Le professeur Matthew Pamenter, qui porte un t-shirt gris, tient quatre bébés tortues dans sa main. Les bébés se sont retrouvés isolés à marée basse sur la Grande Barrière de corail.
Découvrez les recherches révolutionnaires que mène le professeur Matthew Pamenter avec des spécialistes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour explorer l’effet de l’hypoxie sur le système immunitaire des poissons. Ces travaux permettront de protéger les populations de poissons du Canada et d’assurer la sécurité alimentaire dans le contexte des changements climatiques.

L’hypoxie, une diminution de la concentration d’oxygène, pose de graves problèmes pour la plupart des organismes vivants. Des plantes aux animaux en passant par les micro-organismes, peu survivent dans un environnement à faible teneur en oxygène. De nombreux habitats hypoxiques sont aquatiques, et à mesure que les températures mondiales augmentent et que les concentrations en oxygène des océans diminuent, il devient de plus en plus important de comprendre comment les poissons s’adaptent pour favoriser la survie des espèces et la stabilité des écosystèmes.

Les adaptations métaboliques, respiratoires et cardiovasculaires qui permettent à certaines espèces de vivre dans des environnements à faible teneur en oxygène font l’objet de vastes études, mais l’effet de l’hypoxie sur le système immunitaire demeure en grande partie inexploré. Le professeur Matthew Pamenter rattrape aujourd’hui ce retard. En partenariat avec des spécialistes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, il dirige des recherches novatrices sur le lien entre l’hypoxie et le système immunitaire des poissons.

Le professeur Pamenter a commencé à s’intéresser à l’hypoxie pendant ses études doctorales à l’Université de Toronto, où il s’est penché sur la tolérance du cerveau des tortues à une perte d’oxygène complète. Dans le cadre des études postdoctorales qu’il a faites en Californie et en Colombie-Britannique, il s’est intéressé à la mort cellulaire induite par accident vasculaire cérébral et à la plasticité cérébrale chez les rongeurs. Aujourd’hui, il examine l’influence des conditions de faible oxygène sur le système immunitaire des poissons.

« L’effet de l’hypoxie sur le système immunitaire est l’une des questions les plus importantes que nous explorons dans mon laboratoire, souligne Matthew Pamenter. Bon nombre d’espèces tolérantes à l’hypoxie abaissent leur taux métabolique dans un environnement à faible teneur en oxygène pour conserver leur énergie, mais les réponses immunitaires demandent beaucoup d’énergie. Nous voulons comprendre comment les animaux adaptés à ces environnements équilibrent leur dépense énergétique et leur fonction immunitaire, notamment parce que ces conditions pourraient devenir plus fréquentes dans les cours d’eau du Canada. »


Dans cette optique, le professeur Pamenter a entrepris une importante collaboration internationale avec les professeurs Tony Hickey (Nouvelle-Zélande) et Gillian Renshaw (Australie). Leur projet s’intitule « Explorer l’influence des changements climatiques sur le recoupement de l’immunité et de la température chez les poissons et les requins du Pacifique tolérants à l’hypoxie ».Ensemble, ils étudient comment les changements climatiques pourraient modifier la réaction immunitaire des espèces de poissons qui vivent dans des eaux à faible teneur en oxygène.

Des chercheuses et chercheurs pataugent dans des eaux côtières peu profondes en période de marée basse et utilisent des sennes pour capturer des raies-guitare à museau plat afin de les étudier. Des eaux turquoise et un récif sont visibles en arrière-plan.
Des chercheuses et chercheurs pataugent dans des eaux côtières peu profondes en période de marée basse et utilisent des sennes pour capturer des raies-guitare à museau plat afin de les étudier

En exposant ces espèces à des conditions hypoxiques et en analysant leurs réactions immunitaires, les chercheuses et chercheurs souhaitent faire la lumière sur les mécanismes biologiques qui permettent à certains poissons de résister à ces environnements hostiles. Leurs découvertes pourraient contribuer à mettre au point de nouvelles stratégies pour protéger les espèces qui vivent près des côtes du Canada et qui doivent composer avec le réchauffement des eaux et les conditions hypoxiques de plus en plus fréquentes.

Les professeurs Hickey et Renshaw, qui étudient ces poissons depuis plusieurs décennies, possèdent des connaissances essentielles sur leur physiologie, leur comportement et leur écologie. « Leurs vastes connaissances sur la réponse des mitochondries et du système cardiaque de ces espèces à l’hypoxie nous ont donné une solide base scientifique », fait remarquer le professeur Pamenter.

Une raie-guitare à museau plat nage dans un réservoir lors d’une étude sur la tolérance hypoxique. Cette espèce est plus sensible aux conditions de faible teneur en oxygène que le requin-chabot ocellé.
Une raie-guitare à museau plat nage dans un réservoir lors d’une étude sur la tolérance hypoxique.

Cette collaboration a également facilité l’accès à des installations uniques, y compris la station de recherche de Heron Island sur la Grande Barrière de corail australienne. L’équipe a d’ailleurs pu y étudier des espèces protégées dans leurs habitats naturels – une occasion qui n’aurait pas été possible sans le soutien de partenaires internationaux.

Le projet est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) par l’entremise de son programme Alliance, volet International, ainsi que par la Royal Society of New Zealand Te Apārangi. Ces investissements ont permis à l’équipe de prolonger l’échéancier du projet, d’accroître la portée des recherches et de faire participer plus d’étudiantes et d’étudiants et plus de chercheuses et chercheurs postdoctoraux. « Ce financement s’avère essentiel, ajoute le professeur Pamenter. Il nous a permis d’agrandir notre équipe et d’aborder un éventail plus large de questions, ce qui accroît la portée de nos recherches. »

Les retombées de cette recherche sont vastes, en particulier pour le secteur canadien des pêches. En comprenant l’effet de l’hypoxie sur le système immunitaire des poissons, on peut aider à orienter les pratiques de gestion pour soutenir la santé et la durabilité d’importantes espèces, comme le saumon de la Colombie-Britannique. Ces données sont particulièrement importantes pour assurer la sécurité alimentaire au Canada, notamment dans les communautés autochtones et d’autres régions qui dépendent beaucoup de la pêche.

Même si les recherches ont déjà permis d’obtenir de précieux résultats, ce n’est que le début. Chaque découverte suscite de nouvelles questions et ouvre de nouvelles voies d’exploration. Forts d’une solide collaboration internationale, d’un financement réservé et d’une détermination commune à faire progresser les connaissances, les membres de l’équipe s’emploient à découvrir comment les poissons peuvent survivre – et même bien se porter – dans un monde de plus en plus pauvre en oxygène. Ensemble, ils s’attaquent à des menaces écologiques urgentes d’une importance mondiale.

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