James Makokis : la transmission des savoirs autochtones

Diplômés
Autochtone
Santé
Portrait de Dr. James Makokis assis sur des marches en bois à l'extérieur
Dr . James Makokis (M.D. 2010)
Aux yeux du Dr . James Makokis (M.D. 2010), la santé et le bien-être sont indissociables du mot miyo-pimatisiwin, qui signifie en gros « vivre la belle vie ».

Le Dr Makokis appartient à la Nation crie de Saddle Lake, qui occupe le territoire couvert par le Traité No 6. Il pratique à même une clinique de médecine familiale dans le nord-est de l’Alberta ainsi qu’une clinique spécialisée en santé des personnes transgenres dans le sud d’Edmonton, où il se démarque en tant que véritable leader de la santé autochtone et trans. 

Les pratiques médicales du Dr Makokis sont ancrées dans les lois naturelles cries de la gentillesse, de l’honnêteté, de la force, de la détermination et du partage. Ce sont ces principes qui le guident pour aider ses patientes et patients à atteindre miyo-pimatisiwin. En plus de servir sa communauté avec compassion, le Dr Makokis cherche également à convaincre les acteurs de la médecine occidentale de s’ouvrir à la valeur des pratiques médicales autochtones et à l’intérêt de les intégrer aux soins prodigués. 

« En fait, la médecine occidentale est un système de soins parallèle qui a été imposé sur l’Île de la Tortue, souligne-t-il. Sur ce territoire, la médecine originale est celle des Autochtones, celle qui a aidé nos peuples à survivre et à se maintenir en excellente santé pendant des milliers d’années. » 

Le Dr Makokis explique que, contrairement à la médecine occidentale qui s’intéresse presque exclusivement à la santé physique, le système médical cri englobe également la santé émotionnelle, mentale et spirituelle, laquelle est enrichie par des cérémonies traditionnelles et les rapports avec la communauté.  

5 membres du conseil des anciens élèves autochtones Dr. Warren Cardinal-Mcteague, Rylan McCallum, Allison Beardsworth, Dr. James Makokis and Dr. Jessica Dunkley
Warren Cardinal-Mcteague, Rylan McCallum, Allison Beardsworth, le Dr James Makokis et la Dre Jessica Dunkley – membres du Conseil des diplômées et diplômés autochtones – lors de la réception uOttawa - octobre 2023

« Notre santé est aussi reliée à l’ensemble de la création : à la santé de notre planète, de nos frères et sœurs à plumes et à poils, des plantes, soutient-il. Dans nos enseignements entourant la création, nous avons coutume de dire que l’être humain est créé à partir de l’essence des plantes médicinales, et c’est pourquoi nous utilisons celles-ci pour maintenir notre santé et notre bien-être. » 

En médecine autochtone, on privilégie également un grand angle quand on cherche à déterminer les facteurs sous-jacents qui contribuent à l’apparition d’un mal physique. Prenons l’exemple des maladies chroniques, comme le diabète. Là où la médecine occidentale attribuera la maladie à une mauvaise alimentation ou au manque d’exercice, la médecine autochtone prendra en considération les effets sur la santé des traumatismes intergénérationnels ou de la perte des pratiques de chasse traditionnelles. 

Intégrer la médecine crie dans le système de médecine occidentale  

Le Dr Makokis se fait un devoir d’intégrer la médecine et les savoirs du peuple cri dans les soins qu’il prodigue à sa patientèle, et ce, depuis la fin de ses études de médecine à l’Université d’Ottawa en 2010.  

« Quand j’ai obtenu mon diplôme, un de mes grands-pères m’a dit : “Maintenant que tu as appris la médecine occidentale, tu dois te familiariser avec nos propres remèdes”, se remémore-t-il. Je me rends maintenant dans différentes communautés pour m’instruire auprès des Aînées et Aînés. L’été, je campe sur leur pelouse et je vais cueillir des plantes médicinales avec eux. Je me suis formé à l’utilisation des plantes médicinales que nous utilisions pour la santé cardiaque, respiratoire ou reproductive, de toutes ces choses qui nous ont été données exclusivement sur l’Île de la Tortue. » 

Dr. James Makokis with students Nina Chen and Divyanshu Verma
Le Dr James Makokis en compagnie de l’étudiante Nina Chen et de l’étudiant Divyanshu Verma lors de la réception pour la communauté diplômée, amies et amis de l’Université d’Ottawa à Vancouver, en octobre 2023.

