Livres
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Tout a commencé par une question – et un besoin. Qu’arrive-t-il lorsqu’une communauté universitaire cherche à être plus inclusive, mais que beaucoup de ses membres ne se sentent pas adéquatement outillés pour bien comprendre les réalités des Premières Nations, des Métis et des Inuit? Et comment cette même communauté peut-elle prendre position sur la question des « fauxtochtones » (personnes qui prétendent être d’ascendance autochtone), qui fait de plus en plus l’objet de débats publics?

Brenda Macdougall, déléguée universitaire à la participation autochtone et directrice de l’Institut de recherche et d’études autochtones, a eu une idée. « Nous sommes dans un établissement universitaire, et les gens devraient aiguiser leurs connaissances et commencer à décrypter eux-mêmes l’information, se disait-elle. Ce serait utile de lire des œuvres littéraires autochtones et de créer un espace pour un vrai dialogue. »

Cette idée a donné naissance au club de lecture autochtone, une initiative qui rassemble les gens pour développer leur sens critique par des lectures communes et des discussions constructives. Ce qui a commencé par un projet pilote a rapidement évolué, avec une nouvelle phase en cours de préparation et d’autres occasions d’apprentissage en perspective.

Format et approche du club de lecture autochtone

Deux groupes distincts, l’un francophone et l’autre anglophone, ont participé à six séances de discussions à raison d’une fois toutes les deux semaines. Dans la mesure du possible, les personnes participantes se sont vues remettre des livres traduits dans les deux langues. Chaque groupe était animé par Augatnaaq Eccles d’abord, puis par Danielle Roy, qui ont contribué à créer un espace accueillant où chaque personne pouvait s’exprimer librement, poser des questions et donner leur opinion – sans jugement – sur des sujets délicats.

Plutôt que d’organiser une série de conférences, la professeure Macdougall a opté pour des lectures communes et des ateliers de discussion. Elle alternait volontairement entre des œuvres de fiction et de non-fiction : des textes issus de la recherche pour se familiariser avec le contexte historique et différents concepts, et des récits créatifs pour rendre compte de l’expérience vécue et des ressentis. Cette approche à deux volets pour aborder les réalités autochtones a permis aux personnes participantes de se sentir interpellées intellectuellement et personnellement.

Chaque séance portait sur un thème en particulier, guidant le groupe à travers un enchaînement réfléchi de sujets. Les discussions se sont déroulées sous forme de table ronde en présentiel, souvent autour d’un café, d’un thé et de collations savoureusement préparées par la cheffe pâtissière de la pâtisserie Kisisâm, Dominique Lalonde, qui est originaire de la Première Nation Oji-Cree de Sachigo Lake. Le cadre était détendu, mais les conversations étaient profondes et stimulantes.

Qu’ont appris les personnes présentes?

Le club de lecture a réuni des membres de la communauté universitaire aux profils et aux degrés d’expertise variés. Les discussions favorisaient l’introspection et la réflexion. Une personne a affirmé que le club lui avait donné les outils et la confiance nécessaires pour aborder des conversations qu’elle avait longtemps évitées. D’autres ont exprimé le souhait d’approfondir davantage certains sujets à l’avenir.

« L’un des éléments les plus marquants que j’ai retenus du club de lecture, c’est l’ampleur du phénomène des fauxtochtones et de ses effets dommageables », raconte Kelly-Anne Maddox, conseillère principale en recherche à la Faculté des arts.

L’écho des discussions s’est fait sentir bien au-delà du cadre des séances. Lors d’événements culturels autochtones en ville, des liens ont commencé à se tisser entre certaines personnes qui ont participé au club de lecture. Certaines ont même demandé s’il était possible d’organiser des conversations plus ciblées sur des enjeux précis. « Toute personne qui le souhaite peut prendre part à ces occasions d’apprentissage », explique Brenda Macdougall. « L’objectif est de bâtir une communauté en misant sur un dialogue sincère. »

Brenda Macdougall

« Toute personne qui le souhaite [peut] prendre part à ces occasions d’apprentissage. L’objectif est de bâtir une communauté en misant sur un dialogue sincère. »

Brenda Macdougall

— Directrice de l’Institut de recherche et d’études autochtones

À l’horizon

Une deuxième édition du club de lecture en français et en anglais est prévue pour l’automne, suivie d’une troisième en hiver, qui s’échelonnera sur toute la durée du trimestre universitaire. La professeure Macdougall envisage également d’autres formats, comme des groupes de lecture thématiques, des discussions sur des articles publiés ou des projections de films. Le but n’est pas de remplacer la formule actuelle, mais de diversifier les approches pour maintenir l’intérêt et reconnaître qu’il existe différentes façons d’apprendre et que certaines personnes souhaitent poursuivre leur engagement en poussant la réflexion plus loin.

La professeure rappelle que le projet a vu le jour grâce au soutien de plusieurs collègues. L’équipe du Bureau des affaires autochtones, et plus particulièrement Tareyn Johnson et Darren Sutherland, a joué un rôle clé par la formulation de commentaires constructifs et de perspectives éclairantes pendant la phase de planification. « L’équipe m’a apporté une aide précieuse, tout en me laissant la liberté de mener le projet à ma façon », explique-t-elle. Elle a également souligné l’apport de l’équipe des communications centrales et du personnel responsable de la coordination des événements, dont l’expertise a été requise pour la logistique et la promotion de l’initiative. « Voilà qui montre la force des communautés de travail – parce qu’on peut compter sur l’entraide. »

Ce qui au départ était une simple idée s’est transformé en projet ambitieux : créer un espace propice aux échanges culturels où s’exprime une volonté partagée de mieux comprendre pour développer son esprit critique.

Corpus de lecture : Livres sur l’identité autochtone et le prétendianisme

Systèmes de savoirs des Inuit

  • Inuit Qaujimajatuqangit : Ce que les Inuits savent depuis toujours – Joe Karetak, Frank Tester et Shirley Tagalik (Inuit Qaujimajatuqangit: What Inuit Have Always Known to Be True)
  • Croc fendu – Tanya Tagaq
    (Split Tooth)

Premières Nations

  • Structures d’indifférence : Vie et mort d’un Autochtone dans une ville canadienne – Mary Jane Logan McCallum et Adele Perry (Structures of Indifference: An Indigenous Life and Death in a Canadian City)
  • Chroniques de Kitchike – Louis-Karl Picard-Sioui
    (The Chronicles of Kitchike)

Métis

  • Métis: Race, Recognition, and the Struggle for Indigenous Peoplehood – Chris Andersen
  • Ligne brisée et Les femmes Stranger – Katherena Vermette
    (The Break and The Strangers)

Comprendre l’autochtonie

  • Écrits autochtones : Comprendre les enjeux des Premières Nations, des Métis et des Inuit au Canada – Chelsea Vowel (Indigenous Writes: A Guide to First Nations, Métis, & Inuit Issues in Canada)
  • Truth Telling: Seven Conversations about Indigenous Life in Canada – Michelle Good

     

Ouvrages universitaires sur le prétendianisme

  • Native American DNA: Tribal Belonging and the False Promise of Genetic Science – Kim TallBear
  • Ascendance détournée : Quand les Blancs revendiquent une identité autochtone – Darryl Leroux
    (Distorted DescentWhite Claims to Indigenous Identity)

Le prétendianisme dans l’actualité

  • Lectures libres et discussions portant sur des publications et reportages récents dans les médias