Chaque salle de classe, qu’elle soit virtuelle ou non, devient un espace de réflexion critique, d’empathie et de croissance personnelle. « À mes yeux, les étudiantes et étudiants ne sont pas des noms et des numéros sur une feuille : ce sont des êtres humains uniques, intéressants et complexes », dit-elle. Cette perspective se reflète dans son travail en tant que professeure à temps partiel à l’Université d’Ottawa, où elle enseigne des cours sur les cultures de l’Amérique latine et l’histoire, la migration et les groupes vulnérables à la Faculté des arts et à la Faculté des sciences sociales.
Lauréate du Prix de la professeure à temps partiel de l’année en 2024-2025, Guadalupe Escalante Rengifo voit dans l’enseignement un dialogue constant. C’est un processus relationnel façonné par l’écoute, la réflexion et le courage de changer. « Pour moi, l’enseignement n’est pas seulement une profession, c’est une vocation », affirme-t-elle. Et pour celles et ceux qui apprennent avec elle, c’est aussi une invitation à poser des questions, à créer des liens et à imaginer un avenir plus juste.
Son histoire montre qu’un enseignement inclusif ancré dans la recherche et l’empathie peut laisser une impression durable, et pas seulement dans la salle de cours.
Cultiver une mentalité de recherche en classe
La professeure Escalante Rengifo possède un bagage interdisciplinaire qui couvre l’histoire, l’étude des médias, le journalisme et la littérature latino-américaine et insuffle à son enseignement une volonté profonde de créer des liens entre la théorie et le vécu. Chaque cours, qu’il porte sur les mouvements de résistance coloniale ou sur les aspects complexes de la migration forcée, est pour elle une occasion de jeter des ponts entre la recherche et les réalités du quotidien.
Tôt dans sa carrière, elle a vécu un moment charnière quand les étudiantes et étudiants d’un cours très théorique lui ont confié qu’ils n’arrivaient pas à s’approprier les contenus. Au lieu d’ignorer leurs préoccupations, elle a changé d’approche : elle leur a présenté des films et des textes culturels pour démontrer comment la théorie s’applique dans la pratique. D’une certaine façon, elle a utilisé sa mentalité de chercheuse dans la classe en rapprochant des théories et des faits, ce qu’elle n’a jamais cessé de faire dans ses cours depuis. « Les étudiantes et étudiants apprennent mieux quand ils peuvent faire des liens entre les nouvelles connaissances et les connaissances antérieures, et quand ils peuvent les utiliser au quotidien dans leur vie personnelle ou professionnelle », explique-t-elle.

« Les étudiantes et étudiants apprennent mieux quand ils peuvent les utiliser au quotidien dans leur vie personnelle ou professionnelle. »
La professeure Guadalupe Escalante Rengifo
— Lauréate du Prix de la professeure à temps partiel de l’année
Ses recherches actuelles portent sur la migration forcée, le cosmopolitisme et la mémoire dans la littérature latino-américaine, et elle intègre directement cette perspective dans ses cours. En utilisant des études de cas, des artefacts culturels et des expériences qu’elle a elle-même vécues quand elle était journaliste au Pérou, elle aborde les thèmes du pouvoir, de l’identité et de la violence systémique non pas comme des concepts abstraits, mais comme des réalités concrètes. Sa classe devient ainsi une sorte de laboratoire du monde réel axé sur la recherche collaborative et la pensée critique.
Des leçons pour la vie
Ce qui compte pour la professeure Escalante Rengifo, ce n’est pas ce qu’on apprend, mais les leçons qu’on en tire à plus long terme. Dans ses cours, elle aborde l’histoire et la politique latino-américaine, mais elle invite aussi celles et ceux qui l’écoutent à réfléchir à l’identité, à l’appartenance et aux forces qui influencent les perceptions que l’on a des autres et de nous-même.
Ces réflexions trouvent un écho particulièrement fort auprès des étudiantes et étudiants d’origine latino-américaine, dont une grande partie sont nés au Canada. Souvent, elles leur permettent de reconnecter avec leurs racines par la langue, certes, mais aussi par une meilleure compréhension du contexte culturel et historique. Certains d’entre eux l’ont même remerciée de les avoir aidés à redécouvrir une partie de leur histoire familiale. D’autres la suivent d’un département à l’autre pour poursuivre leur formation dans différentes disciplines.
Son engagement en faveur de l’apprentissage axé sur les apprenantes et apprenants ne se limite pas à la salle de cours. Ces dernières années, elle a encouragé sa classe à explorer certains sujets au moyen de formats créatifs destinés au public comme des balados, des expositions numériques et des courts-métrages. On peut notamment citer comme exemple l’exposition numérique Agency: Cultures and Histories in Latin America, organisée par la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa sur la plateforme Omeka, qui présente des travaux réalisés par des étudiantes et étudiants sur les voix, la résistance et les mouvements latino-américains. Plus qu’un outil de littératie numérique, le projet donne aux personnes participantes la possibilité de s’approprier leur travail et de créer des connaissances au lieu d’absorber passivement celles qu’on leur transmet.
Les cours donnés par la professeure Escalante Rengifo laissent un héritage durable tant sur le plan intellectuel que personnel. Les étudiantes et étudiants acquièrent de nouveaux outils et approfondissent leur réflexion. Ils développent aussi une meilleure compréhension de qui ils sont, de qui ils souhaitent devenir et des liens qu’ils peuvent tisser en adoptant envers autrui une attitude inclusive, respectueuse et empathique.
La classe comme espace d’apprentissage et d’adaptation à l’IA
La professeure Escalante Rengifo utilise les nouvelles technologies, notamment les systèmes de gestion de l’apprentissage, les plateformes collaboratives et les outils numériques comme Omeka, mais elle croit fermement qu’elles doivent être mises au service de la pensée critique, et non la remplacer. « On doit apprendre à tirer parti de la technologie sans la laisser réfléchir à notre place ni faire de nous des accessoires », dit-elle à sa classe. Une fois de plus, elle canalise ce besoin de créativité dans l’expérience d’apprentissage.
La salle de cours se transforme en espace de co-création dans lequel les idées sont mises à l’essai, les hypothèses sont remises en question et les étudiantes et étudiants participent activement à leur propre éducation. Cette approche est encore plus cruciale à notre époque, qu’elle décrit comme « l’ère de l’après-pandémie et de l’intelligence artificielle », où la motivation peut faiblir et où l’attention est fragmentée.
Dans tout ce qu’elle fait, qu’il s’agisse d’aider ses groupes à créer leur première exposition numérique ou de parler des liens entre l’histoire et les débats contemporains sur la migration et la race, la professeure aborde l’apprentissage comme une responsabilité partagée ancrée dans le respect mutuel. « Les pédagogues doivent aussi se sentir motivés par leurs étudiantes et étudiants, soutient-elle. L’enseignement est un cheminement continu qui exige de faire preuve d’humilité et de souplesse et d’avoir la volonté d’apprendre. »