Loi C-18 sur les nouvelles en ligne et l'impérialisme américain

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Loi C-18 sur les nouvelles en ligne et l'impérialisme américain

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Samuel Lamoureux 

Professeur à temps partiel, Département de communication, Faculté des arts. 

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« Le projet de loi C-18 et le blocage des nouvelles par Meta et Google qui a suivi n'est pas un drame pour les médias. J'y vois plustôt une opportunité unique pour repenser le rapport de force entre les médias canadiens et les grandes plateformes américaines. 

À la base, on aurait tort d'y voir qu'un débat de nature économique. Certains éditeurs de journaux ont déjà écrit que le projet de loi pourrait rapporter 500 millions de dollars aux médias canadiens. Tout indique que ce chiffre était largement exagéré alors que l'Australie aurait plutôt récolté 185 millions de dollars jusqu'à maintenant. Mais ces chiffres ne représentent pas le véritable impact du projet de loi selon moi. Le débat n'est pas économique mais bien politique et infrastructurel. En économie politique de la communication, on dit d'ailleurs souvent que les grandes plateformes numériques ont procédé à une "intégration infrastructurelle" des médias dans le sens que les plateformes américaines auraient complètement absorbé les médias canadiens. J'y vois personnellement un nouveau chapitre de l'impérialisme américain ou les données personnelles des utilisateurs agissent comme le nouvel or noir. 

Et bien le débat actuel et la solidarité de l'écosystème médiatique canadien - je pense à la récente décision des grands médias de suspendre eux aussi leurs publicités - face au drame pourrait relancer un processus de recadrage idéologique face aux plateformes américaines. Bien que les cartes ne soient pas toutes jouées, j'y vois une opportunité unique pour les médias canadiens : il s'agit de redessiner en temps réel nos rapports de dépendance et d'indépendance. Et même si le projet de loi ne fonctionne pas, je rappelle que les médias ont déjà commencé à diversifier leurs revenus. La grande majorité des médias tirent déjà leurs revenus des trois sources suivantes : la publicité, le lectorat (les abonnements) et l'État. Certains médias en ligne plus dépendants des plateformes pourraient être en danger, mais je n'ai pas peur pour ces petits médias, ces derniers ont toujours trouvé des moyens d'innover et je rappelle qu'il existe bien d'autres plateformes numériques de niche pour exposer son contenu ciblé. Les sites de nouvelles à risque ont déjà fait faillite dernièrement : Buzzfeed et Vice, mais davantage pour des raisons de dysfonctionnement interne. »