Des femmes africaines étaient assises et avaient une conversation.
Ce stage est bien plus qu'une mission de trois mois...

Emma Marleau, Développement international et mondialisation avec mineure en sciences politiques, 3ème année
Pays de stage : Bénin
ONG canadienne : CECI
ONG locale : Association Nationale des Femmes Agricultrices du Bénin

Il y a maintenant quelques semaines que j’ai posé mes valises à Bohicon, une ville du centre du Bénin, dans le cadre de mon stage avec le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), où j’occupe le poste d’agente en renforcement du pouvoir économique des femmes. Ce stage marque non seulement ma première expérience professionnelle en Afrique de l’Ouest, mais aussi un véritable plongeon dans un univers culturel, professionnel et personnel très différent de ce que je connaissais.

      Dès les premiers jours, j’ai remarqué que les gens sont très courtois et respectueux, mais aussi assez réservés. Les sourires, les salutations quotidiennes, et l’énergie qui anime le marché et les rues de la ville me donnent chaque jour un sentiment de bienveillance. Mon intégration au sein de l’équipe locale a été facilitée par la bonté de mes collègues, même si une certaine réserve demeure dans les interactions hors du cadre professionnel. Cela fait partie des réalités ici : les gens sont courtois, très occupés, et attachés à leur routine. Les liens sociaux prennent du temps à se construire, et cela peut être un peu déroutant au début. Mais avec le temps, on apprend à décoder les dynamiques locales, à s’adapter au rythme, et surtout à apprécier les interactions, même discrètes, qui finissent par créer un sentiment d’appartenance.

     Au travail, je collabore avec une ONG partenaire locale engagée dans l’autonomisation des femmes agricultrices. Notre mission consiste à appuyer les structures organisationnelles et à renforcer les capacités locales, en particulier sur les questions de plaidoyer et de gouvernance inclusive. Un des défis que j’ai observés (et auxquels je m’intéresse activement) est la tendance à travailler en silos. Cette réalité, bien que présente dans bien des contextes professionnels, prend ici une forme particulière : peu de discussions inter-équipes, peu de moments collectifs pour réfléchir ensemble. Pourtant, le potentiel est là. Nous avons commencé à réfléchir à des moyens de favoriser une meilleure collaboration, notamment par l’organisation d’ateliers participatifs et d’espaces d’échange plus informels. Professionnellement, je travaille principalement en gestion de projet, un domaine dans lequel j’ai déjà pu apprendre énormément. J’ai notamment participé à la rédaction de deux projets majeurs : le premier visait à promouvoir le leadership féminin au Bénin, en mettant en place des mécanismes d’accompagnement pour les femmes dans les espaces décisionnels. Le second projet portait sur la formalisation du travail des femmes rurales transformatrices de soja en fromage, un secteur clé pour l’autonomisation économique des femmes en milieu rural. Travailler sur ces initiatives m’a permis de concrétiser mes apprentissages universitaires et de mieux comprendre les défis liés à la structuration des organisations communautaires.

     Au-delà du travail, la solitude fait aussi partie du quotidien. Je passe beaucoup de temps seule, surtout après les heures de bureau. C’est un aspect du stage auquel je m’attendais, mais qui demande tout de même une certaine résilience. J’apprends à m’ancrer dans des routines qui me font du bien : marcher dans le quartier, lire sous le ventilateur, cuisiner avec les ingrédients locaux. Ce sont dans ces moments simples que je découvre le plus sur moi-même. Même si les premières semaines ont été très difficile – nouvelles méthodes de travail, différences culturelles, sentiment d’isolement, je remarque aujourd’hui combien cette expérience me transforme. Je développe non seulement de nouvelles compétences professionnelles, mais aussi une plus grande résilience, une autonomie renforcée, et une capacité d’adaptation que je n’aurais jamais cru possible avant de partir.

    Ce stage est bien plus qu’un simple mandat de trois mois. C’est une école de vie. Il me permet de mettre en pratique ce que j’ai appris en classe, notamment en matière de coopération internationale, de justice sociale et de décolonisation du développement. Il m’oblige à ralentir, à écouter, à remettre en question certaines de mes perceptions, et à m’ouvrir à des manières différentes de penser et d’agir. Je suis consciente que le chemin est encore long, et que plusieurs défis m’attendent au fil des prochaines semaines. Mais chaque jour ici me rend un peu plus patiente, plus adaptable, et plus sensible aux réalités locales qui ne se résument ni à des chiffres ni à des théories, mais à des visages, à des gestes, à des contextes profondément humains.

À la prochaine!

La photo du blogue

La photo a été prise lors d'une visite sur le terrain dans le cadre de l'évaluation participative du projet visant à formaliser le secteur de la transformation du fromage de soja géré par des femmes rurales à Bohicon. Nous avons visité une coopérative locale où plusieurs femmes transformatrices sont venues à notre rencontre pour discuter de leur situation. Au cours de cette réunion, nous avons pris note des principales difficultés qu'elles rencontrent dans leur travail quotidien, notamment les défis liés à l'accès à l'équipement, à la qualité des matières premières, à la rentabilité de leur activité et aux conditions de stockage des produits. Elles nous ont également fait part de leurs solutions, basées sur leur expérience directe, telles que la mise en commun des ressources, l'accès à la formation technique et la création d'un cadre juridique pour mieux structurer leur activité. Cette visite sur le terrain nous a permis de mieux comprendre leurs besoins concrets, tout en plaçant leurs voix et leur expertise au centre du processus de conception du projet. Ce fut également un moment fort de mon stage, car il illustre parfaitement l'importance d'une approche inclusive et participative dans les projets de développement.