Commémoration des héros et camarades perdus : réflexions de Pierre Morisset, un ancien étudiant de l’Université d’Ottawa

Faculté de médecine
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Médecine

Par Michelle Read

Rédactrice, Faculté de médecine

Dr. Pierre Morisset serre la main du Gouverneur général Ray Hnatyshyn.
Pour souligner le jour du Souvenir, l’ancien médecin général des Forces armées canadiennes raconte l’histoire de camarades perdus et nous explique comment il a gravi les échelons des services médicaux des Forces armées canadiennes.

Chaque année, à l’occasion du jour du Souvenir, Pierre Morisset et des collègues militaires en service actif et à la retraite de la région d’Ottawa et de la BFC Petawawa se réunissent au cimetière des Pionniers de Chelsea (Québec), pour rendre hommage à l’un des leurs, un héros de guerre peu connu.

Bien que le Dr Morisset, qui habite à Ottawa, ne soit plus en uniforme, il porte fièrement ses médailles par respect et par tradition chaque jour du Souvenir. C’est un moment de fierté pour cet ancien étudiant de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, dont la carrière militaire l’a mené jusqu’à sa nomination au poste de médecin général des Forces armées canadiennes au rang de major-général.

« Le camarade honoré est Richard Rowland Thompson, un soldat peu connu », rapporte le Dr Morisset. « Ce soldat a accompli des actes héroïques en tant que brancardier pendant la guerre des Boers en Afrique du Sud à la fin du 19e siècle. »

Le Dr. Pierre Morisset est assis dans un fauteuil chez lui.
Dr Pierre Morisset partage des histoires depuis son domicile à Ottawa.

« Le camarade honoré est Richard Rowland Thompson, un soldat peu connu qui a accompli des actes héroïques en tant que brancardier pendant la guerre des Boers en Afrique du Sud à la fin du 19e siècle. »

Dr Pierre Morisset, MD 1971

— En parlant d'une réunion à laquelle il assiste chaque jour du Souvenir à Chelsea (Quebec)

Dr Pierre Morisset partage des histoires depuis son domicile à Ottawa.

En reconnaissance de l’héroïsme

Pour reconnaître la vaillance des soldats du Commonwealth au front de la guerre des Boers, la reine Victoria, à l’époque reine, avait décidé de tricoter elle-même des écharpes (« pour les garder au chaud », selon ses propres mots). Elle a produit huit écharpes, soit une écharpe pour chaque soldat s’étant le plus distingué dans chacun des pays du Commonwealth impliqués dans cette guerre.

Le soldat Thompson a reçu l’écharpe canadienne en récompense de son héroïsme et de ses actions courageuses dans le sauvetage de camarades blessés sur le champ de bataille. Il a vécu dans la région d’Ottawa après la guerre. Décédé de causes naturelles, il a été discrètement enterré dans le cimetière des Pionniers de Chelsea, où il est demeuré dans l’anonymat pendant de nombreuses années.

Dans les années 1980, M. Bob Philips, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, président de la Société historique de la vallée de la Gatineau et ami du Dr Morisset en raison de leur intérêt commun pour la restauration des maisons en pièces des pionniers, a dirigé une équipe de bénévoles pour restaurer le cimetière négligé. C’est au cours de ces travaux qu’il a découvert l’histoire du soldat Thompson. Il en a informé le Dr Morisset, et ce fut le début de la participation des Services de santé des Forces canadiennes (maintenant appelés le Service de santé royal canadien).

« La cérémonie du jour du Souvenir est particulièrement exceptionnelle. Le cimetière est entretenu par des membres du corps médical et du Royal Canadian Regiment (RCR) de Petawawa (le régiment auquel le soldat Thompson était rattaché), et est situé dans un peuplement de pins matures. Plusieurs résidents de la région assistent à la cérémonie », explique le Dr Morisset.

