Kristi Adamo, professeure titulaire à l’École des sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa, étudie les personnes qui vivent une grossesse en santé et accouchent à terme (à 37 semaines ou plus). Son programme de recherche repose sur le paradigme des « origines développementales de la santé et des maladies », centré sur les premières années de vie, et vise à comprendre les éventuels effets à long terme de l’exposition prénatale sur le bébé.
La professeure Adamo souligne que l’activité physique peut générer plusieurs bienfaits durant la grossesse : réduction du gain de poids excessif, des symptômes de dépression et d’anxiété, et des risques de diabète gestationnel, d’hypertension gestationnelle et de prééclampsie.
Cependant, on ne sait pas exactement pourquoi ni comment ces bienfaits se manifestent. Le laboratoire de la professeure Adamo est l’un des premiers au monde à combler cette lacune de la science en examinant le rôle du placenta et les changements que l’exercice pourrait entraîner dans son fonctionnement. On y mène entre autres une étude récemment financée, intitulée GLOW (acronyme anglais de Gestational Lifestyle — Omics and Well-being, en français « Mode de vie en cours de grossesse – Omique et bien-être »).
Révéler le rôle du placenta
Kristi Adamo explique : « Le placenta est l’organe de la grossesse : il connecte le bébé à la personne enceinte. C’est lui qui transporte les nutriments et l’oxygène, et qui élimine les déchets. » La chercheuse et son équipe soutiennent que l’exercice influence la façon dont le placenta fonctionne et procure ces bienfaits au bébé. « Nous croyons que c’est grâce au placenta que les bienfaits de l’exercice se multiplient pour le bébé », ajoute la professeure Adamo.
Dans les sept dernières années, l’équipe de recherche de Kristi Adamo a mené une « étude sur le placenta » financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Elle a recruté plus de 100 personnes enceintes et les a accueillies dans le laboratoire plusieurs fois au cours de leur grossesse pour évaluer leur niveau d’activité physique, à l’aide d’un accéléromètre. De plus, elle a prélevé des échantillons sanguins et a fait remplir aux personnes participantes des questionnaires sur leur mode de vie.
Ces données ont ensuite servi à établir les phénotypes, c’est-à-dire à réunir le plus d’information possible sur chaque sujet. Puis, comme l’explique la professeure Adamo, « ces personnes ont été divisées en deux groupes : celles qui étaient très actives durant leur grossesse, donc qui appliquaient ou surpassaient les recommandations canadiennes en matière d’activité physique, et celles qui étaient très inactives. Des échantillons de leur placenta ont été recueillis durant le travail et l’accouchement, ce qui nous a permis de comparer divers facteurs entre les deux groupes, comme le transport des nutriments, les cellules immunitaires ou le stockage de lipides dans le placenta. »

Explorer la connection microbiome-métabolome
Forte du succès de son « étude sur le placenta », l’équipe de Kristi Adamo lance maintenant une nouvelle étude financée par les IRSC : GLOW. Réalisé sur une période de cinq ans, ce projet portera sur le microbiome (un ensemble d’organismes vivant dans nos intestins) et le métabolome (les molécules produites au cours des réactions du métabolisme) des personnes enceintes. « Il semblerait que le microbiome et le métabolome jouent un rôle très important dans la croissance et la santé du bébé, et communiquent même entre eux, mais on en sait très peu sur ces mécanismes », dit Kristi Adamo.
La professeure ajoute que « l’exercice modifierait le microbiome et le métabolome, ce qui pourrait influer ensuite sur le fonctionnement du placenta ». Ainsi, l’équipe de recherche examinera les molécules dans le sang en cours de grossesse et dans les tissus placentaires prélevés à la naissance afin d’étudier leurs différences et leurs interactions. Des échantillons fécaux seront aussi collectés à différents moments pendant la grossesse, et chez le bébé de 7 à 10 jours après sa naissance.
Qui plus est, l’équipe pourra suivre les personnes enceintes et leur bébé après la naissance pour continuer de recueillir des renseignements comme le poids et la taille. Elle comparera aussi les données obtenues durant la grossesse avec un registre de renseignements sur la santé (visites à l’hôpital, infections, utilisation d’antibiotiques, complications postpartum, etc.) en vue de déterminer si des facteurs comme l’exercice en cours de grossesse influencent la santé à long terme du parent et de l’enfant.
Cette ambitieuse étude pourrait transformer les pratiques de soins prénataux, et améliorer ultimement la santé des parents et des enfants. Kristi Adamo, qui se réjouit du nouveau financement, a bien hâte de faire de nouvelles découvertes sur les bienfaits de l’exercice en contexte de grossesse.