Décoloniser la santé et le sport

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Autochtone

Par Laura Eggertson

Rédactrice, Pigiste

Tricia McGuire-Adams
Photo: Valérie Charbonneau
Tricia McGuire-Adams cherche à promouvoir un meilleur accès à l’activité physique et au bien-être pour les populations autochtones.

Tricia McGuire-Adams veut changer le discours sur la santé et le bien-être des peuples autochtones. La professeure de la Faculté d’éducation est bien consciente que les communautés autochtones présentent des taux disproportionnés de maladies chroniques, entre autres diabète, tuberculose, arthrite, asthme. 

« Mais nous ne pouvons pas nous concentrer sur le volet “déficit” de ce récit, affirme la chercheuse anishinaabe qui a grandi à Thunder Bay, en Ontario. Nous devons avoir un contre-récit qui s’articule autour de nos conceptions autochtones de la santé et du bien-être. »

C’est pourquoi Mme McGuire-Adams – titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’autonomie en santé (ganandawisiwin) des Autochtones – travaille avec des communautés des Premières Nations pour analyser ce que signifient, pour celles-ci, la santé et le bien-être du point de vue du handicap. En s’entretenant avec les Aînés et les gardiens du savoir, et en recueillant des témoignages individuels, elle veut mieux comprendre les concepts autochtones de handicap, y compris dans les récits historiques antérieurs à la colonisation.

« Historiquement, il n’y a jamais eu de récit basé sur le “déficit” des personnes qui vivaient avec un handicap. Selon certaines études, lorsqu’un enfant naissait avec un handicap, il était considéré comme un don du Créateur, et la communauté traitait l’enfant comme un cadeau. »

En dernier ressort, la professeure espère que son travail – une collaboration avec des chefs de file autochtones, des universitaires et des praticiens du handicap critique – contribuera à décoloniser la formation et la politique en matière de santé et de sport, en favorisant un meilleur accès à l’activité physique et au bien-être pour les personnes parmi les plus marginalisées au Canada.

L’amélioration des politiques commence par l’inclusion des personnes autochtones handicapées dans la conversation, souligne Mme McGuire-Adams. Les récentes initiatives législatives et de collecte de données ont ignoré le point de vue des membres des Premières Nations vivant avec un handicap dans les réserves, surtout les femmes, affirme la chercheuse. Lors des consultations sur la Loi canadienne sur l’accessibilité, qui est entrée en vigueur en 2019, le gouvernement fédéral s’est entretenu avec l’Assemblée des Premières Nations et l’Association des femmes autochtones, mais pas avec les personnes vivant dans les réserves. Les résidents des réserves ont également été exclus de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017 de Statistique Canada, poursuit-elle.

La professeure espère que les « conversations, nourries, essentielles, sur le handicap » qu’elle lance, en partie grâce à son projet qui fait l’objet d’un financement, projet intitulé Understanding Health and Wellbeing from an Indigenous Disability Perspective, commenceront à aborder cette exclusion.

La santé et le bien-être sont également au centre d’un autre projet de recherche – Wiisokotaatiwin (se réunir dans un but) – lancé en 2016, lorsque Mme McGuire-Adams dirigeait des séances d’entraînement à la gyria (kettlebell) avec des femmes autochtones au Centre d’amitié autochtone Odawa à Ottawa. Après s’être entraînées, les femmes se sont engagées dans des discussions fondamentales sur ce que leur bien-être physique signifie pour elles. C’est d’ailleurs l’un des axes du prochain livre de la chercheuse, Indigenous Feminist Gikendaasowin: Decolonization through Physical Activity.  

« Les femmes autochtones ne se considèrent pas comme ayant un déficit de santé, explique la professeure. Lorsque nous nous sommes réunies, en tant que femmes autochtones, nous avons assisté à une réactivation du bien-être ».

La chercheuse poursuit le développement du projet Wiisokotaatiwin grâce à son partenariat avec la Première Nation Naicatchewenin, dans le Nord-Ouest de l'Ontario, où les intervenants se concentrent sur les connaissances traditionnelles en santé et bien-être. Son prochain objectif pour le projet consiste à s’associer à une organisation nationale de sport ou d’activité physique pour en étendre la portée.

Entretemps, Tricia McGuire-Adams s’efforce de faire la lumière sur les expériences des personnes autochtones handicapées et de réduire, grâce à la puissance de leurs récits personnels, les obstacles à l’activité physique.