« Il n’y a pas de coups de canon ou de défilé aérien, mais simplement un dépôt de couronnes, des prières récitées par des aumôniers et des poèmes et chants d’écoliers de la région. C’est une cérémonie très touchante. »

Le jour du Souvenir, on ressent généralement la fraîcheur de l’air automnal, et l’on cherche des façons de se réchauffer, ce qui ravive des souvenirs pour le Dr Morisset.

« Mes pensées vont aux pauvres jeunes hommes qui avaient froid et faim, et qui marchaient sur des cadavres dans les tranchées boueuses durant les bombardements... » dit-il, sa voix ébranlée.

L’Université d’Ottawa : une communauté unie

Le Dr Morisset a grandi dans un foyer francophone à Sudbury, en Ontario. Au secondaire, le sport le distrayait de ses travaux scolaires.

Sans les bourses d’études universitaires dont ont profité son frère et sa sœur, il s’est demandé : comment puis-je alléger le fardeau financier de mes parents? « Ah, les Forces armées! » pensa-t-il.

À l’époque, les Forces armées canadiennes étaient à la recherche d’ingénieurs; un domaine pour lequel le Dr Morisset n’avait aucun intérêt, aspirant plutôt à devenir pilote. Il s’est donc inscrit au Programme de formation des officiers – Force régulière. Dans le cadre de ce programme, le ministère devait couvrir les frais de scolarité afférents à un diplôme de premier cycle en échange de trois années de service militaire. Il a choisi, plutôt qu’un programme d’ingénierie, un baccalauréat/diplôme de préparation aux études médicales à l’Université d’Ottawa. Ce programme proposait un bon équilibre entre les sciences et les sciences humaines.

Le lieutenant d’aviation Morisset monte dans son avion
Le lieutenant d’aviation Morisset monte dans son avion en 1965 (22 ans) à Moose Jaw en Saskatchewan.

Le Dr Morisset rapporte qu’à l’époque, deux cheminements postsecondaires étaient proposés à celles et ceux qui souhaitaient quitter Sudbury.

« Les anglophones se dirigeaient vers le sud, à Toronto, à Kingston ou Waterloo », explique le Dr Morisset. « Les jeunes francophones qui voulaient poursuivre leurs études en français s’inscrivaient à un programme de l’Université d’Ottawa. Comme il y avait beaucoup de gens de Sudbury ici, nous avions l’impression de former une communauté. »

L’intérêt du Dr Morisset pour l’Université d’Ottawa est également attribuable au lien familial avec cet établissement. Son père et son frère ont étudié à l’Université. Le frère de son père, le père Auguste Morisset, a été directeur de l’École de bibliothéconomie. Le père Morisset rêvait d’installations spacieuses et modernes pour l’étude des arts et des sciences sociales; un rêve qui est devenu réalité en 1972 avec l’inauguration de la bibliothèque Morisset, la nouvelle bibliothèque centrale de l’Université d’Ottawa. Par ailleurs, le père Roger Guindon, recteur de l’Université de 1965 à 1984, était le cousin germain du Dr Morisset.

Parallèlement à ses études, le Dr Morisset a terminé sa formation de pilote dans diverses bases au Canada et a servi ses trois années de service militaire obligatoire en tant qu’instructeur de vol dans l’Aviation royale canadienne (ARC). Les Forces lui ont ensuite offert de couvrir ses frais de scolarité pour son doctorat en médecine en échange de 10 ans de service militaire à la fin de ses études.

« J’ai toujours eu une passion pour les Forces armées », dit-il. « Plutôt que de quitter les Forces et de devenir pilote pour une compagnie aérienne commerciale, j’ai choisi de rester avec les Forces et de m’engager auprès du service. »

Cohorte 1971 de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa
Cohorte 1971 de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Crédit photo : la Faculté de médecine de l’uOttawa

Les études en médecine ont été une période stressante, se souvient-il. La concurrence féroce pour les ressources de la bibliothèque et l’absence d’ordinateurs rendaient l’autoapprentissage difficile; l’apprentissage des élèves dépendait principalement de l’enseignement en classe.

