Selon une nouvelle étude, les femmes qui n’appartiennent pas aux groupes visés par les lignes directrices nationales reconnues en matière de dépistage du cancer du sein risquent davantage de subir des traitements plus lourds ou de décéder des suites de la maladie parce qu’elles doivent se fier à leur reconnaissance des symptômes plutôt qu’au dépistage par mammographie.
Cette étude, menée par l’Université d’Ottawa et L’Hôpital d’Ottawa, a révélé que le taux de mortalité par cancer du sein chez les femmes de moins de 49 ans et de plus de 75 ans était considérablement plus élevé que chez les autres; leur cancer était aussi plus avancé au moment du diagnostic. L’association significative entre la méthode de dépistage et le stade du cancer du sein est loin d’être favorable pour ces patientes laissées pour compte par les lignes directrices.
« Ce qui est le plus surprenant, c’est le nombre de personnes qui sont décédées peu de temps après le diagnostic », explique l’auteure principale de l’étude, la Dre Jean Seely, chef du service d’imagerie du sein à L’Hôpital d’Ottawa et professeure de radiologie à l’Université d’Ottawa. « De plus, c’est l’apparition de symptômes qui avaient mené au diagnostic dans 50 % des cancers, une proportion beaucoup plus élevée que ce à quoi on s’attendait. »
Selon cette étude observationnelle rétrospective, publiée dans Radiology: Cancer Imaging, 14,5 % des patientes dont le cancer avait été diagnostiqué grâce à un programme de dépistage décédaient des suites de la maladie, contre 21,7 % pour celles dont le cancer avait été diagnostiqué à cause de l’apparition de symptômes. Les décès par cancer du sein sont plus fréquents chez les jeunes femmes, avec des proportions de 91,7 % dans le groupe des 40 à 49 ans, et de 39,6 % chez les 75 ans et plus.
« En près de 7 ans de suivi, presque 20 % des patientes sont décédées, la moitié d’entre elles du cancer du sein. Lorsque le cancer avait été diagnostiqué à cause de l’apparition de symptômes, les risques de décès étaient 63 % plus élevés que lorsque la maladie avait été détectée grâce à un programme de dépistage, y compris pour les femmes dans la quarantaine et celles qui avaient plus de 75 ans », explique la Dre Seely, dont les recherches antérieures indiquaient une augmentation de l’incidence du cancer du sein chez les jeunes femmes.
Certains groupes d’âge sont laissés en marge des lignes directrices canadiennes (ce qui est effectivement le cas dans certaines provinces, mais pas dans les lignes directrices nationales du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs); pourtant, le dépistage améliorerait probablement l’issue du cancer du sein pour ces femmes, notamment en réduisant le nombre de décès attribuables à la maladie.

« Souvent, on invoque les coûts comme un facteur déterminant pour justifier l’absence de programmes de dépistage chez les jeunes femmes. Mais ce raisonnement ne tient pas la route, car ça coûte moins... »
La Dre Jean Seely
— chef du service d’imagerie, L’Hôpital d’Ottawa, et professeure de radiologie, Faculté de Médecine
« Souvent, on invoque les coûts comme un facteur déterminant pour justifier l’absence de programmes de dépistage chez les jeunes femmes. Mais ce raisonnement ne tient pas la route, car ça coûte moins cher que de traiter un cancer avancé. Le dépistage précoce offert dans le cadre de programmes organisés a une grande valeur : il permet de détecter un plus grand nombre de cancers dès les premiers stades, et réduit le nombre de rappels en cas d’examen anormal, ce qu’on appelle les faux positifs », déclare la Dre Seely, qui étudie depuis longtemps les avantages des programmes de dépistage précoce pour les femmes dans la quarantaine.
« On gagne à diagnostiquer le cancer à l’aide d’un programme de dépistage plutôt que d’attendre que les symptômes ne se manifestent, étant donné la forte corrélation entre le mode de dépistage et le taux de mortalité, qui est de 63 % plus élevé dans le second cas; de plus, la probabilité est alors 6,6 fois plus élevée que la maladie ait atteint un stade avancé, et le traitement, que ce soit la chimiothérapie ou l’intervention chirurgicale, sera alors plus agressif. »
Selon elle, le danger est encore plus grand pour les personnes de plus de 75 ans qui pourraient avoir besoin d’un traitement plus lourd et plus coûteux pour soigner un cancer du sein avancé.
“Assessing the Impact of Method of Breast Cancer Detection in Individuals Aged 40 Years or Older.” https://doi.org/10.1148/rycan.240046.
Médias: Des entrevues avec la Dre Seely et une survivante du cancer du sein âgée de plus de 75 ans (en anglais) sont disponible : [email protected]