Un lien observé entre la commercialisation du cannabis et une augmentation du nombre de blessures de la route

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Femme roulant un joint sur le volant d'une voiture
Elsa Olofsson (Unsplash)
Le taux annuel de visites aux urgences à la suite d’un accident de la route lié à la consommation de cannabis a augmenté de 475 % au cours des 13 dernières années selon une nouvelle étude menée conjointement par l’Hôpital d’Ottawa, l’Institut de recherche Bruyère, l’ICES et l’Université d’Ottawa.

L’équipe responsable de l’étude s’est penchée sur l’implication du cannabis lors de visites aux urgences en raison d’une blessure de la route entre 2010 et 2021 – une période marquée notamment par la pandémie de COVID-19 – dans le but de repérer tout changement qui aurait pu survenir après la légalisation du cannabis en octobre 2018 et à la suite de la mise en place d’un marché légal (commercialisation de produits dérivés du cannabis et ouverture de commerces de détail).

« Nos constatations mettent en lumière une augmentation progressive inquiétante du nombre de visites aux urgences en raison d’une blessure de la route liée à la consommation de cannabis, et des hausses particulièrement marquées à la suite des phases de légalisation et de commercialisation », explique le Dr Daniel Myran, auteur principal, postdoctorant à l’ICES et médecin de famille au Département de médecine familiale de la Faculté de médecine. « À l’inverse, le nombre de visites aux urgences suivant un accident de la route impliquant la consommation d’alcool est resté stable durant la même période, ce qui nous amène à penser que la légalisation du cannabis a joué un rôle majeur dans la hausse de ces taux. »

Si les cas répertoriés de blessures de la route liées à la consommation de cannabis étaient très rares, ces nouvelles données suscitent certaines inquiétudes quant à une potentielle augmentation générale des cas de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis, qui s’est possiblement accélérée depuis l’expansion du marché légal. 

L’équipe de recherche – dont l’étude a été publiée sur le site JAMA Network Open – a examiné les données tirées de dossiers médicaux associés à 947 604 visites aux urgences attribuables à un accident de la route en Ontario (Canada). Elle a inclus les dossiers datés de janvier 2010 à décembre 2021, mais a exclu ceux des personnes âgées de moins de 16 ans (l’âge légal minimal pour conduire) au moment de leur admission aux urgences.

Principales constatations :

  1. Le nombre de visites aux urgences suivant un accident de la route impliquant la consommation de cannabis a considérablement augmenté. Le taux annuel de visites a grimpé de 475 %, passant de 0,18 visite par tranche de 1 000 collisions entre véhicules automobiles en 2010 à 1,01 en 2021.
  2. La légalisation du cannabis à des fins non médicales sous certaines conditions est associée à une augmentation de 94 % du nombre de visites aux urgences à la suite d’un accident de la route impliquant la consommation de cannabis par rapport à la période précédant cette légalisation. Une hausse des taux encore plus marquée, soit de 223 % par rapport à la période précédant la légalisation, a été observée durant la phase de commercialisation qui a suivi et qui coïncidait avec la pandémie de COVID-19.
  3. Le taux de visites aux urgences le plus élevé a été constaté chez les hommes (sexe assigné à la naissance) provenant de quartiers à faible revenu, âgés de 19 à 21 ans, et ayant déjà été admis aux urgences pour une raison liée à la consommation de cannabis.

« La hausse du nombre de blessures de la route impliquant la consommation de cannabis que nous avons constatée reflète une tendance plus large en matière de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis », affirme le Dr Myran, également chercheur à l’Institut de recherche Bruyère et à l’Hôpital d’Ottawa. « Notre étude souligne la nécessité de multiplier les efforts de prévention, comme la sensibilisation ciblée et des mesures politiques. »

Parmi les limites de l’étude, notons que le personnel des urgences est peut-être plus conscient, depuis la légalisation du cannabis, du rôle potentiel de ce dernier dans les cas de blessures de la route, ce qui pourrait avoir entraîné une augmentation du nombre de tests de dépistage du cannabis réalisés. L’équipe de recherche est d’avis que cette situation ne pourrait expliquer toutes les hausses observées en raison de la gravité des blessures de la route, qui auraient fait l’objet d’un examen complet, indépendamment des changements apportés aux politiques ou aux procédures de dépistage.

Les responsables de l’étude tiennent à préciser qu’il est encore trop tôt pour bien cerner les conséquences de la légalisation du cannabis sur la sécurité routière, notamment en raison de l’énorme déclin de la conduite et de la mobilité survenu durant la pandémie, qui a chevauché un bon moment la période de légalisation.

L’étude, intitulée Cannabis-involvement in traffic injury emergency department visits after the legalization and subsequent commercialization of non-medical cannabis, a été publiée sur le site JAMA Network Open par D. T. Myran, A. Gaudreault, M. Pugliese, D. Manuel et P. Tanuseputro.  DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2023.31551

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