L’un des plus grands privilèges de la fonction de doyen est de pouvoir échanger avec des professeures et professeurs qui sont sur le point de prendre leur retraite et qui s’interrogent sur le sens et les fruits d’une carrière bien remplie. Bien souvent, leur plus grande fierté réside dans les réalisations de leurs étudiantes et étudiants.
Quand je suis arrivé au décanat de la Faculté des arts en provenance du monde de la recherche et de la création de savoirs, en tant que titulaire d’une chaire de recherche du Canada et vice-recteur associé à la recherche, j’ai rapidement compris que le rôle de doyen différait fondamentalement : la priorité des priorités, ce sont les étudiantes et les étudiants, ainsi que les cours et programmes qui les préparent à réussir tant sur le plan professionnel que personnel.
Alors que mon mandat de doyen touche à sa fin, mes souvenirs les plus marquants demeurent également liés aux étudiantes et étudiants, et les réalisations qui sont les leurs. Cette dernière année, j’ai beaucoup réfléchi à l’avenir qui les attend, dans un monde de plus en plus régi par les algorithmes et l’intelligence artificielle. Ce sujet revenait fréquemment dans nos discussions au sein de l’équipe du décanat.
Je me suis en partie appuyé sur les travaux de Joseph Aoun, recteur de la Northeastern University. À sa parution en 2017, son ouvrage Robot-Proof: Higher Education in the Age of Artificial Intelligence m’avait semblé relever de la spéculation ; en 2025, il constitue un véritable appel à l’action. Devant l’essor fulgurant de l’IA, Aoun propose un modèle de formation universitaire fondé sur trois critères : la littératie des données, la littératie technologique et la littératie humaine. L’objectif visé : former des diplômées et diplômés à l’épreuve des robots - robot-proof - capables d’exercer des fonctions que ni les robots ni l’intelligence artificielle ne peuvent assumer.
Une littératie humaine à l’épreuve des robots
Mais qu’entend-on par « littératie humaine » ? Depuis une dizaine d’années, je demande à toute nouvelle recrue du décanat de lire l’essai du professeur d’histoire William Cronon intitulé « Only Connect… »: The Goals of a Liberal Education (The American Scholar, vol. 67, no 4, automne 1998). À mes yeux, cet essai incarne plus que tout autre la valeur profonde de notre mission.
Pour Cronon, l’enseignement des sciences humaines vise à « nourrir l’épanouissement du talent humain au service de la liberté humaine ». Cronon accorde une attention particulière à des qualités comme l’écoute active, la lecture compréhensive, la capacité à soutenir et à valoriser autrui et, surtout, la faculté d’établir des liens et des connexions qui nous permettent de nous ouvrir aux autres, de comprendre le monde qui nous entoure et d’agir de manière créative. Les personnes formées selon cette vision répondent à l’injonction formulée par E.M. Forster dans Howards End : « Mettre en communication… »
Imaginer les futurs de l’apprentissage
La richesse d’une faculté et d’une université repose avant tout sur les personnes qui y travaillent. Il y a quelques mois, en collaboration avec Marc Charron, conseiller principal aux initiatives stratégiques à la Faculté, nous avons lancé le Fonds pour les futurs de l’apprentissage de la Faculté des arts. Nous avons invité nos collègues professeures et professeurs, à temps partiel comme à temps plein, à proposer leurs idées les plus novatrices pour de nouveaux cours et programmes de formation continue offerts en ligne. Comme d’habitude, l’ensemble de nos collègues ont répondu avec créativité et rigueur, en proposant, entre autres, des cours comme Se préparer à l’université : compétences pour réussir à l’université et au-delà ou encore le Programme de perfectionnement linguistique (LEAP).
Notre défi suivant consistait à mieux faire connaître qui nous sommes à la Faculté des arts, ainsi que ce que nous offrons comme programmes et cours existants ou nouveaux, en présentiel ou en ligne. Grâce à nos cours et nos programmes en humanités numériques et en cultures numériques, et en partenariat avec des collègues et des étudiantes et étudiants de la Faculté de génie, nous permettons à nos étudiantes et étudiants en arts de développer les deux premières compétences évoquées par Aoun : la littératie technologique et la littératie des données.
Mais, comme il se doit dans une faculté des arts, nous accordons une attention toute particulière à la troisième : la littératie humaine. En 2025, dans un contexte où il est question de polycrise, d’anxiété algorithmique et d’intelligence artificielle, nous avons voulu réaffirmer notre engagement, tel que formulé par Cronon, à « nourrir l’épanouissement du talent humain au service de la liberté humaine » et à former des diplômées et diplômés capables de « comprendre le monde et d’agir de manière créative », une aptitude proprement humaine.
L’intelligence humaine
Nous avons lancé un appel à toutes les étudiantes et tous les étudiants de l’Université d’Ottawa, et plus d’un millier ont répondu. Nous en avons invité 25 à participer à une activité dans notre théâtre à boîte noire, inauguré en 2018. Nous leur avons soumis une série d’affirmations portant sur l’avenir, en les invitant à y réagir face à la caméra.
Nous les avons vus écouter, comprendre, soutenir et valoriser les autres, et surtout établir des connexions. Des connexions entre eux, avec nous, avec le monde. À travers leurs paroles et leurs gestes, ces personnes ont réaffirmé leur attachement au talent humain qui vient en appui à la liberté humaine. En somme, elles ont, dans leurs propres mots, illustré le sens même de ce que nous avons voulu mettre ici de l’avant : l’intelligence humaine.
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