Du lait dans votre vodka?

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Jessica Gaudet debout à l'intérieur de la distillerie.
Les recherches de Jessica Gaudet ouvrent de nouveaux horizons pour l’industrie laitière.


Par Johanne Adam

Peut-on fabriquer de la vodka avec les déchets de la production de beurre, de fromage et de crème glacée? C’est ce qu’a voulu savoir Omid McDonald, un entrepreneur d’Ottawa qui cherchait une façon inédite de produire de l’alcool.

Il avait en tête de valoriser le perméat de lait, une substance qui est délaissée en grande quantité par les fabricants de produits laitiers.

« Le perméat contient beaucoup de sucre, et je me disais qu’on pourrait en tirer profit », explique l’entrepreneur. « Il faut savoir que les producteurs laitiers paient très cher pour se débarrasser de cette substance, car si elle est déversée dans la nature, elle peut causer d’énormes dégâts environnementaux. »

Dans sa quête de réponses, Omid McDonald s’est tourné vers son alma mater, où il a rencontré Alexandre Poulain, professeur au Département de biologie. Intrigué, ce dernier a sauté à pieds joints dans l’aventure en compagnie de Jessica Gaudet, une étudiante en biologie.

« J’ai lancé le défi à Jessica, car elle est déterminée et je la savais capable de foncer dans cette recherche originale, fait valoir le professeur Poulain. Dans notre métier, si ça suscite notre intérêt et que ça pique notre curiosité, on y va! »

 

Le défi

Alexandre et Jessica devaient d’abord dénicher une levure capable de consommer le sucre présent dans le perméat, puis optimiser les conditions de fermentation conduisant à la production d’un spiritueux de qualité.

Ils ne pouvaient pas se rabattre sur les levures employées dans la fermentation de la bière ou du vin, car elles sont inefficaces avec le perméat. Les levures potentiellement utiles sont plus complexes, puisqu’elles s’activent uniquement dans un environnement exempt d’oxygène : un contexte très familier pour le professeur Poulain, qui étudie le métabolisme des microorganismes adaptés à vivre sans oxygène.

« Ça prenait des compétences et une instrumentation bien particulières pour venir en aide à Omid, car l’oxygène est partout », souligne le professeur.

Dès l’été 2016, une douzaine de levures commerciales sont testées à l’Université. Une seule est retenue.

C’est à ce moment qu’entre en scène Jessica Gaudet, embauchée en 2017 comme stagiaire au laboratoire de biologie. Son mandat : optimiser les conditions de fermentation et le rendement de la production d’alcool.

 

Eurêka!

Des centaines de litres de perméat servent aux expérimentations de Jessica avant qu’elle n’obtienne la bonne formule. Un échantillon de spiritueux produit en laboratoire est aussitôt envoyé à la Liquor Control Board of Ontario (LCBO), qui affirme que le produit est propre à la consommation humaine.

Ces quelques millilitres d’alcool permettent à Omid McDonald d’obtenir le financement nécessaire à la construction d’une distillerie sur un terrain qu’il a acquis à Almonte, en Ontario. Une nouvelle entreprise voit le jour : Dairy Distillery, qui produit depuis l’automne 2018 la Vodkow.

Dès la fin de son baccalauréat en 2018, Jessica poursuit son travail à la distillerie, où M. McDonald lui propose un emploi à temps partiel.

« J’avais produit de petites quantités de vodka en laboratoire, alors il me fallait ajuster les processus de fermentation pour des cuves de 2000 litres. »

Jessica n’avait jamais envisagé de faire de recherche en laboratoire, et encore moins d’entamer des études supérieures. Cependant, cette expérience auprès d’un industriel lui a carrément donné la piqure, si bien qu’elle commencera une maîtrise en janvier 2019.

« Je vais tenter de rendre plus efficace le processus de fermentation afin d’en augmenter le rendement », explique l’étudiante. « J’aimerais aussi déterminer la composition moléculaire de la Vodkow, afin de découvrir les secrets de son goût si unique. »

 

Les biocarburants : un nouveau débouché pour les producteurs laitiers?

Cette collaboration avec l’industrie et les discussions avec M. McDonald stimulent l’imagination du professeur Poulain, qui envisage de nouvelles filières d’exploitation du perméat.

« Une filière possible serait la production de biocarburants. On ne peut valoriser qu’une partie des déchets produits par l’industrie laitière en fabriquant de la vodka. Il faudrait en consommer des quantités astronomiques pour écouler l’ensemble de ces restes. »

Les recherches de Jessica Gaudet permettront de déterminer la viabilité d’un tel projet. Qui sait? L’étudiante ouvrira peut-être de nouveaux marchés aux producteurs laitiers.

 

 

Alexandre Poulain et Jessica Gaudet

Eureka!

Jessica used hundreds of litres of permeate before she got the right formula. A sample of the spirits produced in the lab was then sent to the LCBO, which confirmed that the product was fit for human consumption.

These few millilitres of alcohol enabled McDonald to get the funding he needed to build a facility on land he had purchased in Almonte, Ontario. A new business was born: Dairy Distillery, which has been producing Vodkow since fall 2018.

When she completed her bachelor’s in 2018, Gaudet continued working at the distillery, where McDonald offered her a part-time job.

“I had produced small quantities of vodka in the laboratory, so I had to adjust the fermentation process for 2,000-litre vats.”

Gaudet had never imagined doing research in a lab, much less taking on graduate studies. But her experience in industry with McDonald gave her the bug, so much so that she’s starting a master’s in January 2019.

“I will try to make the fermentation process more efficient, to increase output,” she explains. “I would also like to determine the molecular composition of Vodkow, to discover the secret of its very unique taste.”

Biofuel: A new outlet for dairy producers?

His collaboration with industry and discussions with McDonald now have Poulain thinking of new ways to use permeate.

“One possible outlet would be biofuel production,” he says. “Producing vodka, you can only make something out of a part of the waste generated by the diary industry. You’d have to consume astronomical quantities of it to use up all of the residue.”

Gaudet’s research will help determine the viability of such a project. Who knows? Maybe her work will open new markets for dairy producers.

Omid McDonald