De gauche à droite : le professeur John Packer, l’ambassadrice Marja Lehto, la sous-ministre adjointe Tara Denham et le professeur Charles Jolin.
De gauche à droite : le professeur John Packer, l’ambassadrice Marja Lehto, la sous-ministre adjointe Tara Denham et le professeur Charles Jolin.
La détention en Chine des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, de 2018 à 2021, a hissé la détention arbitraire dans les relations entre États au rang des questions d’intérêt national.

La Section de common law a récemment accueilli des juristes, des diplomates et des spécialistes des droits de la personne lors d’une rencontre sur le projet de cadre juridique fondé sur la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État.    

En partenariat avec le Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne (CREDP) et grâce au soutien d’Affaires mondiales Canada, la Faculté de droit a accueilli les membres du Panel international indépendant sur la détention arbitraire dans les relations d’État à État pour leur dernière réunion en personne, suivie d’une présentation publique des recherches, des conclusions et des principales recommandations du panel.

On parle de détention arbitraire dans les relations entre États (parfois appelée « diplomatie des otages ») lorsqu’un État détient illégalement des ressortissantes ou ressortissants étrangers ou des personnes ayant la double nationalité pour s’en servir comme monnaie d’échange lors de conflits politiques afin de faire pression sur un autre État – une pratique qui va à l’encontre du droit international et met à mal la sécurité mondiale en érodant la confiance et la coopération entre les nations.

« Ce fut un honneur d’accueillir cette rencontre sur une question d’une telle urgence et d’une telle importance mondiale, a déclaré la doyenne Kristen Boon. Elle illustre le rôle essentiel que les universités jouent en rassemblant des leaders d’opinion des quatre coins du monde pour se pencher sur des enjeux juridiques internationaux. »

Le professeur Charles Jalloh, président du panel, professeur de droit international et titulaire de la Chaire de droit Richard-A.-Hausler à la Faculté de droit de l’Université de Miami, membre et rapporteur spécial de la Commission du droit international des Nations Unies, a formulé la chose ainsi : « Au-delà de l’aspect interétatique, il y a des gens qui sont pénalisés au seul motif de leur nationalité. Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle forme de prise d’otages par laquelle des États utilisent des personnes comme monnaie d’échange. »

Le leadership mondial du Canada

Tara Denham, sous-ministre adjointe d’Affaires mondiales Canada et haute représentante chargée de la question des otages, a souligné le leadership du Canada dans la lutte contre cette pratique malveillante. 

« Cette pratique de prise d’otages mine la confiance entre les nations et impose un lourd tribut physique, psychologique et financier aux personnes détenues, à leur famille et à leur communauté », a-t-elle fait valoir. 

« En 2021, le Canada a plaidé à l’international et […] publié la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État afin de mobiliser la population mondiale autour des droits de la personne et du renforcement du droit international. Depuis, 81 pays ont signé la déclaration, ce qui est fantastique et témoigne de la nécessité d’en faire une affaire internationale. »

Panel sur la détention arbitraire en action

Le cadre juridique du panel

Le Panel international indépendant, qui se compose de six juristes de renom en droit international, a pour mission de faire la lumière sur les dimensions juridiques de la détention arbitraire dans les relations entre États et de formuler des recommandations concrètes à la communauté internationale.

Lors de la présentation publique, le président et la vice-présidente du panel, des cadres du gouvernement du Canada et un porte-parole des survivantes et survivants ont présenté leurs observations sur le rapport à venir du panel.

Le professeur Charles Jalloh a parlé des principales propositions du panel : affiner la terminologie juridique, renforcer les protections consulaires pour les personnes ayant la double nationalité et reconnaître officiellement la pratique de diplomatie des otages comme une violation des droits de la personne et du droit international humanitaire.

L’ambassadrice Marjha Letho, vice-présidente du panel et ambassadrice et spécialiste principale au service juridique du ministère des Affaires étrangères de la Finlande, a fait allusion à la Convention internationale contre la prise d’otages de 1979, en soulignant la nécessité que les États qui pratiquent la détention arbitraire rendent compte de leurs actes au même titre que les acteurs privés ou indépendants. 

« La Convention contre la prise d’otages a été négociée comme solution à l’activité criminelle transfrontalière d’acteurs privés. À l’heure actuelle, elle s’applique essentiellement à des crimes commis par des acteurs non étatiques. Cela dit, la définition générale d’une prise d’otage active s’applique également aux représentantes et représentants de l’État », a-t-elle expliqué.

 « Le Panel recommande entre autres que la communauté internationale, qui a déjà tranché que la prise d’otages n’était justifiable en aucune circonstance, condamne aussi explicitement la prise d’otages par les États. »

De gauche à droite : le professeur John Packer, la sous-ministre adjointe Tara Denham, la doyenne Kristen Boon, l’ambassadrice Marja Lehto (vice-présidente du panel), le professeur Charles Jalloh (président du panel), la professeure Penelope Simons et le professeur Pacifique Manirakiza.
De gauche à droite : professeur John Packer, sous-ministre adjointe Tara Denham, doyenne Kristen Boon, ambassadrice Marja Lehto (vice-présidente), professeur Charles Jalloh (président), professeure Penelope Simons, professeur Pacifique Manirakiza.

Témoignage d’un survivant

Le dernier conférencier, Olivier Vandecasteele, a présenté un récit profondément personnel de ses 456 jours de détention en Iran. Ce travailleur humanitaire belge d’expérience a été arrêté arbitrairement le 24 février 2022 avant d’être soumis à un simulacre de procès et d’être condamné à 40 ans de prison et à 74 coups de fouet. Il a été détenu dans des conditions insoutenables jusqu’au jour de sa libération, le 26 mai 2023.

Pendant son allocution, il a évoqué les séquelles psychologiques laissées par son isolement prolongé et la cruauté de l’État. Il a parlé de l’obligation d’avoir les yeux bandés lors des transferts et de l’éclairage permanent dans les cellules, ce qui a pour effet « d’éliminer la perception spatiale […] de surcharger les sens et d’empêcher le sommeil » tout en « créant un sentiment de désespoir qui, sur une période prolongée, peut avoir des effets désastreux sur la personne ».

En 2024, Olivier Vandecasteele a fondé Protect Humanitarians, une ONG vouée à la protection des travailleuses et travailleurs humanitaires et au soutien des victimes de détention arbitraire.Il milite pour que les États fassent passer les survivantes et les survivants au premier plan.

« Reconnaissons les préjudices subis et centrons la solution sur les besoins des personnes détenues et de celles qui ont survécu à leur détention, recommande-t-il. Étudions […] les formes de justice potentiellement réclamées par les survivantes, les survivants et leur famille. »