« Le monde tel que nous l’avons connu n’existe plus », a-t-il déclaré aux diplômées et diplômés qui avaient affronté la neige, le tonnerre et les éclairs pour assister à la conférence.
Voici cinq points à retenir de ses propos :
1. Le Canada ne peut plus compter sur l’ancien ordre mondial
Le professeur Paris a commencé par aborder le changement qui s’est opéré dans l’environnement géopolitique du Canada. Pendant des générations, les Canadiens et les Canadiennes ont cru que les États-Unis demeureraient un partenaire stable et amical – un pilier d’un ordre mondial fondé sur des règles et la coopération. Or, cette croyance a récemment volé en éclats.
« Les Canadiens et Canadiennes ont toujours considéré les États-Unis comme un pays allié, a rappelé Roland Paris. Nous n’avons pas toujours été d’accord – au sujet de l’Iraq, du commerce, par exemple – mais nous croyions à un partenariat durable. Ce n’est plus le cas. »
La menace réside non seulement dans l’instabilité politique, mais aussi dans une érosion plus large des institutions et des normes sur lesquelles s’appuyait le Canada – des accords commerciaux aux cadres de sécurité.
« Le trumpisme a détruit les prémisses qui ont guidé les politiques américaines depuis des décennies », a-t-il précisé, ajoutant que même un changement de leadership au sud de la frontière ne renverserait pas facilement la vapeur.
2. Le trumpisme est un symptôme, pas un objectif
Donald Trump est certes la figure la plus visible de ce changement, mais selon Roland Paris, les forces qui l’alimentent ont des racines beaucoup plus profondes.
« Lorsque Trump quittera la Maison-Blanche, les États-Unis ne redeviendront pas ce qu’ils étaient du jour au lendemain, prévient-il. La question n’est pas de savoir combien de temps Trump demeurera en poste, mais plutôt combien de temps les conditions politiques qui ont rendu possible le trumpisme perdureront. »
C’est pourquoi le Canada doit cesser d’attendre un retour à la normale et commencer à revoir sa stratégie, tant sur le plan culturel qu’économique et diplomatique.

3. Le Canada a besoin d’une double stratégie : survivre et s’adapter
Le professeur Paris a présenté une approche claire en deux volets pour composer avec cette nouvelle réalité : la résilience à court terme et l’adaptation à long terme.
À court terme, il affirme que le Canada doit rester ferme et répondre proportionnellement aux provocations des États-Unis, en particulier en ce qui concerne les tarifs douaniers, et résister à la tentation de réagir sans réfléchir. Il insiste sur l’importance de resserrer les liens avec nos alliés américains aux États-Unis, c’est-à-dire les politiciennes et les politiciens au niveau des municipalités et des États.
Or, selon le professeur Paris, il ne suffit pas de survivre. Le Canada doit se préparer à un avenir défini par l’imprévisibilité, ce qui pourrait mener à une diversification de ses liens économiques et diplomatiques. Il a également abordé le besoin de développer les relations commerciales avec l’Europe et l’Asie, d’investir dans l’innovation canadienne et de construire des chaînes d’approvisionnement qui ne transitent pas exclusivement par les États-Unis.
« Nous ne devrions pas dépendre d’un client à un point tel qu’il peut menacer notre économie ou notre souveraineté », a précisé le professeur Paris.
4. La défense et la souveraineté doivent être des priorités
Selon le professeur Paris, la stratégie canadienne en matière de sécurité nationale a également besoin d’être sérieusement revue.
« Nous ne sommes pas équipés pour faire la guerre et pourtant, nous aurons peut-être à en prévenir une », a-t-il déclaré. Il a appelé à réinvestir massivement dans les Forces armées canadiennes et à créer des liens plus étroits entre le développement industriel et technologique du pays et l’approvisionnement en matière de défense nationale.
Il a en outre exhorté les décisionnaires politiques du Canada à envisager la défense sous l’angle non seulement de l’armement, mais de l’établissement de partenariats stratégiques plus larges, en particulier avec l’Europe.

5. Les universités doivent se porter à la défense de la vérité – et façonner l’avenir
La réflexion de Roland Paris a également porté sur le rôle des universités dans un contexte mondial marqué par les bouleversements. Il les a décrites comme des gardiennes de la vérité en cette ère de désinformation, mettant l’accent sur l’importance de la production de connaissances, des analyses fondées sur des données et de la recherche libre.
« Les universités existent pour créer et diffuser le savoir, sans craindre les conclusions auxquelles elles arriveront, a-t-il soutenu. Elles doivent défendre le principe selon lequel les faits comptent. »
Il a également rappelé l’importance de l’éducation dans la formation de citoyennes et de citoyens informés et responsables. La formation des leaders de demain, qui seront capables d’affronter les situations complexes et imprévisibles, est plus importante que jamais.
Un appel à l’action fondé sur l’optimisme
Malgré la gravité de la situation, le professeur Paris a conclu son allocution sur une note d’optimisme prudent.
Selon lui, le véritable test, pour toute nation, n’est pas sa capacité à prospérer pendant les périodes fastes, mais sa capacité à surmonter les périodes difficiles et à s’adapter aux changements.
« Le Canada a les moyens de passer ce test, a-t-il affirmé. Nous avons vu au cours des derniers mois une détermination discrète, mais ferme, partout au pays. C’est une force incroyable. »