Publication scientifique en ligne et en libre accès et PCI : discussion avec le professeur Matthieu Boisgontier

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Chercheur étudiant l'écran d'imagerie cérébrale.
Avez-vous déjà entendu parler de PCI ou Peer Community In? PCI est un service d’évaluation par les pairs gratuit et transparent, piloté par des communautés de scientifiques qui examinent et approuvent les prépublications dans leur discipline.

PCI vise la mise sur pied d’un écosystème de publication en libre accès dirigé par la communauté scientifique, en dehors du système d’édition commercial traditionnel. Ce nouveau modèle couvre l’ensemble du processus (de la soumission à la publication) et utilise des moyens avantageux pour la communauté scientifique afin de promouvoir la transparence, le libre accès, la reproductibilité, l’équité, la diversité et l’inclusion. Il existe actuellement 17 communautés PCI différentes, chacune consacrée à une discipline telle que l’écologie, les neurosciences, la biologie évolutive ou encore la génomique.

Par ailleurs, PCI édite le Peer Community Journal, une revue scientifique sans frais de publication, conformément au modèle de libre accès diamant (Diamond Open Access), et déjà indexée par Google Scholar, DOAJ, CAB Abstract et Dimensions. Il existe également plusieurs revues favorables au modèle PCI (PCI-friendly journals), dont 30 sont en libre accès diamant et 55 appartiennent à des sociétés universitaires ou des organismes de recherche.

La Bibliothèque de l’Université d’Ottawa et la Faculté des sciences de la santé sont fières de soutenir PCI.

Pour en savoir plus sur PCI et ses avantages, nous nous sommes entretenus avec Matthieu Boisgontier, professeur agrégé à la Faculté des sciences de la santé et chercheur principal à l’Institut de recherche Bruyère. Ce champion de l’érudition ouverte – il a notamment remporté le Prix du savoir en libre accès 2022 de la Bibliothèque – est également fondateur de la communauté PCI Santé et sciences du mouvement (PCI Health & Movement Sciences), ce qui en fait un spécialiste de ce modèle novateur.

Pourquoi avez-vous lancé la communauté PCI Santé et sciences du mouvement (PCI Health & Movement Sciences)?

La première fois que j’ai entendu parler de Peer Community In (PCI), je venais de tweeter pour promouvoir ma nouvelle prépublication. En réponse à ce tweet, on m’a suggéré de soumettre cette prépublication à PCI, dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai tout de suite cherché à en savoir davantage et je me suis rapidement rendu compte que j’adorais ce qu’ils proposaient. Malheureusement, même s’il y avait déjà 15 communautés PCI, aucune ne correspondait à mon champ de prédilection : la santé. J’ai donc décidé que c’était à mon tour de contribuer à cette superbe initiative en créant une nouvelle communauté PCI. J’ai pensé que ça prendrait quelques semaines. Trois mois, 350 courriels d’invitation et 50 discussions en ligne plus tard, PCI Health & Movement Sciences voyait le jour, avec à son bord plus de 150 chercheurs et chercheuses, dont plus de 25 membres du corps professoral de l’Université d’Ottawa. Grâce à nos efforts, les chercheurs et chercheuses dans le domaine de la santé et de la kinésiologie peuvent maintenant soumettre leurs prépublications à PCI Health & Movement Sciences pour qu’elles soient expertisées et recommandées par leurs pairs.

Matthieu Boisgontier

« PCI propose quelque chose de nouveau dont notre communauté scientifique a crucialement besoin : l’organisation d’un processus gratuit d’expertise par les pairs des prépublications. »

Matthieu Boisgontier

— Professeur agrégé à la Faculté des sciences de la santé

Quels sont les avantages de publier avec PCI?

PCI propose quelque chose de nouveau dont notre communauté scientifique a crucialement besoin : l’organisation d’un processus gratuit d’expertise par les pairs des prépublications. Une fois expertisée et recommandée, la prépublication peut légitimement être reconnue comme une publication à part entière et être rapidement incluse dans notre CV. De plus, ce processus d’expertise fait économiser de l’argent à nos universités puisqu’il se fait au sein même de notre communauté, et non pas chez les maisons d’édition qui nous coûtent des millions de dollars chaque année.

Si les chercheuses et chercheurs en éprouvent le besoin, les expertises produites par PCI peuvent ensuite être mises à profit par les revues scientifiques. Ces dernières peuvent en effet les utiliser pour décider d’accepter de publier une prépublication dans leur revue sans avoir besoin de la faire expertiser ou, éventuellement, elles peuvent se limiter à des expertises additionnelles complémentaires.

