S’attaquer au gaspillage alimentaire : la recette du changement

Faculté de droit – Section de common law
Droit de l'environnement
Développement durable

Par Common Law

Communication, Faculté de droit

A woman stands in the foreground of a food market. There are trays of fruits and shelves of non-perishable items behind her.
Environ 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année. Les pertes sur le plan économique et les conséquences du gaspillage alimentaire sur l’environnement sont des problèmes que nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer.

La professeure Heather McLeod-Kilmurray, codirectrice du Centre du droit de l’environnement et de la durabilité mondiale à l’Université d’Ottawa, prône l’instauration de systèmes alimentaires durables depuis 2016, lorsque le droit alimentaire n’était pas encore un domaine établi en études du droit canadien. Aujourd’hui, elle tente de corriger les lacunes dans les lois et les politiques liées aux aliments que nous consommons et à ceux que nous ne consommons pas, et elle s’efforce de sensibiliser le corps législatif et la population canadienne en général à l’importance de mettre en place des systèmes alimentaires durables et qui tiennent compte de l’enjeu du gaspillage. 

Les pertes et le gaspillage alimentaires sont des sujets qui retiennent de plus en plus l’attention, ici comme à l’étranger. Cela dit – signe de tout le chemin qu’il nous reste à parcourir –, il n’existe toujours pas de définition claire et universellement acceptée de « gaspillage alimentaire ». Généralement, on utilise le terme « perte alimentaire » pour désigner tout aliment perdu ou qui pourrit pendant la production ou le transport vers l’épicerie, tandis que « gaspillage alimentaire » s’entend des aliments en épicerie que personne n’achète ou qui pourrissent – du moins, qui ne sont pas consommés – après avoir été achetés. Somme toute, la quantité de nourriture qui n’est jamais consommée est considérable. 

Au Canada, aucune loi fédérale ne réglemente adéquatement le gaspillage alimentaire. Par conséquent, nous n’avons aucun moyen uniformisé de mesurer la quantité de nourriture gaspillée (ni la façon dont elle est gaspillée). Nous n’avons pas non plus de cibles concrètes à atteindre, lesquelles pourraient permettre d’assujettir le secteur de la production alimentaire et les détaillants à certaines obligations ou faire hésiter la population à jeter une banane ayant commencé à brunir. 

Le problème est évidemment plus large que ces quelques aliments jetés à la poubelle à la maison ou laissés pour compte à l’épicerie. L’insécurité alimentaire a monté en flèche pendant la pandémie. Mais quand on tente de régler la situation en voulant accroître la production alimentaire, on ne s’attaque pas à la source du problème. Selon les données actuelles, on produit suffisamment de nourriture dans le monde pour nourrir convenablement l’ensemble de la population. Si l’augmentation de la production résout partiellement le problème, elle contribue aussi à une hausse des pertes et du gaspillage alimentaires. Les conséquences sur l’environnement d’un accroissement de la production et du gaspillage sont graves. À lui seul, le gaspillage alimentaire est responsable d’une quantité phénoménale de gaz à effet de serre. 

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La professeure McLeod-Kilmurray et ses collègues, dont la professeure Nathalie Chalifour de l’Université d’Ottawa, la professeure Angela Lee de l’Université métropolitaine de Toronto et Patricia Galvão-Ferreira de l’Université de Windsor, essaient de changer les choses. En partenariat avec l’ONG Reimagine Agriculture, les professeures McLeod-Kilmurray et Galvão-Ferreira travaillent notamment avec des étudiantes et étudiants à brosser le portrait des pertes et du gaspillage alimentaires au Canada en examinant les pratiques ayant cours ailleurs dans le monde et en développant une base de données pour suivre celles qui nous permettent de voir toute l’étendue du problème. L’objectif de l’équipe est de rédiger des exposés de politiques et même un avant-projet de loi pour s’attaquer au problème. 

La professeure McLeod-Kilmurray s’inspire aussi des provinces et des municipalités qui se mobilisent contre le gaspillage alimentaire de toutes sortes de manières créatives. Le progrès est chose possible, mais il est de plus en plus nécessaire que le gouvernement fédéral et les provinces coordonnent leurs efforts et mettent en commun leurs pratiques exemplaires. La professeure McLeod-Kilmurray s’intéresse aux pertes et au gaspillage alimentaires au Canada, au Royaume-Uni et au Brésil, et souhaite mettre au point des stratégies mondiales de réduction du gaspillage alimentaire. De plus, elle travaille directement avec l’Université d’Ottawa, où elle étudie la façon dont les efforts consentis sur le campus pour lutter contre le gaspillage alimentaire pourraient être déployés à plus grande échelle afin d’influencer les importants distributeurs alimentaires sur le marché institutionnel.  

Le gaspillage alimentaire est un problème parce que la population n’y est pas suffisamment conscientisée, entre autres. La plupart d’entre nous ne connaissent pas ou ne veulent pas reconnaître les conséquences de jeter à la poubelle une pêche légèrement meurtrie ou de passer au peigne fin le rayon des yogourts pour trouver celui dont la date de péremption est la plus éloignée. La professeure McLeod-Kilmurray espère exposer l’impact de ces petits gestes. Il pourrait découler de cette transformation une réduction du gaspillage alimentaire, une augmentation de la sécurité alimentaire et des répercussions substantielles sur les changements climatiques – un objectif que nous pouvons tenter d’atteindre un repas à la fois.