Sur l’énergie et le climat, la politique est un problème

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Par Nik Nanos

PDG, Nanos Research, ISSP

Nanos Frank
Le Canada a connu plusieurs débats animés sur les politiques énergétiques et climatiques ces dernières années. L'optimisme et l'action qui ont suivi la Conférence de Paris de 2015 se sont rapidement heurtés à une forte résistance au pays et à l'étranger. Et malgré les progrès de nos politiques, la courbe des émissions de gaz à effet de serre du Canada reste entêtement plate. Dans un même temps, un changement prononcé s'est opéré dans le débat public, alors que la sensibilisation augmente et que les catastrophes climatiques s'accumulent.

Au cours de la dernière année et demie, le programme Énergie positive de l'Université d'Ottawa et Nanos Research ont demandé aux Canadiens si c'était un bon ou un mauvais moment pour être ambitieux dans la lutte contre le changement climatique. Les Canadiens pensent de plus en plus qu’il est temps d'être ambitieux. L'été dernier, deux fois plus de Canadiens (36 %) ont déclaré que c'était le meilleur moment possible pour être ambitieux, par rapport à l'été 2020 (17 %).

Mais les Canadiens ont-ils une bonne idée de la position de leurs voisins en matière d'action climatique ? Les résultats de notre dernière série de sondages suggèrent que non.

Pour notre plus récente enquête, nous avons décidé de mesurer la perception de l'existence d'un consensus sur plusieurs politiques climatiques et énergétiques. Nous avons demandé aux répondants d'évaluer, sur une échelle de 0 (aucun accord) à 10 (accord total), dans quelle mesure ils pensent qu'il existe un consensus sur les mesures climatiques et la production de pétrole et de gaz au Canada.

En ce qui concerne l'action climatique, les résultats sont mitigés. Seulement 22 % des Canadiens pensent qu'il y a un niveau élevé d'accord sur l'action climatique (notes de 7 à 10), 44 % pensent qu'il y a un niveau d'accord médiocre (4 à 6), 28 % pensent qu'il y a un faible niveau d'accord (0 à 3), tandis que 6 % sont incertains. Les résultats moyens suggérant un accord étaient comparativement plus élevés chez les Canadiens de plus de 55 ans, les Canadiens de l'Atlantique, les Québécois et les Canadiens partisans de la gauche (tous 5,1 sur 10). Les résultats moyens étaient plus faibles chez les Canadiens de moins de 35 ans, les Canadiens vivant dans les Prairies et les Canadiens partisans de la droite (tous 4,2 sur 10). Fait intéressant, les Canadiens enclins à voter pour le Parti libéral pensent que les niveaux d'accord sont plus élevés (5,3 sur 10) par rapport aux conservateurs (4,0 sur 10) ou aux NDP (4,6 sur 10). En fait, les électeurs libéraux constituent le sous-groupe le plus optimiste que nous avons sondé.

En ce qui concerne la production de pétrole et de gaz, les perceptions de division sont plus fortes. Seulement 18 % des Canadiens pensent qu'il y a des niveaux élevés d'accord, 36 % disent qu'il y a des niveaux médiocres d'accord, 37 % disent qu'il y a des niveaux faibles d'accord, et 10 % sont incertains. Nous constatons ici que les Canadiens de moins de 35 ans (3,7 sur 10), les électeurs du NDP et les Canadiens partisans de la gauche (3,6 sur 10) sont moins d'accord que les Canadiens âgés de 35 à 54 ans (4,6 sur 10) et les Canadiens partisans de la droite (4,7 sur 10). L'optimisme n'est pas au rendez-vous ; aucun sous-groupe n'a obtenu un score moyen supérieur à 5,0. Encore une fois, nous constatons un écart entre les perceptions de l'opinion et l'opinion réelle. Dans un sondage antérieur d'Énergie positive/Nanos, les Canadiens étaient assez d'accord sur l'importance du pétrole et du gaz pour l'économie du Canada, mais un peu moins optimistes quant à son importance future (résultats moyens de 7,6 et 6,0 sur 10, respectivement, en utilisant la même échelle de 0 à 10).