« Certains enseignants ne faisaient qu’empirer la situation en suggérant qu’un seul document de référence pour les 85 élèves de la cohorte ou en refusant d’allumer les lumières pendant que nous prenions des notes à partir de diapositives présentées dans une pièce sombre, bondée et chaude dans le petit bâtiment médical du 90 Nicholas », dit-il.

Le bâtiment de médecine de l'Université d'Ottawa sur la rue Nicholas
Le bâtiment de médecine de l'Université d'Ottawa (maintenant Vanier Hall) sur la rue Nicholas tel qu'il était dans les années 1960. Publié avec la permission de la Société Aesculapienne de l'Université d'Ottawa.

Mais, comme c’est le cas encore aujourd’hui, certains enseignants étaient plus intéressants que d’autres pour le Dr Morisset et ses camarades de classe.

« Le Dr Joe Auer enseignait l’anatomie et lorsqu’il entrait dans la pièce, tous les étudiants se levaient », se souvient-il. « Plutôt que d’utiliser des diapositives, il dessinait au tableau et ses explications étaient claires. C’était un réel contraste aux méthodes d’enseignement traditionnelles, et nous avons tous beaucoup appris. »

Le Dr Joseph Auer donnant une conférence d'anatomie.
Le Dr Joseph Auer donnant une conférence d'anatomie en 1948. Crédit photo : la Faculté de médecine de l’uOttawa

Le Dr Morisset se souvient également de la gentillesse de la Dre Margaret Beznak. Elle enseignait avec brio la neurobiologie et la neuroanatomie, des sujets difficiles; elle était aimée par les étudiants.

« Elle, comme plusieurs de ses collègues, nous recevait chez elle pour des chants de Noël », se souvient-il. « Nous la surnommions Maman Beznak. À un certain moment de ma vie, j’ai emménagé dans une maison située à cinq maisons de sa demeure; malheureusement, je ne l’ai appris qu’à son décès. »

Le Dr Morisset a été major de la promotion 1971. Il a été désigné par ses camarades de classe pour sa maturité, son bilinguisme, son comportement exemplaire et son affiliation aux Forces armées.

S’impliquer pour faire avancer les choses

Peu de temps après l’obtention de son diplôme et le début de ses 10 années de service, le Dr Morisset a commencé à gravir les échelons de la branche médicale des Forces armées, occupant des postes de leadership et administratifs.

Il explique que les encouragements de ses parents durant son enfance, ainsi que sa passion pour le sport, ont été des expériences qui l’ont amené à s’épanouir et devenir chef de file en médecine militaire. Il rappelle l’importance de s’impliquer et d’assumer des responsabilités.

« Il ne faut pas refuser les possibilités qui se présentent », dit le Dr Morisset. « À l’époque, les médecins critiquaient les administrateurs pour leurs décisions concernant le budget et les politiques, mais je leur disais : « Vous n’avez qu’à vous impliquer! » J’ai choisi de m’impliquer et de déployer les efforts nécessaires pour bien faire les choses. »

Le major-général Morisset dans sa tenue de mess
Le major-général Morisset dans sa tenue de mess de l’ARC en 2011 (approx.).

Le Dr Morisset est retourné aux études pour effectuer une maîtrise en administration de la santé. Après avoir servi pendant quatre ans à titre de médecin général adjoint des Forces armées canadiennes, il a été nommé médecin général. Il était alors responsable des soins de santé complets des militaires et de leurs familles (dans des bases isolées au Canada et en Europe), ainsi que des opérations à l’extérieur du pays comme les conflits ouverts (p. ex., la guerre du Golfe), le maintien de la paix, les secours en cas de catastrophe et les opérations nationales.

« En tant que médecin général, j’administrais tous les volets des soins de santé, notamment le personnel (médecins, personnel infirmier, pharmaciens, physiothérapeutes, adjoints aux médecins), la recherche et le déploiement des hôpitaux de campagne », dit-il.