Lorsqu’une personne vient le consulter, le Dr Makokis emploie les outils diagnostiques et les bonnes pratiques de la médecine occidentale pour évaluer son état, puis lui propose aussi bien des traitements occidentaux que des traitements cris adaptés au diagnostic.  

Pour ce qui est des traitements médicaux cris, il peut recommander une certaine cérémonie et y assister pour manifester son soutien. Il peut aussi proposer à la personne de l’accompagner pour lui montrer quelle plante médicinale cueillir, et lui procurer ainsi les connaissances et l’autonomie nécessaires pour se guérir elle-même.  

Le Dr Makokis décrit sa pratique comme « un petit sanctuaire où l’on peut faire les choses différemment ». Il forme également des médecins de manière indépendante afin d’améliorer les soins d’affirmation de genre, par exemple. Il souligne toutefois la nécessité d’une intervention systémique appuyée par des ressources adéquates afin d’amplifier l’impact qu’il peut produire à lui seul.  

Promouvoir la notion d’alliance et la compréhension 

Le Dr Makokis consacre une bonne partie de son temps à défendre auprès des médecins et des hôpitaux le droit des Autochtones à utiliser leurs propres médecines sur leurs propres territoires. C’est d’ailleurs ainsi que l’on cultivera de véritables alliances.  

Il estime que les membres de la profession médicale qui désirent sincèrement promouvoir la réconciliation devraient soutenir et défendre l’utilisation des médecines autochtones dans le traitement des malades. Les hôpitaux, quant à eux, devraient disposer d’un espace cérémoniel suffisamment grand pour que toute la famille puisse assister aux rituels de purification, d’une tente de sudation et d’un espace pour ériger un tipi. Ils devraient en outre proposer des aliments traditionnels, comme de la viande d’orignal, à leur patientèle.  

Les écoles de médecine ont également un rôle important à jouer dans la réconciliation. De la même manière qu’on forme la relève aux dernières innovations de la médecine occidentale, il faudrait également lui enseigner les médecines autochtones et l’encourager à élargir sa vision des choses pour appréhender la santé et le bien-être de manière plus globale, estime-t-il. Ces médecins acquerraient alors des compétences aussi bien dans le système de médecine occidentale que dans celui de la médecine autochtone. 

Parmi les efforts de décolonisation mis en œuvre, on pourrait également inviter (contre rémunération) de grandes figures de la médecine autochtone, des Aînées et Aînés ainsi que des gardiennes et gardiens des savoirs autochtones à venir s’adresser à la relève en médecine, et amorcer des conversations importantes sur le racisme et la suprématie blanche qui s’immiscent toujours profondément dans la formation en médecine et les établissements de santé. 

Dr. Lana Potts, Dr James Makokis, Elder Doreen Spence, Lowa Beebe & Lana Yuzicapi-Manyfingers
La Dre Lana Potts, le Dr James Makokis, l’Aînée Doreen Spence, Lowa Beebe et Lana Yuzicapi-Manyfingers lors de la réception pour la communauté diplômée, amies et amis de l’Université d’Ottawa à Calgary, en octobre 2023.

En définitive, le Dr Makokis considère que pour améliorer la santé des peuples autochtones, il faut revitaliser les pratiques médicales traditionnelles que ceux-ci n’ont pas pu appliquer ou transmettre en raison de la violence coloniale : « Je crois que ce n’est qu’en reconstruisant la nation autochtone, avec ses systèmes de médecine et d’éducation, que nous commencerons à observer une transformation durable dans les statistiques sur la santé autochtone. » 

Motivé par la force, la guérison et la résistance de ceux et celles qui l’ont précédé, le Dr Makokis continue de défendre le droit d’accès aux médecines et aux soins autochtones pour cette génération et celles à venir.