Engagez la conversation : rencontre avec la postdoc Jacqueline Briggs

Stagiaire postdoctorale (2021-2024)
Faculté de droit, Section de common law
Directrice de recherche : Constance Backhouse

Jacqueline Briggs s’est jointe à la Faculté de droit en 2021 dans le cadre d’une bourse de recherche postdoctorale du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), sous la direction de la professeure Constance Backhouse. Ses recherches portent sur le « colonialisme administratif », plus précisément sur le travail des fonctionnaires juristes du ministère de la Justice. Spécialiste de l’histoire du droit, des études sociojuridiques et de la criminologie, elle a signé plusieurs articles remarquables sur le colonialisme et le système de justice pénale canadien. En 2021, elle a choisi l’Université d’Ottawa pour y poursuivre ses démarches de recherche en explorant l’histoire du ministère de la Justice de ce point de vue fascinant et inédit.

En plus de travailler à ses recherches postdoctorales, Jacqueline Briggs se prépare à adapter sa thèse de doctorat en livre, et se donne à nouveau le droit de lire des romans après tant d’années à compulser des ouvrages savants. La chercheuse, qui se décrit en trois mots (cordiale, enthousiaste et responsable), ambitionne de rassembler les membres du milieu de la recherche postdoctorale, de la population étudiante des cycles supérieurs, du corps professoral et du personnel administratif de l’Université d’Ottawa afin de former une grande communauté. Elle nous a exposé ses plans d’avenir, ses travaux et ses principaux axes de recherche.

Jacqueline Briggs

Parlez-nous un peu de vous. Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir chercheuse à l’Université d’Ottawa ?

L’Université d’Ottawa est l’établissement idéal pour mes études postdoctorales qui touchent à l’histoire de la bureaucratie du droit au ministère de la Justice. Plusieurs facteurs ont influencé mon choix, notamment la possibilité d’interroger des juristes qui travaillent ou ont travaillé au Ministère, de consulter les archives ministérielles conservées à Bibliothèque et Archives Canada et de travailler avec ma directrice de thèse, la professeure Constance Backhouse.

Parlez-nous de l’objet de vos recherches. Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Comme j’ai un doctorat en criminologie et études sociojuridiques, mon approche se distingue quelque peu des autres parce que j’intègre les études historiques et archivistiques ainsi que la sociologie à mon travail. De manière générale, je m’intéresse au colonialisme et à l’accès à la justice, plus particulièrement au rôle de la profession juridique et de l’administration publique dans ce qu’on appelle le « colonialisme administratif ». Ma thèse, dirigée par Mariana Valverde, professeure au Centre de criminologie et d’études sociojuridiques de l’Université de Toronto, portait sur l’histoire d’un programme d’aide juridique aux Autochtones mené par le gouvernement fédéral (ministère des Affaires indiennes et ministère de la Justice) de 1870 à 1970. Pour cette étude d’envergure nationale s’étalant sur un siècle, je me suis basée sur des dossiers de politique, des dossiers du ministère de la Justice concernant la peine capitale et plus de 600 dossiers d’aide juridique en lien avec des cas d’homicides issus des archives du ministère des Affaires indiennes pour démontrer l’étroitesse des liens entre l’administration de la justice et l’administration des affaires indiennes. J’aborde l’aide juridique aux Autochtones à cette époque comme étant le produit de « réseaux » d’acteurs juridiques à travers le pays (juges, agentes et agents des « Indiens », fonctionnaires, avocates et avocats de la défense, porte-parole des Autochtones), en mettant en lumière les contestations, les désaccords et les intérêts personnels qui ont motivé leur participation. Ce projet vient combler un grand vide dans la littérature entre les études historiques de l’« application initiale » des lois coloniales aux communautés autochtones du 19e siècle, d’une part, et les études criminologiques de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice, d’autre part. Je travaille actuellement à l’adaptation de ma thèse en livre.

