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Centre de recherche et d’innovation en catalyse

Par Laura Eggertson

Rédactrice, Pigiste

les professeurs de chimie Tom Baker, Michael Organ et Deryn Fogg
De gauche à droite : les professeurs de chimie Tom Baker, Michael Organ et Deryn Fogg du Centre de recherche et d'innovation en catalyse. Photo: Peter Thornton
Au Centre de recherche et d'innovation en catalyse, les chercheurs créent des catalyseurs qui seront à la source de processus de fabrication durables.

« Nous nous servons d'entités moléculaires structurellement complexes et hautement désirables conçues par la nature. Au lieu de les déconstruire, nous profitons de leurs caractéristiques et les utilisons comme fondation. »

– Deryn Fogg

De nos jours, on trouve des produits chimiques dérivés du pétrole dans presque tout, des médicaments aux produits agrochimiques en passant par le boîtier de plastique de nos appareils mobiles. Alors que la pression monte en faveur de la réduction de la consommation de combustibles fossiles à l'échelle mondiale, il devient urgent de créer des procédés de fabrication plus écologiques et moins énergivores qui produiront moins de déchets.

Au Centre de recherche et d'innovation en catalyse (CRIC) de l'Université d'Ottawa, plus de 30 chercheurs travaillent sur de nouvelles technologies de catalyse qui, selon son directeur, Michael Organ, provoqueront des réactions chimiques plus durables qui profiteront aux secteurs industriels, dont les secteurs pharmaceutique et agrochimique.

Les catalyseurs sont des molécules qui, lorsqu'on les jumelle avec un ou plusieurs produits chimiques, accélèrent la réaction qui survient quand les combinaisons interagissent, sans être consumées. La catalyse est la technologie qui crée ces jumelages. La catalyse verte nécessite la recherche de nouveaux catalyseurs et de nouvelles combinaisons de produits chimiques afin de produire des réactions à des températures inférieures qui produiront moins de déchets et seront moins énergivores.

Des chercheurs en chimie, en génie mécanique et en médecine étudient les meilleures façons de réduire notre dépendance aux produits pétrochimiques, que ce soit en utilisant des catalyseurs pour transformer des matières premières et d'autres types de biomasse en composantes chimiques, ou encore en transformant des huiles végétales renouvelables et des sous-produits du bois en produits moléculaires à usage spécialisé.

Professeure de chimie et titulaire d'une Chaire de recherche de l'Université, Deryn Fogg fait partie de ces chercheurs qui utilisent des catalyseurs pour augmenter la structure moléculaire des huiles essentielles, comme celles extraites de l'anis étoilé, le fruit d'un arbre de la famille du magnolia. Son objectif est de créer de nouveaux composés antioxydants qui pourront remplacer les dérivés de pétrole à titre d'ingrédient actif dans les produits de soins personnels, comme les parfums et les crèmes pour la peau.

« Nous nous servons d'entités moléculaires structurellement complexes et hautement désirables conçues par la nature. Au lieu de les déconstruire, nous profitons de leurs caractéristiques et les utilisons comme fondation. C'est un moyen beaucoup plus efficace (et élégant) de créer ces produits à forte valeur ajoutée que les méthodes fondées sur le pétrole. »

Mme Fogg étudie aussi les raisons chimiques qui font que les catalyseurs finissent par se désactiver et se décomposer, ce qui est l'un des obstacles à l'usage industriel de procédés de catalyse potentiellement plus efficaces et plus écologiques.

« Dans la catalyse verte, on utilise une petite quantité pour obtenir une réaction chimique, explique Michael Organ. Dans un monde idéal, on n'aurait besoin que d'une molécule. »

Or, comme la plupart des catalyseurs finissent par s'user et se désactiver, les chimistes ont généralement besoin de plus d'une molécule pour s'assurer du bon fonctionnement du processus. Ainsi, pour créer leurs produits vedettes, les entreprises ont souvent besoin de plusieurs dizaines de milliers de réactions par molécule de catalyseur. Pour créer des processus de fabrication plus propres et plus utiles, il est essentiel de comprendre et de contrôler la décomposition des catalyseurs, souligne Deryn Fogg.

Les composés que la professeure Fogg et ses collègues conçoivent à partir de produits végétaux pourraient aussi servir à la création de médicaments offrant une protection contre l'arthrite, les maladies inflammatoires et même la neurodégénérescence. L'une des forces du CRIC repose dans la rencontre des travaux des chimistes comme Mme Fogg et de ceux des chercheurs biomédicaux.

D'autres projets utilisent des catalyseurs pour transformer la lignine (un sous-produit de la fabrication du papier dérivé de parois cellulaires végétales) en produits chimiques à valeur ajoutée pour remplacer les composantes pétrolières utilisées dans les matériaux à l'heure actuelle.

« Nous essayons de comprendre la catalyse de la déconstruction de la lignine pour créer des produits chimiques et des matériaux recherchés, comme des polymères », affirme Tom Baker, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les applications de la catalyse dans le domaine de l'énergie et ancien directeur du CRIC.

L'une des nouvelles initiatives du Centre consiste à bâtir une base de données mondiale des catalyseurs, hébergée par l'Université d'Ottawa. Les chercheurs et les clients industriels pourraient utiliser ses méthodes de criblage à haut débit et son équipement de pointe pour tester l'efficacité de différents catalyseurs dans leurs processus, ce qui pourrait en retour accélérer l'adoption de nouveaux catalyseurs dans les procédés industriels, réduisant les coûts énergétiques et la production de déchets.

Moyennant des frais d'accès à la base de données, ceux qui apportent des catalyseurs pourront tester leur interaction avec une collection de produits de base pertinents du point de vue biomédical que le CRIC prévoit créer, indique Michael Organ. Cet accès à de nouveaux catalyseurs pourrait mener à des combinaisons transformatrices de molécules qui pourraient ensuite donner naissance à de nouvelles entreprises, voire à de nouveaux secteurs.

La vision de M. Organ est de collaborer avec la Ville d'Ottawa et les gouvernements fédéraux et provinciaux pour créer un pôle industriel fondé sur l'usage de la catalyse en flux pour créer un processus de fabrication durable de produits chimiques fins. « Je veux mettre Ottawa à l'avant-scène du monde de la catalyse, dit-il. Le potentiel est énorme. »