Emma Marleau, Développement international et mondialisation avec mineure en sciences politiques, 3e année
Pays de stage : Bénin
ONG canadienne : CECI
ONG locale : Association nationale des femmes agricultrices du Bénin
Alors que mon stage à Bohicon touche à sa fin, j’éprouve un sentiment à la fois de gratitude, de fierté et de nostalgie. Ces trois mois au Bénin ont été aussi exigeants qu’enrichissants. Ils m’ont permis de me confronter à la complexité du travail en coopération internationale, tout en consolidant des apprentissages tant personnels que professionnels. Je repars changée, marquée par les rencontres, les défis, et les réflexions qui ont marqué mon parcours.
Les dernières semaines ont été particulièrement formatrices. J’ai pu aller au bout de plusieurs mandats entamés plus tôt dans le stage, notamment le soutien à la rédaction d’un plan stratégique pour une organisation de femmes rurales, la tenue d’un atelier participatif sur la gouvernance inclusive, ainsi que la finalisation d’un cadre de plaidoyer pour appuyer la reconnaissance formelle des activités économiques des transformatrices de soja. J’ai compris que l’impact durable d’un projet repose souvent sur des éléments moins visibles : les discussions patientes, les ajustements progressifs, l’écoute active des partenaires locaux. Travailler sur le terrain m’a permis de constater l’écart qui existe parfois entre les approches théoriques apprises en classe et la réalité des dynamiques locales. Par exemple, si la notion d’« appropriation locale » semble évidente sur papier, elle demande en pratique un vrai lâcher-prise de la part des partenaires extérieurs, et une grande confiance envers les capacités d’initiative des communautés. J’ai vu combien les femmes avec lesquelles nous collaborions étaient expertes de leur propre réalité, porteuses de solutions concrètes – mais que ces savoirs restent trop souvent sous-valorisés dans les processus dits participatifs.
Au-delà des tâches professionnelles, cette immersion m’a permis de réfléchir profondément à la posture de la coopération, et à ce que signifie vraiment « travailler avec » plutôt que « pour ». Il y a eu des moments de doute, des inconforts, et des erreurs – mais ils ont été essentiels pour remettre en question mes réflexes et désapprendre certaines idées reçues. L’attitude analytique et réflexive que j’ai appris à développer dans mes cours en développement m’a été précieuse à plusieurs moments durant mon stage.
Sur le plan humain, je repars avec des liens sincères et durables. Les échanges informels avec mes collègues, les discussions autour d’un plat, les rires partagés malgré la barrière linguistique ou les différences culturelles, m’ont permis de me sentir réellement connectée. Même les moments de solitude ont eu leur place : ils m’ont permis de ralentir, de prendre du recul, et d’ancrer plus profondément mes intentions et mes valeurs. Ce stage n’a pas seulement confirmé mon intérêt pour les questions de justice sociale et d’autonomisation des femmes, il m’a aussi donné envie de m’impliquer plus activement dans des initiatives concrètes de changement, à l’échelle locale comme internationale. Il a renforcé ma conviction que les pratiques de développement doivent s’inscrire dans une perspective décoloniale, éthique, et fondée sur l’écoute. En quittant Bohicon, je ressens une profonde reconnaissance envers les personnes qui m’ont accueillie, accompagnée, formée. Je repars avec un regard plus nuancé, une posture plus humble, et surtout, une volonté renouvelée de contribuer à un monde plus équitable, pas en prétendant avoir les réponses, mais en m’engageant dans le dialogue, l’apprentissage, et la collaboration.
Merci à l’Université d’Ottawa, au CECI et à tous les partenaires locaux pour m’avoir offert cette opportunité d’apprentissage inestimable.
À la prochaine Bénin!
La photo du blog
La photo a été prise lors d'une visite sur le terrain dans le cadre de l'évaluation participative du projet visant à formaliser le secteur de la transformation du fromage de soja géré par des femmes rurales à Bohicon. Nous avons visité une coopérative locale où plusieurs femmes transformatrices sont venues à notre rencontre pour discuter de leur situation. Au cours de cette réunion, nous avons pris note des principales difficultés qu'elles rencontrent dans leur travail quotidien, notamment les défis liés à l'accès à l'équipement, à la qualité des matières premières, à la rentabilité de leur activité et aux conditions de stockage des produits. Elles nous ont également fait part de leurs solutions, basées sur leur expérience directe, telles que la mise en commun des ressources, l'accès à la formation technique et la création d'un cadre juridique pour mieux structurer leur activité. Cette visite sur le terrain nous a permis de mieux comprendre leurs besoins concrets, tout en plaçant leurs voix et leur expertise au centre du processus de conception du projet. Ce fut également un moment fort de mon stage, car il illustre parfaitement l'importance d'une approche inclusive et participative dans les projets de développement.