisme vivant exposé à une hausse soudaine de température. 

« Dans les expériences sur la matière condensée, notre système photonique THz servira à observer un éventail de reconfigurations irréversibles des électrons ou des réseaux, qui se produisent surtout pendant les transitions de phase, explique le chercheur. « Nous croyons qu’il jouera un rôle crucial pour révéler une nouvelle gamme de processus rapides et non reproductibles, faisant ainsi de la spectroscopie THz un outil de caractérisation encore plus efficace pour faire des découvertes importantes en physique des matériaux. » 

Le système photonique de l’équipe lui permet d’étudier pour la première fois le comportement de phénomènes physiques, chimiques et biologiques irréversibles, y compris le transport électronique dans les semiconducteurs, les réactions chimiques exothermiques et les repliements des protéines dans les systèmes biologiques. En dévoilant la danse occulte d’une dynamique rapide et imprévisible, leurs travaux changeront à jamais notre compréhension du monde.

L’équipe compte parmi ses membres Nicolas Couture, Wei Cui, Rachel Ostic, Défi Junior Jubgang Fandio, Eeswar Kumar Yalavarthi, Aswin Vishnuradhan, les membres du groupe de spectroscopie THz ultra-rapide, Angela Gamouras (agente de recherche au Conseil national de recherches du Canada), ainsi que Nicolas Y. Joly (Institut Max Planck pour la science de la lumière à Erlangen et Université d’Erlangen-Nuremberg) et son étudiant au doctorat, Markus Lippl. Cette recherche est aussi appuyée par le Centre Max-Planck-Université d’Ottawa pour la photonique extrême et quantique et le Centre conjoint de photonique extrême CNRC-uOttawa.

L’étude, intitulée « Single-pulse terahertz spectroscopy monitoring sub-millisecond time dynamics at a rate of 50 kHz », a été publiée dans Nature Communications.