Au départ, ma crainte était que cette initiative soit financièrement fragile et uniquement soutenue par la conviction de quelques chercheuses et chercheurs engagés. Mais à ma grande joie, PCI est financièrement pérenne et officiellement soutenu par plus de 150 universités et instituts de recherche, dont certains établissements de tout premier calibre, comme l’Université d’Oxford, l’Imperial College London, la Harvard Library ou l’Université Paris-Saclay. L’Université d’Ottawa montre quant à elle l’exemple au niveau national, puisque la Faculté des sciences de la santé est la première faculté canadienne à apporter son soutien officiel à cette initiative, qui est donc partie pour durer sur le long terme.

Jusqu’à présent, quelle a été la réaction de la communauté de recherche?

Tous les chiffres sont en augmentation régulière depuis la création de PCI en 2017. Le nombre de soumissions de prépublications était de 320 en 2022, et plus de 250 articles ont déjà été soumis en 2023. Par ailleurs, plus de 1000 chercheuses et chercheurs ont signé le manifeste PCI Manifesto dans lequel ils s’engagent à soumettre une de leurs prépublications à PCI au cours de l’année à venir.

Que dites-vous aux chercheuses et chercheurs qui désirent encourager l’érudition ouverte, mais qui ne sont pas prêts à abandonner complètement le modèle de publication traditionnel?

Je leur dis que ça tombe bien! On ne leur demande pas d’abandonner complètement le modèle traditionnel, mais plutôt de contribuer à la science ouverte à leur rythme, quand ils en ont la possibilité. Cette contribution peut prendre plusieurs formes : partager ses données et codes sur des archives ouvertes comme OSF, Zenodo ou GitHub, prépublier ses travaux sur des serveurs gratuits tels que SportRxiv ou MedRxiv, faire expertiser ses prépublications par le PCI en lien avec son domaine de recherche, publier dans des revues en libre accès diamant telles que Communications In Kinesiology ou Peer Community Journal, ou encore informer ses étudiantes et étudiants sur l’existence de ces pratiques ouvertes et développer des cours sur cette thématique.

Ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier, surtout pas celui des maisons d’édition qui ne réinvestissent pas cet argent dans le système universitaire et dont les profits avoisinent les 40 %. Cette stratégie est non seulement bénéfique à nos universités, mais aussi à nos carrières, car la science ouverte met en valeur le dossier des chercheuses et chercheurs, car elle repose sur des pratiques qui soutiennent notre communauté universitaire, favorisent un système de publication plus cohérent et protègent l’équité, la diversité et l’inclusion.

En terminant, quelle est votre vision d’avenir pour l’érudition ouverte?

Aujourd’hui, il est difficile de comprendre comment il y a seulement quelques dizaines d’années, les gens avaient le droit de fumer dans l’avion. Je pense que d’une façon similaire, les scientifiques se demanderont bientôt comment le système actuel a pu perdurer si longtemps.

Dans l’avenir, seuls les articles publiés avec une version ouverte de leurs données, de leurs codes et de leurs expertises faites par les pairs seront pris au sérieux et considérés dans les revues de littérature.

Dans l’avenir, les universités auront réussi à imposer la primauté des revues qu’elles publient elles-mêmes, en les valorisant dans les processus d’embauche, de promotion et de financement de la recherche. Les professionnelles et professionnels de l’édition universitaire seront engagés au sein des universités et la grande majorité des bénéfices du système de publication resteront dans le système universitaire.

Dans l’avenir, les articles que ces revues universitaires publieront seront basés sur des prépublications expertisées par des initiatives comme PCI. Sur la base de la qualité de ces prépublications et expertises, toutes deux publiées gratuitement, les revues tenteront de convaincre les auteurs et autrices de publier la version finale de leur article dans leur revue plutôt que dans une autre.

Appuyer l’érudition ouverte à uOttawa

En plus de soutenir PCI, la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa met différentes infrastructures de publication en libre accès à la disposition de ses chercheuses et chercheurs, dont le dépôt numérique Recherche uO ainsi que l’hébergement de revues en libre accès par l’entremise d’Open Journal Systems.

Pour en savoir plus sur les différentes options qui s’offrent à vous, veuillez communiquer avec Leigh-Ann Butler, bibliothécaire responsable de la communication savante.

Pour en savoir plus sur PCI, visionnez la conférence (en anglais) donnée par Matthieu Boisgontier le 25 janvier 2023, dans le cadre de la cérémonie de remise du Prix du savoir en libre accès de la Bibliothèque.

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