« Le plus gros défi consistait à répondre aux nombreuses demandes en temps opportun malgré des pénuries à tous les niveaux de main-d’œuvre médicale », poursuit-il. « Les compressions budgétaires, comme celles du milieu des années 90, ont forcé la fermeture de tous les hôpitaux militaires au Canada ainsi que d’un tout nouvel hôpital en Allemagne, aggravant ainsi la situation. »

Le Dr Morisset a mis en place un hôpital de campagne à Goma, au Congo, pour servir les réfugiés rwandais fuyant le génocide. Des gardes armés encerclaient l’hôpital.

« Malgré les atrocités dont ils avaient été témoins et souvent subies par eux-mêmes, les enfants souriaient, certains jouant au soccer avec un crâne humain séché », se souvient-il.

Devant un hôpital de campagne à Goma, au Congo, le Dr. Pierre Morisset se tient aux côtés d'autres membres militaires.
À l’extérieur d’un hôpital de campagne à Goma, au Congo, le Dr Pierre Morisset (à droite) regarde des enfants rwandais jouer au soccer avec un crâne humain séché.

Disparu, mais jamais oublié

Pendant plusieurs années, Richard Martin, l’un de ses précieux collègues, se faisait un devoir de rassembler les camarades de classe de la promotion de 1971 en organisant des rassemblements tous les quatre à cinq ans dans des lieux pittoresques comme Mont-Tremblant et Montebello.

Cependant, il y a quatre ans, le Dr Martin a développé la maladie de Huntington, devant non seulement abandonner sa pratique médicale, mais aussi son rôle de rassembleur. Comme personne ne se portait volontaire pour reprendre le flambeau, le Dr Morisset est intervenu.

Au moment de célébrer le 50e anniversaire, les diverses cohortes ont versé des dons importants à l’Université. En 2022 (l’événement de 2021 ayant dû être reporté en raison de la pandémie de COVID-19), le Dr Morisset a suscité l’intérêt de sa cohorte pour l’établissement d’un fonds. À ses débuts, le fonds commémorera leur ami Richard en promouvant la recherche sur la maladie de Huntington.

Le Dr Morisset aime rester en contact avec la Faculté de médecine et ses dirigeants, participant aux activités des Retrouvailles tous les cinq ans. Il a rencontré le doyen Bernard Jasmin et d’autres membres de la direction de la Faculté, notamment Melissa Forgie, vice-doyenne principale des Études médicales à la Faculté de médecine, dont il connaissait le père qui était ophtalmologiste dans les Forces.

Le Dr Morisset serre la main du Dr Bernard Jasmin, doyen de la Faculté de médecine
Le Dr Morisset serre la main du Dr Bernard Jasmin, doyen de la Faculté de médecine, lors de la réception d’accueil du doyen à TwentyTwo, Westin à Ottawa, le 30 septembre 2022, dans le cadre du weekend des Retrouvailles.

Les responsabilités du Dr Morisset au sein des Forces ont pris fin, et bien qu’il ne puisse plus porter l’uniforme, il se souvient de l’époque où les membres de l’état-major supérieur, comme le chef d’état-major de la défense, étaient des officiers subalternes. Ayant gardé un très bon souvenir de lui, ils l’appellent « Monsieur », une marque de respect aussi importante qu’un salut.

« Que vous soyez en uniforme, que vous passiez devant un cénotaphe, que ce soit le 11 novembre ou autre, dit le Dr Morisset, vous saluez en signe de respect. »

N’oublions jamais.

Main photo: Dr Morisset serre la main du gouverneur général Ray Hnatyshyn alors qu’il reçoit, en 1993, la médaille de commandeur de l’Ordre du mérite militaire en reconnaissance de services méritoires exceptionnels et de son leadership dans des fonctions de grande responsabilité.

Toutes les photos sont fournies gracieusement par le Dr Pierre Morisset, sauf indication contraire.

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