Ensuite, nous avons demandé aux Canadiens pourquoi ils avaient ces opinions. En ce qui concerne l'action climatique, les réponses les plus courantes parmi les Canadiens qui pensent que les niveaux d'accord sont médiocres ou faibles sont le déni climatique (18 % et 16 %, respectivement), la polarisation politique (17 % et 19 %, respectivement) et l'existence d'autres priorités politiques (17 % et 14 %, respectivement). Parmi les Canadiens qui ont déclaré que les niveaux d'accord étaient élevés, la réponse la plus courante était que des mesures avaient été prises (28 %).

Sur la question de la production de pétrole et de gaz, les Canadiens qui croient qu'il y a des niveaux élevés d'accord ont souligné que nous sommes très dépendants du pétrole et du gaz pour de nombreuses choses (19 %) et que ces ressources sont importantes pour l'économie (16 %). Parmi les Canadiens qui ont déclaré que les niveaux d'accord étaient médiocres ou faibles, la polarisation entre les provinces était de loin la réponse la plus courante (29 % et 35 %, respectivement). L'avenir du pétrole et du gaz demeure un sujet délicat, tant sur le plan politique qu'au sein de l'opinion publique.

La polarisation perçue est-elle plus ou moins forte par rapport à il y a cinq ans ?

Plus de deux Canadiens sur cinq (41 %) pensent qu'il y a beaucoup plus d'accord qu'il y a cinq ans sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre les objectifs internationaux du Canada (7-10 sur 10), comparativement à seulement un sur cinq (19 %) qui pense qu'il y a beaucoup moins d'accord (0-3 sur 10). Sur des questions comme les taxes sur le carbone, la construction de pipelines et l'avenir de la production de pétrole et de gaz au Canada, les répondants étaient plus susceptibles de dire qu'il y a beaucoup moins d'accord qu'il y a cinq ans que de dire qu'il y a beaucoup plus d'accord ; aucun n'a obtenu une note moyenne supérieure à 5,0 sur 10.

Qu'est-ce que cela signifie en termes d'avenir ?

Lors des élections fédérales de 2021, le discours de tous les grands partis a adopté le concept de "zéro émission nette" d'ici 2050. Même si vous adoptez une vision cynique de la politique, il s'agit d'un changement rhétorique important. Pourtant, comme le montrent ces résultats, les Canadiens sont beaucoup plus susceptibles de considérer la politique comme un problème plutôt que comme une solution, et certains pensent même qu'il y a moins de consensus sur l'atteinte des objectifs internationaux du Canada en matière de GES qu'il y a cinq ans. Une recherche à venir d'Énergie positive suggère également que le public n'est pas le seul à penser que la politique partisane limite l'établissement d'un consensus en nous faisant paraître plus éloignés les uns des autres sur l'action climatique et de nombreuses questions énergétiques que nous ne le sommes en réalité.

Dans l'ensemble, la perception est peut-être pire que la réalité lorsqu'il s'agit du débat public sur certaines politiques énergétiques et climatiques. De tous les domaines politiques que nous avons étudiés, l'action climatique semble être l'occasion la plus prometteuse d'élargir la tente. Toutefois, cela dépendra en grande partie de la façon dont nos dirigeants se comportent et des exemples qu'ils donnent. Le consensus trans-partisan actuel sur le principe du "zéro émission nette" d'ici 2050 est encore vulnérable. Comme le montre l'histoire récente, les choses peuvent s'échauffer rapidement lorsque les politiques sont mises en œuvre.

Source: Positive Energy/Nanos Research, RDD dual frame hybrid telephone and online random survey, October 31 to November 3, 2021, n=1026, accurate 3.1 percentage points plus or minus, 19 times out of 20. Pour plus de détail sur le rapport de receherche, cliquez ici. (PDF, 1.7MB)

Publié initialement dans Maclean’s le 24 janvier 2022