L’intrication quantique, autrefois qualifiée « d’action étrange à distance » par Albert Einstein, est maintenant un phénomène bien établi, qui décrit comment deux particules subatomiques peuvent être si étroitement liées qu’un changement provoqué sur l’une affecte instantanément l’autre, même à des milliards d’années-lumière de distance. Malgré le scepticisme d’Einstein, des décennies d’expériences ont confirmé ce phénomène, ce qui nous a permis de mieux comprendre les éléments constitutifs de notre univers.

Toutefois, l’intrication quantique a ses limites. L’une d’entre elles, connue sous le nom de « borne de Tsirelson », définit la force maximale des corrélations entre les particules intriquées. La mécanique quantique admet des corrélations plus fortes que tout ce que prédit la physique classique; toutefois, ces corrélations ont une limite supérieure.
Mais qu’arriverait-il si des corrélations encore plus fortes étaient possibles? La professeure Anne Broadbent explore cette question audacieuse. En collaboration avec Pierre Botteron, doctorant à l’Université de Toulouse, et Marc-Olivier Proulx, diplômé de la maîtrise à l’Université d’Ottawa, la professeure Broadbent étudie les boîtes non locales, des outils théoriques qui permettent de repousser les limites de la mécanique quantique.
« Les boîtes non locales remuent les fondements mêmes de la physique, explique la professeure Broadbent. Elles nous obligent à envisager un nouveau monde au-delà de la mécanique quantique et à nous demander quels principes le régiraient. C’est une aventure en territoire inconnu, où nous remettons en question la trame même de la réalité et cherchons à redéfinir notre compréhension de l’univers. »

Ces travaux révolutionnaires, publiés dans Physical Review Letters sous le titre « Extending the Known Region of Nonlocal Boxes that Collapse Communication Complexity » (Extension de l’espace connu des boîtes non locales pour réduire la complexité de la communication), remet en question les fondements mêmes de la mécanique quantique, repoussant les limites de la physique connue.
Mais comment cette recherche théorique se traduit-elle en applications pratiques? En étudiant les boîtes non locales, la professeure Broadbent et son équipe découvrent des méthodes pour réduire la complexité de la communication. Ces connaissances pourraient accroître l’efficacité des réseaux, améliorer le rendement des systèmes informatiques distribués et déboucher sur des technologies plus rapides et plus puissantes dans des domaines comme la logistique et les télécommunications.
Leurs recherches constituent également un magnifique exemple de la force des partenariats internationaux. La professeure Broadbent et Pierre Botteron se sont rencontrés pour la première fois en 2019 dans le cadre d’un programme de collaboration entre l’Université d’Ottawa et l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, où M. Botteron étudiait. Son premier stage avait été annulé en raison de la pandémie de COVID-19, mais la professeure Broadbent l’a aidé à en trouver un autre à Toulouse et l’a ensuite accueilli à Ottawa pour un second stage.
Ce qui était au départ un projet de thèse de maîtrise s’est depuis transformé en un solide partenariat international. Pierre Botteron effectue actuellement un doctorat à l’Université de Toulouse sous la direction d’Ion Nechita et de Clément Pellegrini, en collaboration avec l’Université d’Ottawa. Leurs travaux ont déjà permis de réaliser de nouvelles percées dans le domaine de la complexité de la communication. Denis Rochette, nouvellement titulaire d’un doctorat de l’Université de Toulouse et maintenant chercheur postdoctoral à l’Université d’Ottawa, s’est joint au partenariat. Ensemble, ces personnes font progresser la science grâce à un échange dynamique d’idées et inspirent toute une nouvelle génération d’étudiantes et d’étudiants. Comme le souligne la professeure Broadbent, « travailler en partenariat donne de la vie au laboratoire et au groupe de recherche, ouvre des perspectives et apporte une expertise complémentaire ».
La collaboration est financée par une subvention Catalyseur en quantique du programme Alliance, volet International du CRSNG et fait partie du Réseau Canada France Quantum Alliance (CAFQA).
Marc-Olivier Proulx et Pierre Botteron ont tous deux joué un rôle essentiel dans cette recherche. Les premiers travaux de M. Proulx sur la complexité de la communication ont été l’étincelle à l’origine du projet, tandis que la volonté de M. Botteron d’acquérir une expérience internationale a consolidé les liens de collaboration entre les deux pays.
« On sous-estime souvent le fait que les collaborations internationales ne naissent pas toujours en haut de l’échelle, fait remarquer la professeure Broadbent. Tout a commencé par une thèse de maîtrise. » Les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs préparent souvent le terrain pour les grandes percées, insiste-t-elle. Dans le cas présent, leur curiosité et leur sens de l’initiative ont déclenché une collaboration durable entre le Canada et la France, collaboration qui est en train de redéfinir notre compréhension de la physique et l’avenir de la technologie.
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