Mes recherches postdoctorales continuent de se concentrer sur le « colonialisme administratif » en examinant le travail des fonctionnaires juristes du ministère de la Justice depuis sa création en 1868, jusqu’à aujourd’hui. Je cherche entre autres à mettre à profit les résultats de mon étude sur l’embauche ponctuelle d’avocates et avocats locaux en zone rurale pour agir en tant que « mandataires du ministre de la Justice » dans l’aide juridique offerte aux Autochtones.

Qu’espérez-vous accomplir lors de votre passage à l’Université d’Ottawa ?

En plus de rédiger quelques articles, de faire éditer mon livre et de me plonger dans les archives du ministère de la Justice, j’espère entrer en contact avec des organismes autochtones d’Ottawa pour leur faire part des résultats de mes recherches doctorales et connaître leurs motifs de préoccupation en ce qui a trait à l’accès à la justice et à la justice autochtone. Je compte également organiser une série de rencontres mensuelles en vue de former une communauté de chercheuses et chercheurs au postdoctorat, d’étudiantes et étudiants des cycles supérieurs et de membres du corps professoral. Restez à l’affût, ce projet devrait voir le jour à l’automne!

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

J’ai eu la chance inouïe d’entreprendre une véritable démarche de développement personnel et de perfectionnement professionnel au Centre for Indigegogy, à la Faculté de travail social de l’Université Wilfrid-Laurier. Sous la direction de la professeure Kathy Absolon et de la candidate au doctorat Giselle Diaz, j’ai eu l’occasion de participer à des cercles de parole et à une cérémonie anishinaabe, mais aussi de réfléchir longuement à mon rôle d’alliée dans la décolonisation de l’éducation et de la recherche. Depuis 2017, les méthodes, les approches et les relations centrées sur la décolonisation que le Centre for Indigegogy met de l’avant constituent ma principale source d’inspiration professionnelle. D’un point de vue disciplinaire traditionnel, je me considère avant tout comme une chercheuse interdisciplinaire. J’ai étudié la littérature au premier cycle et à la maîtrise, alors j’intègre une approche humaniste / des sciences humaines dans mon travail en criminologie, en études du droit et en histoire sociojuridique.

Avez-vous des conseils pour les personnes qui font actuellement un doctorat ?

Si vous êtes en phase de rédaction de votre thèse, je vous conseille de prendre soin de vous sur les plans psychologique, physique et émotionnel. La rédaction d’une thèse s’apparente à un marathon mais comporte aussi beaucoup de sprints! Si vous commencez votre doctorat, je vous conseille d’assister à des cours supplémentaires dans des domaines qui vous intéressent (si c’est permis, bien sûr). Pendant mon doctorat, j’ai assisté à quatre cours supplémentaires et chacun d’eux m’a été d’une grande utilité. Enfin, je vous encourage à trouver des « camarades d’études » : il n’y a rien de tel que les encouragements mutuels et l’esprit de solidarité… et puis c’est toujours utile d’avoir quelqu’un pour surveiller son ordinateur pendant qu’on prend une pause!

Avez-vous des publications que vous aimeriez partager avec notre communauté ?

Que lisez-vous en ce moment ?

Quelle belle question! En ce moment, mes lectures se déclinent en trois catégories. D’abord, les ouvrages et les articles en lien avec mon champ d’études (histoire de la profession juridique, sociologie et histoire de la bureaucratie, études du colonialisme et questions touchant les Autochtones). Je viens d’ailleurs d’entamer la lecture d’une volumineuse biographie datant de 1974, signée par Robert Caro, The Power Broker, qui traite (entre autres) des projets de construction d’autoroutes du fonctionnaire Robert Moses à New York. Dans un deuxième temps, je lis une série de guides de rédaction et de rhétorique qui m’aideront à transformer ma thèse en livre « digeste ». L’un des plus utiles à ce jour est From Dissertation to Book de William Germano. Avec la troisième catégorie, je me gâte. Après des années à ne lire que des ouvrages savants, je me donne le droit de lire des romans. L’une des lectures les plus satisfaisantes pour me remettre, à l’automne, de la rédaction de ma thèse a été Jurassic Park de Michael Crichton. (Saviez-vous que le film était basé sur un livre? Et que Michael Crichton était médecin avant de devenir auteur de fiction?)

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