Les enfants condamnés à la maladie | par Noémie Loof

Abel, un enfant âgé de 4 ans, est atteint du syndrome de Mednik, une maladie incurable qui le suit depuis sa naissance. Cette maladie rare est caractérisée par une déficience intellectuelle importante, une surdité ainsi que des problèmes intestinaux et de peau. L’espérance de vie de cet enfant avait été estimée à quelques mois seulement mais depuis, il défie les pronostics en vivant son combat à tous les jours, et ce après avoir frôlé la mort à plusieurs reprises depuis sa naissance. La seule option à la disposition de ses parents est de cesser de l’alimenter afin d’abréger ses souffrances reliées à la maladie, considérant que la vie de cet enfant n’est tenue qu’à l’hyperalimentation. Ceux-ci refusent d’envisager cette alternative, considérée inhumaine.

Situation inévitable?

En 2015, la Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Canada suivant la décision Carter de la Cour suprême (Carter c Canada, 2015). Cette loi permet dorénavant à une personne en fin de vie d’obtenir l’aide médicale à mourir, sous réserve du respect de certaines conditions. Parmi ces conditions, on retrouve notamment les exigences suivantes : la personne doit être majeure, atteinte d’une maladie grave et incurable ainsi qu’éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables (Gouvernement du Québec, 2022).

Qu’en est-il des enfants malades?

Au Canada, les enfants ne peuvent pas se prévaloir de l’aide médicale à mourir malgré le fait qu’ils puissent être, eux aussi, atteints d’une maladie incurable et répondre aux conditions nécessaires, à l’exception de celle de la majorité. En effet, la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) limite l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes âgées de 18 ans ou plus, excluant ainsi les enfants et les adolescents.

En matière de consentement aux soins, le concept de « mineur mature » a déjà été utilisé par la Cour suprême du Canada afin de reconnaître la volonté d’un enfant malgré sa minorité (A.C. c. Manitoba, 2009). Ce concept vise une personne âgée de moins de dix-huit ans qui est capable d’adopter une décision éclairée relativement à ses soins de santé et ce, volontairement (Conseil des académies canadiennes, 2018). Par contre, le concept du « mineur mature » n’est pas reconnu au Québec, et donc ne pourrait pas être utilisé dans un contexte d’aide médicale à mourir demandée par un enfant mineur (Davies, Société canadienne de pédiatrie et Comité de bioéthique, 2018).

De plus, comme le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale en vertu de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), comment se fait-il qu’un enfant ne puisse pas avoir accès aux soins de fin de vie qui pourraient, dans certains cas précis, être dans son intérêt ? En effet, est-ce vraiment dans l’intérêt d’un enfant malade de le laisser continuer à souffrir à tous les jours et à mener un combat qui se veut incurable aux dépens de son droit à la vie prévu à l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant?

Finalement, il est à noter que l’aide médicale à mourir est permise pour les enfants et les adolescents au Pays-Bas et en Belgique lorsque les conditions d’admissibilité sont respectées (Davies, Société canadienne de pédiatrie, Comité de bioéthique, 2018). Lorsque l’enfant n’est pas en mesure de s’exprimer, les souffrances doivent être incurables et insupportables selon les néonatalogistes. Lorsque l’enfant est à un âge où il peut exprimer son consentement, il doit être en mesure de bien comprendre ses intérêts et ses parents doivent être parties à la décision (Davies, Société canadienne de pédiatrie et Comité de bioéthique, 2018). Pourquoi ne pas prendre exemple sur ces pays afin d’éviter des fins souffrantes à nos enfants et, par le fait même, offrir la possibilité d’un dénouement davantage humain pour Abel et sa famille ?

Références

  • Convention relative aux droits de l’enfant. (1989). Traité no. 27531. UNTS, 1577, pp. 3-178
  • Loi concernant les soins de fin de vie, RLRQ, 2015, c S-32.0001.
  • Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), L.C. 2021, ch. 2.
  • A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille) [2009] 2 RCS 181.
  • Carter c. Canada (Procureur général), [2015] 1 RCS 331.
  • Davies, D. et Société canadienne de pédiatrie et Comité de bioéthique. (2018). L’aide médicale à mourir : le point de vue des pédiatres. Oxford University Press.
  • Gouvernement du Québec. (2022). Exigences requises pour recevoir l’aide médicale à mourir. Québec.
  • Groupe de travail du comité d’experts sur l’AMM pour les mineurs matures. (2018). L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures. Bibliothèque et Archive Canada.
  • Cotnoir Lacroix, G. (2021). Se battre pour que son enfant gravement malade ait accès à l’aide médicale à mourir, TVA Nouvelles (11 août 2021). https://www.tvanouvelles.ca/2021/08/11/se-battre-pour-que-son-enfant-gravement-malade-ait-acces-a-laide-medicale-a-mourir?fbclid=IwAR1hLfcvHYCsqfEdaDpFzM-qRav-YLmHNJYDPiJ3IK8NouSDKdMYzpy9mRM