Personnages en papier découpé se tenant ensemble, symbolisant la solidarité et l’harmonie.
Les microagressions fondées sur la race, ces petits affronts quotidiens que l’on peut penser à tort bénins mais qui sont lourds de conséquences au chapitre émotionnel, sont de plus en plus reconnues à travers le Canada comme un obstacle à l’inclusion aux études supérieures. Elles minent la santé mentale et le sentiment d’appartenance des étudiantes et étudiants, où qu’elles se produisent.

Une nouvelle étude menée par Monnica Williams, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les disparités en santé mentale et professeure de psychologie à l’Université d’Ottawa, met en lumière cette réalité souvent négligée. S’appuyant sur les expériences de plus de 400 étudiantes et étudiants autochtones, noirs et de couleur (PANDC), cette étude tire des conclusions qui résonnent à travers le paysage de l’éducation postsecondaire.

Les préjugés quotidiens et leurs ravages émotionnels

Les microagressions prennent plusieurs formes : une question anodine, une blague irréfléchie ou une supposition tenace sur l’identité d’une personne. Dans l’étude, près de 40 % des étudiantes et étudiants ont déclaré se sentir contraints de s’afficher moins ouvertement afin de se fondre dans la masse, que ce soit en lien avec leur langue, leur tenue vestimentaire ou leurs traditions culturelles. Beaucoup ont expliqué qu’on les traite comme des personnes étrangères, citant en exemple une question qui revient très souvent : « D’où viens-tu vraiment? »

La professeure Williams est claire : « Ce ne sont pas des incidents isolés. Ils témoignent de dynamiques structurelles bien ancrées sur de nombreux campus. » Une personne s’est exprimée sans détour : « J’ai parfois l’impression que les gens voient à travers moi, ou qu’ils ne me voient pas comme une vraie personne en raison de ma race. »

Ce sentiment d’invisibilité est appuyé par les données. En effet, près de 39 % des personnes interrogées ont qualifié comme « assez problématiques ou extrêmement problématiques » les relations raciales sur le campus et près des trois quarts ont affirmé ne pas savoir comment signaler officiellement un cas de discrimination.

Conséquences sur la santé mentale et stratégies d’adaptation des étudiantes et étudiants

Les microagressions ont un effet cumulatif mesurable et profondément dommageable. L’étude a établi des liens importants entre l’exposition à ces phénomènes et les symptômes de dépression, d’anxiété et de traumatisme racial. Parmi les étudiantes et les étudiants noirs, 77 % ont obtenu une note supérieure au seuil clinique du traumatisme racial. Ce pourcentage s’élève à 65 % chez la population étudiante asiatique.

Une personne interrogée a avoué avoir été contrainte de prendre une pause au milieu du questionnaire, juste avant de fondre en larmes et de revivre toute son anxiété.

La majorité des étudiantes et étudiants ont indiqué se tourner vers leurs amies et amis (84 %) ou leur famille (51 %) pour obtenir du réconfort. Moins d’une personne sur cinq a sollicité l’aide des services de santé mentale du campus, citant souvent des préoccupations liées à la confiance ou à la sensibilité culturelle. Le rapport souligne le fait que même si les réseaux personnels sont une ressource indispensable, ils ne peuvent pas remplacer les changements institutionnels réclamés par la population étudiante.

La recherche en action : une feuille de route vers l’avenir

La professeure Williams et son équipe ont créé une feuille de route du changement qui comprend les points suivants :

  • Formation périodique sur l’antiracisme et les préjugés inconscients destinée à la communauté étudiante, au corps professoral et au personnel.
  • Mécanismes de signalement clairs, accessibles et très visiblement annoncés pour les cas de discrimination et de harcèlement.
  • Embauche et rétention d’un plus grand nombre de membres PANDC du corps professoral et du personnel, à l’image de la population étudiante.
  • Élargissement de l’offre de soins de santé mentale adaptés à la culture grâce à des conseillères et conseillers formés et à une réduction des obstacles à l’accès.
  • Création d’espaces culturels et communautaires réservés qui contribuent à l’affirmation de l’identité des étudiantes et étudiants et favorisent leur sentiment d’appartenance.

Le rapport précise que « les universités doivent aller au-delà des déclarations sur la diversité pour s’attaquer aux réalités vécues par leurs étudiantes et étudiants ».

Sur le campus, les résultats de l’étude soutiennent aussi l’adhésion de l’Université aux principes d’équité, de diversité et d’inclusion et son engagement à favoriser un environnement sécuritaire et inclusif pour l’ensemble de la population étudiante.

Un appel à la visibilité et au changement

Bien que l’étude concerne l’Université d’Ottawa, ses conclusions s’appliquent à toutes les universités canadiennes. De toute évidence, la quête de la communauté étudiante PANDC n’en est pas une de simple tolérance, mais bien de visibilité, de respect et d’épanouissement.

« Le message des étudiantes et étudiants est clair », explique la professeure Williams. « Au-delà de l’inclusion, ce que ces personnes souhaitent, c’est de pouvoir s’accomplir. Cette recherche se veut un modèle pour un avenir meilleur. »

Monnica Williams

« Le message des étudiantes et étudiants est clair. Au-delà de l’inclusion, ces personnes souhaitent, de pouvoir s’accomplir. Cette recherche se veut un modèle pour un avenir meilleur. »

Monnica Williams

— Chaire de recherche du Canada sur les disparités en santé mentale et professeure de psychologie

Aide et ressources

Pour en savoir plus, trouver des services de soutien ou participer à des initiatives d’équité, explorez le Carrefour antiracisme et antihaine de l’Université d’Ottawa. Vous y trouverez des outils, de la formation et de l’information qui vous aideront à bâtir un campus plus inclusif et respectueux pour tout le monde.